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Tunisie amie

La Côte d’Ivoire (toutes tendances confondues) a rêvé d’un changement politique d’envergure, la Tunisie l’a fait. "Tunisie amie" : c’était la formule laconique d’une pub de tour opérator vantant le statut hautement touristique de ce pays. Aujourd’hui, tous les damnés de la Terre aiment la Tunisie. Pas pour le tourisme mais pour tous les risques que son peuple a pris avec succès.

Il y a encore une semaine, le pays ami, c’était la Côte d’Ivoire, laboratoire de la révolution anti-françafrique. Mais la tournure lassante que prennent les évènements dans ce pays a désenchanté chacun.

Comme l’histoire est capricieuse ! Figurez-vous que Marx avait prévu la révolution communiste de 1917 en Angleterre. Au bout du compte elle est arrivée en Russie. Les Africains avaient encore récemment tout misé sur la Côte d’Ivoire, bastion de la résistance contre la nébuleuse appelée "Communauté Internationale" et sa pléiade de dictateurs placés en Afrique comme des pions sur un jeu d’échec avec ses rois, ses reines et ses fous. La Tunisie a coiffé la Côte d’Ivoire au poteau. Ben Ali, le tombeur de Bourguiba est lui-même tombé, emporté par les effets de sa propre dictature. Véritable fou (aussi fou qu’Omar Bongo), Ben Ali, au pouvoir depuis 25 ans, n’a pas hésité de tirer sur la foule de manifestants qui en voulait à son fauteuil. Après avoir promis qu’il n’allait plus postuler pour un énième mandat en 2014, il croyait amadouer ses compatriotes. 24 h après sa promesse de gascon, le tyran chérifien a finalement pris la tangente vers une destination connue pour abriter les potentats africains : les Emirats Arabes.

La chute de ce baobab du Maghreb a fait saliver de plaisir les peuples des pays d’Afrique qui ont à leur tête des Présidents à la longévité politique excessive. Autant dire, tous, sauf les ghanéens, une exception culturelle au milieu d’un vaste réseau de populations à la merci de dictateurs déments.

Congo-Tunisie

Les similitudes extravagantes de la Tunisie de Ben Ali avec le Congo de Sassou sont frappantes. A part le développement économique que même les observateurs les plus critiques ne dénient pas au pays du dictateur déchu, népotisme, despotisme, kleptomanie, dérives, délires, démesure caractérisent les régimes de Sassou et de Ben Ali.
Et les Congolais (plus que tous les autres Africains) de songer avec une soif indescriptible à un scénario à la tunisienne.

« Ils l’on fait ! » se sont dits les Congolais en songeant au sort que les Tunisiens ont réservé à un Président réputé cruel et invincible. Mais alors s’ils « l’ont fait  » c’est que « nous aussi, on peut le faire » ; une équation politique pas forcément logique mais à laquelle l’énergie du désespoir donne crédit. C’est que les déterminations ne sont pas les mêmes selon que le mouvement social concerne les Congolais ou les Tunisiens, les Africains au sud du Sahara ou les Africains du Maghreb. La crise tunisienne a démarré suite à des revendications banales de type alimentaire. Puis l’étincelle est devenue immense brasier, un vaste incendie alimenté par les actions concertées d’une multitude de groupes de pression structurés et de groupes informels. Or les Congolais, échaudés par plusieurs guerres civiles et par un pouvoir politique féroce, ont désormais peur du moindre bruit de bottes.

Mais en même temps, le cas tunisien a démontré qu’aucun régime, fut-il foncièrement militarisé et profondément policier, n’est immuable.
D’où cette soudaine mobilisation lisible dans la diaspora africaine, particulièrement congolaise. « Tia bwa landakana » (battre le fer quand il est chaud) , ha ba dila nguba ni ha ba sukula nwa. Autant d’invitations à une prise de conscience dans une situation de crise politique internationale. Il y a la Cote d’ivoire, il y a la Tunisie, l’Algérie. A qui le tour ?

Courage, fuyons !

Sans être dans le secret des Dieux, on peut néanmoins imaginer l’impact de la révolution tunisienne chez les homologues congolais du clan Ben Ali. On a vu que les membres du clan Ben Ali tiennent à leur vie et, la fuite est une stratégie de survie qu’ils ont mise en pratique. Certains avec succès, d’autres non. Antoinette Sassou a dû s’intéresser au mode de gestion de sa sauvegarde développée par l’épouse de Ben Ali face à la vindicte publique. On dit (Libération du 14 janvier 2010) que Mme Ali Ben avait déjà filé à l’anglaise vers Dubaï quand ça commençait à sentir le roussi.

La question est la suivante : les Willy, Kiki et autre Edgar Nguesso ont –il s songé à assurer leurs arrières ?

L’exil sera dur

Lieu classique d’asile des dictateurs ayant échappé à la mort dans leurs pays respectifs, la France a fermé ses portes à Ben Ali. Exit le pays de l’ami Sarkozy. Avec l’affaire des biens mal acquis, le clan Nguesso devrait, dans ce cas, envisager un autre lieu d’exil si jamais les Congolais sifflent, comme en Tunisie, la fin de la partie.

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