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Libéré après six mois de prison sans jugement

Je m’appelle Ibala Anicet, fils d’Ibala Yves-Marcel, colonel de son état, ex ministre de la défense congolais [1] et fils de madame Madila Charlotte. Je suis né le 12 décembre 1971 à Mossendjo. J’ai suivi mes études à l’école primaire de Makengue. Après mon CEP j’ai fait le concours de l’Académie. Je suis allé à l’Ecole Militaire de l’Académie où je suis resté six ans. J’en suis sorti aspirant et je suis allé me faire recycler à l’école Saint-Cyr de Paris j’y ai fait trois mois et je suis revenu sous-lieutenant. En 96, j’ai travaillé à l’intervention pacifique à Brazzaville ou mon commandant d’intervention était le colonel Emerson. A la sortie de là en 97 on a eu des problèmes politiques qui nous ont menés jusqu’à une guerre civile dans notre pays. Je me suis retrouvé en Côte D’ivoire avec mon père qui a foncé en Suisse parce que le gouvernement provisoire devait se retrouver en Suisse. Je suis resté en Côte D’ivoire. Puis quand notre pays à retrouvé la tranquillité on nous a demandé de rentrer. Je suis donc rentré au pays pour travailler et servir le travail que j’avais choisi dans ma vie.
Arrivé en 98, ce n’était pas facile, ce n’est pas le cas, mais plutôt c’était la mort. J’ai donc pris la fuite pour le Gabon. Arrivé au Gabon, j’ai été obligé pour travailler d’apprendre la conduite.
Me voici en 2001 de retour au pays, pour commencer le travail parce que le calme y régnait. J’ai commencé au convoyage de trains. J’étais le deuxième chef du convoyage. Après une année de convoyage de trains on nous a demandé de regagner nos corps d’origine, parce que c’était un mélange de corps. J’ai donc regagné mon corps d’origine qui était la police et j’ai eu une affectation sur Dolisie. J’ai travaillé durant six mois à Dolisie et le septième mois, les agents de la DST arrivent pour me prendre. Ils me disent « Vous avez fait un coup d’Etat manqué avec un de vos capitaines parce que toi tu es du Niari. ». Ce capitaine là est du Niari, il est babembé et moi je suis tsangui, et voilà ça devient comme un défi, je me suis retrouvé…

Blanche Simona : Il s’agit de quel capitaine ?
AI : Le capitaine Panzi Ngouari… et on s’est retrouvés à Brazzaville…

BS : Et il est en prison en ce moment ou il est libre ?
AI : Il a été libéré… et voilà quand on se retrouve à Brazzaville c’est la prison.
Trois mois plus tard j’étais sorti de la prison de part l’intervention de parents et d’amis qui me connaissaient de loin ou de près, et voilà, je suis remis à la disposition de mes parents. Je viens voir à Pointe-Noire le gestionnaire des biens de mon père de façon à ce que je puisse avoir la gestion des quelques biens de papa. Ce monsieur s’en est accaparé, il me dit : « Tu ne peux pas gérer. »

BS : Il s’agit de qui ?
AI : Oh ! Ce ne serait pas trop bien que je cite son nom parce que c’est un peu glissant… Et comme il est attaché aux hommes politiques, il m’a enfermé. Je suis allé passer six mois en prison. On m’a enfermé parce qu’il a prétendu que j’étais allé le menacer de mort chez lui, alors que je n’étais qu’allé réclamer la gestion des biens de mon père. Alors que c’est lui qui gère, il dit que je suis allé le menacer. On m’avait condamné par conséquent des menaces de mort…

BS : Mais on vous avait jugé avant ou on vous a pris comme ça ?
AI : On m’a pris, je suis arrivé à la gendarmerie on m’a écouté et deux semaines après on m’a déféré à la maison d’arrêt.

BS : Après un procès ?
AI : Ben oui…

BS : Avant qu’on vous jette à la maison d’arrêt, il y a eu préalablement un procès ?
AI : Non, il n’y a pas eu un procès, il n’y a pas eu un PV il n’y a rien eu. Alors comme ça de la gendarmerie à la maison d’arrêt. Je signe un PV alors que je suis déjà à la maison d’arrêt.

