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Affaire ELF

Lissouba : "Tarallo m’a proposé des armes"

Éric Decouty In Le Figaro du Mercredi 19 décembre 2001

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Venu spécialement de son exil londonien, Pascal Lissouba, l’ancien président du Congo, a été entendu longuement vendredi dernier comme témoin par le juge Renaud Van Ruymbeke dans le cadre de l’affaire Elf. Si ses déclarations doivent être prises avec précaution, il a, pour la première fois devant la justice, évoqué divers aspects des relations entre le Congo et Elf. S’il nie connaître Alfred Sirven, il affirme avoir reçu des valises de billets d’André Tarallo, qu’il accuse également d’être mêlé à une opération de ventes d’armes en 1997. Extraits.

« À aucun moment je n’ai eu affaire à M. Sirven »

 » Alfred Sirven. Résumant l’audition du 15 novembre dernier, le juge Van Ruymbeke demande : « M Sirven a déclaré que la majeure partie des fonds, qui représentent un total de 50 millions de flancs suisses, et qu’il a regroupés en 1996-1997 au Lichtenstein, appartenait à des Congolais qui pourraient être soit vous-même, soit vos proches. M Sirven défient-il ou a-t-il détenu des fonds pour votre compte ou pour vos proches ? »

Réponse de Pascal Lissouba :

« Absolument pas. À aucun moment je n’ai eu affaire à M. Sirven. Peut-être que j’ai pu le rencontrer avec d’autres personnes, mais je n’en conserve aucun souvenir. » Et d’ajouter : « Je ne vois même pas sa tête. » D’éventuelles nouvelles précisions d’Alfred Sirven pourraient toutefois apporter la contradiction à l’ancien président congolais.

 » André Tarallo et les valises de billets. L’accusation est claire : l’ancien « Monsieur Afrique » d’Elf aurait directement financé Pascal Lissouba. « J’ai connu Elf peu avant d’être élu président de la République. Le président Bongo (à la tête du Gabon depuis trente-quatre ans. NDLR) a offert de financer ma campagne électorale. C’est ainsi que M Tarallo, qui recevait des ordres en ce sens de M Bongo, m’a remis des sommes d’argent en espèces en 1991 pendant cette campagne. M. Tarallo m’a remis à plusieurs reprises ces espèces dans une petite mallette. Le total a pu représenter1 million de francs français, mais ce montant est très approximatif »

 » Elf, Loïk Le Floch-Prigent et François Mitterrand. S’il reconnaît avoir reçu de l’argent liquide d’André Tarallo, Pascal Lissouba prétend cependant qu’Elf et François Mitterrand ont toujours préféré soutenir son ennemi de toujours Sassou N’Guesso, l’actuel président du Congo. « Elf, et en particulier M. Le Floch-Prigent, avaient des relations étroites avec M. Sassou (alors qu’il était président du Congo. NDLR)(...) Après mon élection (en 1992), sachant qu’Elf était le financier du Congo, j’ai demandé à M. Le Floch-Prigent de m’aider à payer les travailleurs et à reconstruire le pays. Il m’a répondu : « C’est idiot », Je suis allé voir le président Mitterrand, qui n’a pas donné suite. J’étais ainsi rejeté par la France officielle et par Elf. »

 » Le mystérieux M. Tabet. Lors de son audition, Pascal Lissouba a évoqué le rôle d’Antoine Tabet, personnage apparu dans la procédure, comme l’a indiqué Le Canard Enchaîné dans son édition du 5 novembre, pour avoir entretenu des liens financiers encore non éclaircis avec Alfred Sirven.

Présenté comme un entrepreneur, il serait proche de plusieurs chefs d’État africains et également un ami de Charles Pasqua. « Peu après mon élection un contrat avait été conclu par mon ministre du Plan et des Finances, que j’ai limogé peu après. Cet accord avait été signé par Elf, le Congo et M Tabet. M Tabet est un Libanais grand ami d’Elf et de M. Sassou. Ce contrat devait permettre le financement de routes. Curieusement, Elf payait directement M. Tabet, sans consulter les intéressés, à savoir la République du Congo. Il suffisait que M Tabet dise que les routes étaient faites (...) et il était payé par Elf (...). M Tabet donnait des factures, mais les routes n’étaient jamais achevées. C’est une espèce d’escroquerie car, en définitive, c’est nous qui devions payer avec notre pétrole. »

 » André Tarallo et les armes. Cette histoire est sans doute la plus brûlante. Pascal Lissouba confirme la version de Loïk Le Floch-Prigent selon laquelle la Fiba, la banque d’Elf, a joué un rôle dans la livraison d’armes à Brazzaville en 1997, alors qu’il était chef de l’État. André Tarallo et son bras droit Jack Sigolet auraient alors été les principaux initiateurs de cette opération. Affirmation que Tarallo a déjà très vigoureusement démentie. « En 1997 il y a eu un coup d État de M. Sassou contre moi. Nous avons été obligés de chercher des armes. M. Tarallo est venu m’en parler quand les choses ont commencé à se gâter. Il fallait de l’argent. L’argent, c’était M. Mougounga, ministre des Finances. M. Tarallo m’a dit : « Il faut que vous ayez un trésor de guerre. » Il y a eu des ordres d’achat avec la Fiba, qui était une voie de passage qui permettait aux uns et aux autres de vivre. M. Tarallo et M. Sigolet connaissaient les vendeurs des armes. J’ai lu d’ailleurs dans un journal belge que Jacques Monsieur (un homme d’affaires d’origine belge visé par une procédure judiciaire pour vente d’armes ouverte à Bourges. NDLR) les attaquait pour être payé. C’est à eux qu’il s’est adressé (…). M. Tarallo et M. Sigolet m’ont proposé des armes. »

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