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Modeste Boukadia ou le risque triomphant

Samedi 15 janvier 2016, Modeste Boukadia du CDRC, est cueilli comme un poulet à l’aéroport de Maya-Maya par les sbires de Sassou après avoir annoncé tambours battants son projet de retour au pays. Et pourtant Daniel Nkouta avait clairement montré dans ses articles que contumace ou non, la justice au Congo était rendue par des barbares qui condamnaient avant de juger. Donc M. Boukadia savait les risques qu’il courait.

Les vrais héros

En observant ce qui arrive à notre compatriote Modeste Boukadia, comment ne pas, en même temps, penser à Stendhal qui disait que la condamnation à mort est l’un des rares curriculum vitae sur lequel on ne triche pas. On peut mentir sur ses galons, sur ses exploits de guerre, mais échapper à une peine de mort comme Bernard Kolélas en 1969, Guy-Romain Kinfoussia en 1972, vivre en exil forcé comme Bernard Kolélas en 1998, se retrouver au violon comme Paulin Makaya en 2015, Marcel Ntsourou en 2014, s’évader d’une prison comme l’Abbé Fulbert Youlou en 1964, prendre une balle comme Kiganga en 1970, être traqués au maquis comme Diawara, Ikoko, Olouka en 1972, être chassé dans la forêt d’Ikonongo comme Pierre Anga en 1988, trépasser comme Marien Ngouabi en 1977, ça ne se vole pas.

A son corps donnant tout comme à son corps défendant, l’insurgé risque sa peau. Souvent le danger est couru en connaissance de causes dans un corps à corps avec les forces de répression comme Ntsourou en 2014 lorsqu’une pluie d’obus s’abat sur sa résidence ou comme Modeste Boukadia en 2016 sur l’esplanade de Maya-Maya quand les hommes de mains de Sassou le rouent de coups..

La différence entre ces Congolais qui luttent et Sassou c’est que ce dernier, du plus loin qu’on remonte dans son parcours (1969), n’a jamais essuyé un coup de feu, risqué sa peau, mis pied dans une prison, été sur un champ de bataille, entendu siffler une balle, vu pointer sur sa tempe le canon d’un revolver. Ne parlons pas de a fameuse traversée du désert en France après sa chute en 1992, car cet exil était doré.

André Tallaraud rapporte que pendant son coup d’état du 5 juin 1997, Sassou suivait prudemment les opérations à la jumelle depuis Kinshasa. Loin du théâtre des opérations. Les mauvaises langues disent que le 4 mars 2012, dès les premières détonations de l’ECCRAMU à Mpila, celui qu’on appelle « L’homme du 5 février 1979 » était déjà (courage fuyons !) dans son hélico pour aller se mettre à l’abri à Oyo. Il revint le soir rouler les mécaniques à la télé, une fois le danger éloigné.

Risques et péril

Modeste Boukadia peut se targuer de s’être rendu à Brazzaville , à son corps donnant, alors que la conjoncture ne lui était pas favorable. Mon professeur Jean-William Lapierre nous disait que l’intellectuel (ou l’homme politique) est celui par qui le risque arrive. Quiconque exerce le métier de politique doit s’exposer à des risques s’il veut voir sa cause triompher.
Sassou n’a jamais pris de risques. Au contraire, il a passé sa vie à en faire courir aux autres.

Modeste Boukadia n’a pas choisi la facilité même si c’est facile à certains de dire qu’il a choisi de rentrer au bercail parce qu’il a un new-deal avec Sassou. Souvenons-nous de sa réclame, souvenons-nous de la symbolique du coq dont Sassou serait débiteur à l’endroit de Boukadia qu’ont dit également franc-maçon. Selon les langues d’aspic, en guise de remboursement du gallinacé, Otchombé lui aurait promis le poste de Premier Ministre. Donc son arrestation ne serait qu’une mise en scène. Balivernes !

Si Boukadia était de mèche avec le Satan d’Oyo il ne l’aurait pas combattu depuis des lustres. La Bible dit : le Diable ne peut pas se battre contre lui-même, contre sa propre maison.

1959

Et puis M. Boukadia a une idée-fixe : revenir sur les accords de 1958 qui mirent en demeure le Nord et le Sud du Congo de vivre ensemble alors que Sassou n’a de cesse de massacrer les Bakongo depuis les émeutes de 1959. Vous comprendrez alors que le président du CDRC n’ait plus envie de composer avec le plus grand tueur des sudistes que notre histoire ait jamais connus.

Orgueilleux Modeste

Au cours d’une conférence, peu avant son fameux retour au pays, Modeste Boukadia avait, en revanche, beau jeu de se moquer des leaders de l’IDC-FROCAD qui prévinrent le gibier (Sassou) que les chasseurs allaient ouvrir la chasse le 20 octobre 2015. « Yi widi ! » clamaient-ils. (C’en est fait de Sassou) Evidemment, le lapin d’Oyo prit ses dispositions. Et la chasse tourna court. Moralité : la surprise est du meilleur effet lorsqu’on veut attraper le gibier.

Mais à sa charge, Boukadia n’a pas fait autre chose que la même faute de l’IDC-FROCAD en prévenant le lion (certes édenté) d’Edou Penda qu’il comptait venir chasser sur ses terres le 15 janvier 2016.

Modeste Boukadia, comme qui dirait, s’est pris à son propre jeu ironique. La fable dit : « celui qui n’a pas traversé le fleuve ne se moque pas de celui qui se noie ». Cette leçon vaut aussi pour Sassou qui doit se moquer de Blaise Compaoré noyé dans la Volta alors qu’il n’a pas encore, lui-même, atteint les berges du 20 mars 2016 où il escompte être consacré président à vie du Congo.

Thierry Oko

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