BS : Vous y avez passé six mois ?
AI : J’y ai passé six mois, j’en suis sorti ça fait six jours…

BS : Et qui vous a fait relâcher ?
AI : On m’a relâché parce que la condamnation à laquelle on m’avait condamné…

BS : Comprenons nous bien, il n’y a pas eu de procès donc il ne peut pas y avoir de condamnation. Vous étiez donc en prison préventive. Vous n’aves été condamné à rien.
AI : J’étais condamné pour menaces de mort…

BS : Attendez, vous n’avez pas été condamné, vous n’avez pas eu de procès, il n’y a pas eu de jugement…
AI : Il y a eu un jugement…

BS : Il ne peut y avoir de jugement que devant un tribunal.
AI : Oui on m’a fait passer devant un tribunal parce qu’a mon arrivée à la maison d’arrêt on m’a amené le PV qu’on m’a fait signer…

BS : Sans le procureur ?
AI : Sans le procureur…

BS : Vous n’avez pas comparu devant un tribunal, donc il n’y a pas de jugement. Monsieur, il faut aller avec tous ces éléments devant le procureur de la République et porter plainte pour emprisonnement abusif. Etes-vous en mesure de le faire ?
AI : Non, je ne pense pas parce que je suis menacé à distance en raison du nom de mon père que je porte, étant africains comme nous sommes et congolais de plus, c’est pas facile…

BS : Est-ce que vous aviez eu l’aval de votre père pour réclamer la gestion de ses biens ?
AI : Bien sûr, on est d’accord avec mon père…

BS : Et comment a-t-il réagi en apprenant que celui qui gère ses biens vous a jeté en prison ?
AI : Le dernier message que mon père m’a passé, il m’a dit en patois : « Tu arrive chez les gens, ils te reçoivent, ils ne te montrent pas l’arrière de leur maison. Il ne faut pas chercher à découvrir parce que tu peux aller chercher la mort derrière la maison. ». C’est tout ce u’il m’a dit et j’ai compris ce qu’il voulait dire.

BS : Quelle est votre situation aujourd’hui ?
AI : Aujourd’hui je suis un homme sans abri, sans boulot. Je suis obligé de repartir vers mon village natal. Là-bas je ne vais pas payer l’eau je ne vais pas payer la maison, je ne vais pas payer le courant, je vais dormir avec les lampes tempête je pourrai reprendre ma vie…

BS : Mais comment allez-vous faire pour survivre et pour vous prendre en charge ?
AI : J’ai un métier, c’est la conduite, j’ai un permis, j’ai des certificats de travail mais je ne sais pas où trouver le boulot. Sincèrement je ne sais pas où aller…

BS : Pouvez-vous nous parler des conditions carcérales ?
AI : Sincèrement, c’est malheureux. Partout dans le monde on ne respecte pas les droits de l’homme, mais au Congo les droits de l’homme ne sont pas respectés. D’abord par nos hommes politiques parce qu’au Congo la prison c’est vraiment la mort. Il y a un thème qui nous dit que la prison c’est un lieu de rééducation. Qu’on doit y rééduquer la personne de ce qu’il a commis afin que demain il ne récidive pas, seulement chez nous au Congo la prison c’est un lieu qui pousse la personne a devenir de plus en plus bandit. Celui qui était voleur sera de plus en plus voleur. Sincèrement la prison avec tout le temps que j’y ai passé c’est vraiment un souvenir inoubliable. Les prisonniers se font contrôler par d’autres prisonniers. Je veux dire qu’une partie des prisonniers est chargée de surveiller les autres, le mirador, alors que dans d’autres pays, le mirador de la maison d’arrêt ce sont les policiers ou les gendarmes qui assurent la surveillance. Mais ici à Pointe-Noire, précisément où j’étais en prison, ce sont les prisonniers qui assurent le rôle des policiers parce que l’effectif au niveau de la maison d’arrêt n’est pas complet. Pourtant il y a des policiers qui traînent dans la rue mais l’effectif n’est pas complet. La nuit à Pointe-Noire il n’y a que deux policiers de garde. Et ces deux policiers sont incapables d’assurer la sécurité parce qu’ils n’y suffisent pas. La journée ce sont des prisonniers qui montent au mirador pour surveiller leurs amis qui sont en bas. Moi-même j’ai été au mirador parce que les policiers savaient que j’ai eu une formation. Pour me permettre d’avoir 100f pour les cigarettes ou quelque chose, ils m’avaient mis au mirador.
En dehors de ça, à l’intérieur, qu’est-ce qui se passe ? Le nouveau venu est enregistré et on le fout à l’intérieur avec des assassins qui ont déjà quinze ans d’emprisonnement, on les appelle la police militaire de la maison d’arrêt de Pointe-Noire. Ce sont eux qui maltraitent le nouveau venu afin que ses parents viennent leur apporter cinquante, soixante dix mille ou cent mille France pour qu’ils le laissent tranquille.

