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Misère galopante du Sud, Complicité du Nord

Le cas du Congo-Brazzaville illustre bien le paradoxe de la lutte contre la pauvreté. Avec moins de 4 millions d’habitants, pays immensément riche au point d’assurer son auto-suffisance non seulement sur le plan alimentaire comme l’avait promis il y a de cela plus 20 ans le militaro-marxiste-gaulliste-libéral-françafricain Sassou Nguesso a ses compatriotes, mais aussi assurer un minimum de couverture de santé pour tous avec en prime l’éducation. Il faut malheureusement reconnaître que plus la fortune du général et de sa caste s’accroît, plus la pauvreté frappe de plus en plus ses compatriotes.

Misère galopante du Sud,
Complicité du Nord
 [1]

Nul n’est à l’abri de la pauvreté actuellement en Afrique à part la caste de ceux qui forment les oligarchies militaires et civiles qui se relaient aux affaires depuis 45 ans, et qui représentent une quantité tellement négligeable, nous dirons sans risque que toute l’Afrique est frappée par la pauvreté.

Le cas du Congo-Brazzaville illustre bien le paradoxe de la lutte contre la pauvreté. Avec moins de 4 millions d’habitants, pays immensément riche au point d’assurer son auto-suffisance non seulement sur le plan alimentaire comme l’avait promis il y a de cela plus 20 ans le militaro-marxiste-gaulliste-libéral-françafricain Sassou Nguesso a ses compatriotes, mais aussi assurer un minimum de couverture de santé pour tous avec en prime l’éducation. Il faut malheureusement reconnaître que plus la fortune du général et de sa caste s’accroît, plus la pauvreté frappe de plus en plus ses compatriotes.

J’ai été frappé récemment, de passage à Bangui (RCA), en discutant avec un jeune et brillant intellectuel centrafricain, ancien ministre représentant du bloc de l’opposition dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale sous Patassé, actuellement cadre de la fonction publique, se trouvant dans un dénuement total, il me dira : « plus grave, vois-tu, depuis 6 ans, je n’ai même pas pu lire un livre, en fait, nous sommes presque dans une désertification intellectuelle ». C’est dire que la pauvreté touche aujourd’hui toutes les couches de la société africaine, alors qu’il y a encore 25 ans, un fonctionnaire moyen pouvait contracter un crédit pour investir dans l’habitat par exemple, mais aujourd’hui, même le statut de cadre ne permet plus les avantages qui vont avec.

L’état des lieux de la situation socio-économique de l’Afrique est connu. L’Afrique est la région du monde ayant un PIB le plus faible, l’espérance de vie la plus faible et le taux de mortalité infantile le plus élevé.

C’est vrai, l’intensité de la pauvreté est beaucoup plus importante en Afrique que dans n’importe quelle région du monde. Certaines régions du monde, qui étaient au même niveau de développement que l’Afrique subsaharienne, il y a 40 ans, ont depuis, pris le train du décollage économique. Par exemple, d’après le rapport mondial sur le développement en 2003, le taux de scolarité qui a fortement baissé dans les pays du sud du Sahara, représente plus de 90 % en Asie du Sud et près de 117 % en Asie de l’Est.

L’insuffisance des services de santé se traduit par un taux de mortalité infantile de plus de 90 %, alors qu’il est de 46 % en Amérique latine et de 36 % en Asie de l’Est. Aussi, un autre indicateur est le manque criard d’accès aux services sociaux.

La situation peu reluisante que je viens de décrire, est la caractéristique principale de ce que les spécialistes appellent : le sous-développement. Ainsi, le sous-développement est caractérisé d’abord par un dualisme économique, mettant en présence un secteur économique moderne bien articulé, et un secteur dit traditionnel peu organisé autrement dit, le secteur informel.

Cette situation place les populations dans les cercles vicieux de la pauvreté. De la pénurie de l’épargne intérieure, fatalement, l’investissement en souffre, avec le PNB qui se réduit inexorablement, ce qui entraime l’accroissement de la pauvreté ainsi la boucle du cercle vicieux de la pauvreté est bouclée.

Nous devons la vérité à nos Concitoyens :

Nous avons aussi le devoir de dire la vérité à nos concitoyens. Nul n’est coupable d’être pauvre. Tout Être humain, quel que soit l’environnement, aspire à un mieux être qui soit conforme à ses attentes. En tant que mère ou épouse, en tant que père, en tant que sœur ou frère, et surtout en tant que ménage au sens économique du terme, chacun est à même de témoigner du combat titanesque que nos populations livrent au quotidien contre les maladies, contre la misère et contre les multiples violences engendrées par la pauvreté…

L’optimisme atavique des Africains doit être redoublé pour nous permettre d’imaginer les solutions idoines, conforment à nos civilisations, à nos aspirations et à nos psychologies afin de briser les cercles vicieux de la pauvreté.

