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RDC : suspicion et animosité chez les Kinois devant les résultats des élections

KINSHASA (AFP) - A Limete, l’un des bastions de l’opposition dans la capitale congolaise Kinshasa, des électeurs découvrent enfin les résultats, pour leur commune, de la présidentielle du 30 juillet : les chiffres scotchés sur les piliers de la mairie contrastent avec la tendance nationale.

« Pour la commune de Limete, les résultats sont vrais : (Jean-Pierre) Bemba est en tête, suivi de (Antoine) Gizenga », estime un jeune homme, tee-shirt beige sur pantalon gris. « Mais dans l’est du pays, on nous trompe », affirme-t-il, avec hargne et sous couvert d’anonymat.

A Limete, le vice-président et ex-rebelle Bemba décroche 59,5% des suffrages exprimés, suivi de l’opposant historique Antoine Gizenga avec 14,7%. En troisième position, arrive le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila avec 13,7%.

Mais au niveau national, M. Kabila arrive largement en tête devant MM. Bemba et Gizenga, notamment grâce à des scores écrasants dans l’est du pays, selon des résultats partiels affichés par la Commission électorale indépendante (CEI) et compilés par l’AFP.

« On ne veut pas de ce Kabila et vous continuez à nous l’imposer », répète avec animosité le jeune homme, en référence à la communauté internationale accusée par des habitants de Kinshasa de soutenir le président sortant.

« Comment les résultats peuvent-ils être si abondants à l’est ? Il y a presque autant de votants que d’inscrits », relève un fonctionnaire, tout aussi suspicieux. « Il y a des manigances », assure-t-il.

Les observateurs ont salué globalement le bon déroulement du scrutin malgré quelques irrégularités. Au moment de la récolte des résultats, l’Union européenne a elle dénoncé « plusieurs défaillances ».

Dans ce concert de voix unanimes sur le parvis de la mairie de Limete, une femme essaie de se faire entendre.

« Les résultats reflètent la réalité », lance-t-elle. « Il n’y a pas eu de tricherie. Partout, les gens ont travaillé avec une conscience nationale. Les élections ont été démocratiques et transparentes », affirme, avec aplomb, Hélène Kalunga, directrice d’une école à Limete.

« C’est pas vrai », lui rétorque un habitant du quartier d’une trentaine d’années.

« Ceux qui parlent de fraude sont des aigris », lâche Hélène, vêtue d’une jupe coupée dans un imprimé où l’on peut lire « Sainte Vierge ».

Alain, un fonctionnaire, essaie de calmer les esprits. « C’est la première fois qu’on a des élections. C’est une expérience, il faut comprendre qu’il y a des opinions différentes ».

Le premier tour de l’élection présidentielle et les législatives (un seul tour) du 30 juillet sont les premiers scrutins libres et démocratiques organisés depuis plus de quarante ans dans l’ex-Zaïre. Les résultats provisoires de la présidentielle doivent être annoncés d’ici dimanche.

« Je veux que le Congo change », affirme Georges, un chômeur de 56 ans. « On cherche un patriote à la tête du pays. On ne veut pas d’étranger », ajoute-t-il, en reprenant à son compte le discours d’une partie de l’opposition qui remet en cause la nationalité de M. Kabila.

« La population congolaise soutient Bemba massivement. Au cas où il ne passe pas, on va réagir, peut-être violemment », prévient un autre électeur, qui refuse de donner son nom.

Sur la façade de la mairie délabrée aux couleurs bleu et jaune de la RDC, est tendue une banderole : « La sécurité des élections est l’affaire de tous ».

Une vingtaine de véhicules de la police, avec des hommes lourdement armés, traversent le quartier. A quelques centaines de mètres de là, des habitants les menacent : « Voleurs, nous allons vous brûler ».

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