BS : On paye auprès de qui ?
AI : On paye auprès de la direction de la maison d’arrêt. A partir du moment où tu payes, tu es protégé. Sinon, durant tout le temps que tu passeras là bas ce sera la mort, ce sera le calvaire.
La nourriture, là-bas, si tu n’as pas de visites, c’est sérieux. Pare que la nourriture qu’on te sert à la maison d’arrêt, même un chien ne peut pas la manger.

BS : C’est composé de quoi ?
AI : De riz du premier au trente, de janvier en décembre, un riz sans sel, sans huile et préparé d’une manière ou d’une autre par les prisonniers. Il n’y a que trois compléments, si aujourd’hui ce ne sont pas des cuisses de poulet, ce sera du makouala [2] ou des trippes de bœuf on en préparera deux kilos que se partageront 200 prisonniers. Au moment du partage certains prisonniers n’ont que du riz sans aucun complément.

BS : Et l’espace dont disposent les prisonniers, est-il suffisant ?
AI : Imaginez-vous qu’il n’y a aucun médicament, des prisonniers meurent nuit et jour, les gars se contaminent les uns les autres, il n’y a pas de consultations et il n’y a pas de budget au niveau de la maison d’arrêt de Pointe-Noire.

BS : Combien de prisonniers sont-ils détenus à la maison d’arrêt ?
AI : La maison d’arrêt a été construite pour 80 détenus, lorsque je suis sorti, il y restait 246 personnes. Dans chaque cellule de deux personnes dorment 7 à 8 personnes à même le sol, sans mousses et sans draps. Au VIP il y a quelques mousses qui datent de trois ans. On ne vient jamais désinfecter les cellules de la maison d’arrêt. C’est comme ça que les maladies s’y propagent.

BS : Vous êtes sorti de là en bonne santé ?
AI : Sincèrement, moralement ça va, mais physiquement j’ai de la gale au niveau des fesses et je ne sais même pas comment me traiter. En dehors de ça je souffre de maux d’estomac, je ne sais pas comment me traiter parce que personne ne peut me prendre en charge.

BS : Où vont les dons que les ONG font à la maison d’arrêt ?
AI : Les prisonniers n’en voient absolument rien. Les gens qui jouissent de ces dons sont la police, la gendarmerie et les gens du service social qui travaillent à la maison d’arrêt font partage commun. Quand il s’agit d’un don comme de la nourriture préparée comme l’église en donne parfois, là les prisonniers mangent mais aussi les gardes et le personnel.
Chaque fois qu’un visiteur vient te voir il doit payer un minimum de 1000f pour qu’il voit son parent durant 4 jours. Après, le cinquième jour il lui faudra payer à nouveau. Cet argent va dans les poches des policiers.

BS : Et si votre dernier recours était le chef de l’Etat, quel message voudriez-vous lui faire passer ?
AI : Je ne pense pas que le chef de l’Etat est au courant de mon cas, je ne pense pas que c’est lui qui me fait souffrir. Mais ce sont des personnes de mauvaise foi, des parents proches qui me font souffrir parce qu’ils ont de la force en étant proches du gouvernement, mais ils le font à l’insu du gouvernement. Moi en tant qu’homme jeune, père de deux gosses, j’ai trente deux ans, je ne dois plus compter sur mo père. Je dois travailler pour organiser ma vie de demain. S’il y a quelqu’un qui peut m’apporter du travail je demanderai à Dieu de le soute

Ce jeune homme s’est finalement placé sous la protection des organisations de défense des droits de l’homme.

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