Disais-je, nous avons le devoir de dire la vérité à nos concitoyens.

En effet, avec ce qu’il est convenu d’appeler « nos partenaires du Nord », beaucoup de modèles ont été tentés en vue de l’éradication de la pauvreté. Si l’Afrique est la première concernée, il serait hasardeux de dire qu’elle a toujours eu les coudées franches, dans les choix et dans l’application, des modèles souvent imposés, plutôt que consensuels.

Si cette situation se complexifie, c’est aussi parce que ceux qui ont en charge la lutte contre la pauvreté, sont-ce ceux là même qui ont ruiné les économies africaines, le cas du Congo-Brazzaville cité plus haut est particulièrement édifiant. Le comble est atteint alors qu’ils sont chargés d’appliquer des programmes de développement « taille unique », inadaptés et guidés par un dogme, et non par la nécessité de prendre en compte la spécificité de l’Afrique. Il va bien falloir un jour s’arrêter pour faire le bilan des modèles tentés ici et là, afin de tirer les enseignements nécessaires des échecs.

Les fameux modèles de développement et leurs conséquences :

Premièrement, dans les années 70, une approche linéaire dominait l’analyse des spécialistes communément appelés « assistants techniques » en fait de véritables décideurs, et surtout des bailleurs de fonds. On estimait que l’Afrique se trouvait au stade pré-industriel, comme les pays du Nord avant la révolution industrielle. Il suffisait d’appliquer les mêmes remèdes pour provoquer le développement. Ainsi, les Prêts immenses et inconsidérés étaient consentis, sans garantie de résultat, à ceux qui appliquaient aveuglement les recettes magiques.

La grande erreur de cette approche, réside dans le fait que, comparaison n’étant pas raison, sauf que les sociétés occidentales pré-industrielles, ne sortaient pas de 4 siècles d’esclavage et d’1 siècle de colonisation, comme les sociétés africaines. Il ne s’agit nullement de trouver des excuses aux échecs successifs. Par conséquent, une approche propre à l’Afrique en tenant compte de son expérience historique, et non paternaliste, était nécessaire. Car rien n’est linéaire, puisque l’Inde, montre aux yeux du monde, sans passer par l’étape industrielle, elle est passée de l’étape agricole à celle de services et de la haute technologie.

Deuxièmement, constat d’échec patent et sans appel, la première approche dite linéaire, ayant abouti à un endettement excessif puis à la dégradation des termes de l’échange, une nouvelle approche va être imposée à partir des années 80, évidemment sans tirer les enseignements des échecs de la précédente, il s’agira des Plans d’Ajustements Structurels (P.A.S.).

Le P.A.S. développe des objectifs pour le moins antagonistes, en voulant à la fois :

  1. supprimer les restrictions imposées aux investisseurs étrangers dans les secteurs clé qui sont : l’industrie, les banques et les autres services financiers ;
  2. réduire les salaires, les dépenses de l’Etat dans les secteurs clé tels que la santé, l’éducation… ;
  3. réduire les effectifs de la fonction publique ;
  4. dévaluer la monnaie locale pour rendre les exportations plus compétitives ;
  5. privatiser les entreprises publiques…

Conséquence, à la fin des années 80, presque tous les pays africains étaient dans l’incapacité de faire face aux engagements pris. Le P.A.S. se révèle à son tour un échec. Son erreur principale est de confondre « développement et le dogme libéral », et surtout l’illusion d’affaiblir la puissance publique donc l’Etat dans un pays sous-développé dans les secteurs où il n’y a que lui qui peut assurer l’appui et le relèvement de la population par exemple : la santé, l’éducation, les infrastructures de base…

Sans le remplacer, en 1997, lors du sommet du G7 de Lyon en France, une nouvelle initiative est lancée dite PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) visant à trouver une solution, chaque jour plus aigue, de la Dette. On remarque, qu’il ne s’agit plus de combattre la pauvreté en tant que telle, l’objectif est tourné plutôt vers le remboursement de la Dette.

