Pamélo Mounk’a, chansons posthumes et rééditions

Même mort, il est encore en vie (voire envié). C’est par cette lapalissade voltairienne qu’on peut qualifier le miracle que le producteur Cyriaque Bassoka a réalisé au sujet de Mbemba babingui Yvon alias Pamélo Mounka, Pablito. Il n’est certes pas rare que des inédits posthumes d’un artiste soient exhumés inopinémentet opportunément par des producteurs chevronnés. Le cas le plus probant est celui de Bob Marley dont les nombreux fans découvrirent avec bonheur des oeuvres du maître après sa mort.
Pamélo Mounka, ce génie de la musique congolaise, vient d’être édité à titre posthume par le producteur parisien C. Bassoka, à qui l’on doit l’exhumation d’un nombre infini de chansons de notre patrimoine et le lancement d’autres génies comme Papa Kourand, Clothaire Kimbolo etc.

Prémonition

Le moins que l’on puisse dire c’est que, Deogratias, ce joyau d’outre-tombe, est prémonitoire. Pamélo chante la paix dans un pays qui sera la proie des flammes de l’enfer. C’est presque un kyrié. Seigneur aie pitié de nous. Deogratias aurait dû être le credo des idéologues des années 1990 extrêmement séduits par la violence et livrés au culte de la haine. Bien de conflits auraient pu être évités si la lumière de la sagesse avait visité le coeur des hommes politiques. Ne rêvons pas. Depuis quand les artistes ont-ils changé l’histoire immédiate des hommes ?
De caractère religieux et éducatif (un registre peu fréquenté par l‘artiste) Deogratias, enregistré quelques semaines avant sa mort, parle des guerres civiles dont le Congo sera le théâtre jusqu’à ce jour. A vrai dire Pamélo fait des mises en garde. Mais son son de cloche ne sera entendu par personne jusqu’en...2007, c’est-à-dire plus de dix ans après avoir tiré "sa révérence à Brazzaville" (Clément Ossinondé).
Dans Deogratias, un titre, (Produisons Congolais), résonne comme tout un projet de société. Ce chant (que dis-je, ce cantique) a les fondements d’un gloria, d’une gloire à Dieu pour les richesses dont il a doté notre pays (béni des Dieux), mais ravagé par les forces du mal au coeur aussi noir et visqueux que le pétrole à l’état brut.

La dimension cachée

Les puristes ne se reconnaîtront pas forcément dans ce répertoire post mortem du maître. On est loin du groov des Bantous, des Cépakos et surtout de celui de la période solo parisienne où Master Mwana Congo campait à la guitare solo. Le style est dépouillé, les arrangements basiques, l’inspiration biblique.
Bref, on découvre une dimension, jusque-là, cachée de Pamélo Mounka. Le mélomane entre de plain-pied dans la mystique. On aurait dit un requiem pour le Congo, une oraison funèbre personnelle . Pamélo, malade, sentait-il sa mort venir ? En tout cas toutes ces références à Dieu sonnent comme une préparation de l’artiste d’aller à Sa rencontre. Extrême inspiration, Extrême Onction pour le sacre final.

Deogratias et les Merveilles du Passé

Toutes les catégories sociales (laïcs et chrétiens) vont se retrouver dans le premier volume. Le sacré et le profane cohabitent dans ce CD hautement mystique que Cyriaque Bassoka nous offre en guise de cadeau de Noël et de présent pour commencer la nouvelle année.
Volume 1 - Deogratias
« Deogratias », « Alleluia », « Soki ozali na passi », « Lumbu tsi kwiza », « Hosana », « Produisons Congolais », « Masuwa », « De Bunjumbura à Kigali. »
Volume 2 – Les Merveilles du Passé
Le second volume ressuscite une partie de l’incroyable époque des Cépakos. Lucky campe à la guitare solo, Michel Moumpala et Mimi Mwana pose à la rythmique, Manana à la basse, Biks à la battérie.
« Camitina », « Alleluia Mounk’a », « Amen Maria », « Patience », « Louisie », « Mes larmes », « Meji, Mabeyey », « Mr. Kanza », « Conscience ».
Pour la petite anecdote, Franco Luambo Makiadi était renversé chaque fois qu’il écoutait les étranges accords harmoniques mis en place par l’arrangeur de Cepakos.
"Bo yoka vraie musique" disait-il à ses musiciens désarçonnés par les contre-rythmes entre Michel Moumpala et Lucky. Du travail de pro, une musique en avance sur son époque. Cepakos lèguera à la postérité un fructueux capital difficile à transcender.

Biographie

Né le 10 mai 1945 à Brazzaville, ancien élève à Chaminade, Bingui Mbemba Yvon a été un artiste prolixe. Le décompte de ses titres (à cause des inédits) est difficile à établir. Pamélo commence à se faire connaître en 1963 dans les Bantous de la Capitale. Au grand étonnement des mélomanes, il émigre à Léopoldville aux côtés du Seigneur Rochereau (Pascal Sinamouéya Tabu ley). Moïse Tchombé chasse les Congolais de Brazzaville en 1964. Pamélo se retrouve à Brazzaville où la muse n’aura de cesse de l’inspirer jusqu’à la fin de sa vie le 14 janvier 1996 à 51 ans.
En 1983, renouant avec ses anciennes amours, Pamélo travaillera de nouveau avec Pascal Tabu, en compagnie de Mbilia Bel.
En collaborant systématiquement avec Rochereau, Pamélo est l’un des rares qui aura jeté le pont musical sur le fleuve Congo.

Discographie

5 à 6 volumes vont ultérieurement compléter l’œuvre de Pamélo Mounka. Parmi les titres à venir le producteur nous a promis la re-éditions de plusieurs chef-d’oeuvre. Ce ne seront pas des exclusivités de Pamélo Mounka. Une fois des questions liées à des droits d’auteurs réglées, les passionnés pourront savourer des classiques comme : « Mwana mboyo », « Sonia », « Mboka Mboka », « « Limbissa ngaï massengo », « Soso ya yambo ». Et la période faste de Paris avec les arrangents de Master Mwana Congo : "L’argent appelle l’argent", "Ce n’est que ma secretaire", "Samantha", "Bwala yayi mambou" etc.
Liste non exhaustive.
"Suivra le 3ème volume au mois de février 2008 de la seconde collaboration avec Tabu Ley (1983). On trouvera le duo avec Tabu Ley et Mbilia Bel. C’est l’album du vingtième anniversaire de sa carrière " promet Cyriaque Bassoka. "Il y aura dans ce troisième volume des titres comme. "Sonia", "Mwana mboyo", "Cinthia" nous fait saliver C. Bassoka.

"J’ai l’accord des héritiers de Pamélo Mounk’a représentés par l’un de ses fils Adelar Ray Mbemba" précise C. Bassoka.
La délicatesse des questions de succession et des droits d’auteurs impose des choix dans la longue liste du repertoire du Trio Cépakos. Les mélomanes ne pourront pas voir rééditée la plupart des tubes du groupe de Macédo - Lumicongo tant qu’un feu vert juridique ne sera pas donné par les auteurs.
Le public saura désormais pourquoi un silence de mort règne souvent sur les vieux morceaux que chacun aimerait pourtant posséder dans sa collection personnelle. Certains joyaux ne seront peut-être jamais dépoussiérés faute de compromis juridiques.

Contacts : Cyriaque Bassoka Productions- www.bassoka.fr

Les CD peuvent être achetés sur le site www.bassoka.fr au prix de 14 euros frais de port compris. On peut les trouver aussi chez tous les bons disquaires.