Enfin, sans mettre une croix définitive sur le P.A.S. et son excroissance P.P.T.E., une troisième approche vient de voir le jour, il s’agit des « Objectifs de Développement du Millénaire » qui doit permettre d’ici à 2015, de combattre la faim et la pauvreté, améliorer l’éducation, la santé, le statut des femmes et l’environnement…. Ces résolutions sont contenues dans la Déclaration du Millénaire approuvée par les 189 Etats membres des nations Unies à la fin du Sommet du Millénaire tenu à New York en septembre 2000.

La cacophonie s’installe :

Vu la cacophonie qui règne, ne sachant plus si les politiques ou les modèles appliqués, pensés ailleurs et clé en main, servent en priorité à combattre la pauvreté ou à rembourser d’abord la Dette, ou alors, les 2 à la fois, nous estimons, qu’il est urgent de faire une pause.

En effet, une pause s’impose afin d’évaluer tout ce qui a été appliqué, pour que la lutte contre la pauvreté soit le véritable enjeu. En dehors même du concept de DETTE qui reste à définir car là aussi les responsabilités peuvent être partagées entre les différents « assistants techniques » et les injonctions de la B.M. (Banque Mondiale) et du F.M.I. (Fonds de la Misère Instantanée) qui ont consenti des prêts souvent aux dirigeants illégitimes au grand dam des populations. Or à l’analyse, force est de reconnaître que les plans appliqués jusqu’ici, comme des remèdes contre les maux qui minent l’Afrique, se révèlent comme étant :

  1. la nécessité de faire fonctionner les industries occidentales grâce à la vente des biens d’équipement et le soutien à la production des matières premières pour les industries ;
  2. la nécessité de donner aux Africains les moyens d’acheter les produits finis pour les besoins de consommation locale ;
  3. le souci d’éviter l’effondrement du système bancaire occidental écrasé par le poids de la Dette..

QUE FAUT-IL FAIRE ?

Pas de miracle à faire, sinon, le premier pas est de faire son propre diagnostique sans complaisance aucune, sur la base des forces et des faiblesses réelles de l’Afrique. Sans doute, de là, un modèle de développement propre et adapté s’imposera, en toute confiance, et avec l’implication tant dans l’élaboration que dans l’application des populations. Un modèle « taille unique » pour un Cameroun de plus de 10 millions d’habitants avec un Congo-Brazzaville de moins 4 millions d’habitants est difficilement transposable d’un pays à l’autre, de même que le Gabon de moins de 3 millions d’habitants ne peut copier en tout point le modèle de développement de la RDC de plus de 60 millions d’habitants. D’où un plan de développement cohérent, soit par sous-région, soit par pôle de développement.

Ensuite, le second pas, c’est de développer cette capacité à résister au diktat qui consiste à nous imposer des modèles même lorsque leurs propres promoteurs n’y croient pas. Dans la mesure où les mêmes modèles ne sont pas souvent appliqués avec autant de zèle en Occident.

Evidemment, seul le travail est la première vertu incontournable pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Mais s’arrêter à ça sans prendre en compte la spécificité du contexte africain, c’est aller droit dans le mur.

L’Afrique souffre d’une dépersonnalisation sans précédent dans l’histoire à tous les niveaux. Par exemple, plus de 80 % des recherches sur l’Afrique se font à l’extérieur du continent. Le Frère Ki-Zerbo, le célèbre historien qui vient de nous quitter avait l’habitude de dire  : « l’on ne développe pas quelqu’un, mais que l’on SE développe ».

Tous les modèles tentés à ce jour sans une implication des Africains dans leur élaboration, ont échoué, sans compter aussi le fait que ceux qui sont chargés de le faire, ne sont souvent dotés d’aucun patriotisme. Sous les prétextes fallacieux, tous ces modèles ont été imposés au nom de « l’Aide ». Or, on sait que la véritable Aide, est celle qui permet de se passer de l’Aide. Lorsqu’une Aide rend son bénéficiaire dépendant de celle-ci, elle ne s’appelle plus Aide, mais de l’Assistanat.

Conclusion :

Une assistance malsaine, fait perdre à son bénéficiaire, toute dignité. C’est pourquoi, lorsqu’on est conscient de ce que l’Afrique regorge comme potentialités en ressources humaines et naturelles, l’on ne peut que se révolter.

Puisons dans nos immenses ressources humaines, spirituelles, naturelles… pour créer les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions comme disait le président Sankara.

Relions l’Afrique par tous les réseaux possibles ; l’Afrique constitue en elle-même déjà, un immense marché, sans une réelle intégration à partir d’un plan économique cohérent, non seulement, le développement endogène ne sera jamais au rendez-vous, nous nous époumonerons derrière un marché mondial vicié et injuste.

Panafricainement
Hannibal !

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