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Une zone industrielle à Maloukou : pose de la 1ere pierre par Sassou

Vingt usines légères vont voir le jour dès 2013 à Maloukou dans le Pool-Nord. « Bino bo yébi maloukou ézali mboka moko batéké » chanta dans « Nzéla ya Ndolo » Antoine Moundanda, pêcheur aux ports de Maloukou, belge et français. Ebalé modindo !

Sans doute pour rester dans la même lignée que l’artiste, le cabinet de Mpila vient de réaliser (vaut mieux tard que jamais) que Maloukou pouvait être un atout économique pour faire du Congo un pays émergent.

Suite à ce choix, on ne peut pas (ceci est une parenthèse) accuser Sassou de ne pas aimer les Batéké même s’il les a lourdement chargés dans les explosions du 4 mars 2012.

Leurs localités, de Kintélé à Igné en passant par Maloukou, sont désormais intégrées comme enjeu de développement économique. Les méchantes langues parlent de "pure propagande destinée à faire illusion". En effet la récente frénésie industrielle de Mpila est d’autant plus étonnante que pendant trente ans Sassou s’est tourné les pouces sans penser un seul instant à faire décoller le Congo : trois décennies de léthargie qu’on a du mal à comprendre alors que le pays a charrié un fleuve de pétro-cfa sous son long règne. Pire : le pays est devenu PPTE.

Alors Maloukou : poudre aux yeux ou Silicon Valley locale ? On pencherait pour la première hypothèse.

Centre commercial

A notre avis, un tour de passe idéologique vient d’être joué avec brio ce mardi 14 août 2012 par l’annonce de l’implantation d’une zone industrielle à Maloukou (on ne sait pas trop s’il s’agit d’un centre commercial ou d’une zone industrielle). L’inévitable et inénarrable directeur des Grands Travaux, Jean-Jacques Bouya, omniprésent dans les médias en ces temps de "célérités municipales" nous a déroulés , tambours battants, le catalogue des petites unités de production qui vont fleurir sur les berges de Maloukou dans un peu plus d’un an.

En fait de structures dures et durables, il s’agit de quincaillerie : fabrique de clous, de sanitaires (essoumbéli en lingala), de fils électriques, de casseroles en aluminium, briqueterie, tuilerie, etc. Bref, des bric et des broc, de la brique et de la broque. Ce n’est pas une Vallée de la Ruhr bis ou Sophia-Antipolis. Pour l’industrie lourde, passez au bureau à côté.

Jean-Jacques Bouya

A propos, il n’est pas inintéressant d’analyser la fiche d’état civil et physique du ponte des Grands Travaux. Jean-Jacques Bouya (car c’est lui) est un gros poisson né aux bords de l’Alima, donc un Mbochi bon chic, bon teint. Il adore les micros de télé, avec un léger accent sassouiste, mimétisme politique oblige. Doté d’une imposante morphologie il compte à son actif un grand arsenal. Jugez-en : municipalisations accélérées dont Kinkala cette année, restauration du matériel roulant Cfco (réceptions de 23 voitures made in Corée), bitumage de la Nationale 1 Pointe-Noire Brazzaville (lui préfère dire "autoroute"), tronçon routier Boundji/frontière gabonaise, Imbouilou-électricité etc. Après ça, soyez étonné que le bonhomme ait été élu député à Tchicapika avec 100% de voix.

Malgré ça, tout ce réseau d’infrastructures n’est qu’illusion...perdue. Les poses des premières pierres sont souvent des rituels politiques sans lendemain au Congo, depuis Sassou 1 jusqu’à Sassou 2 en passant par Lissouba.

Université de Kintélé

Kintélé, localité voisine de Maloukou, fut associé voici deux ans à un supposé projet de construction de la plus grande Université d’Afrique Noire avec la grâce de Théophile Obenga. Sassou posa le premier caillou avec « impact et idéologie ». A ce jour, aucun mot n’est soufflé sur la suite des travaux. Qu’on se rassure, ce ne sont pas les députés nommés récemment qui poseraient la question au gouvernement au sujet de ce canular. Ensuite nos illusionnistes nous sortirent de leurs chapeaux le projet dit de "5.000 logements", avec le concours des experts en kibboutz israéliens. Rien n’y fit. Si ces prestidigitateurs avaient donné suite à leur projet, aujourd’hui ces maisons auraient pu soulager les sinistrés de Mpila qui continuent de coucher à la belle étoile.

Malgré ce lapin de Théophile Obenga, voilà que Mpila nous annonce, à cors et à cris, la future construction de la zone industrielle de Maloukou. Grâce à Télé Congo qui est associée à ce cirque magique, les Congolais peuvent admirer quelque hangar vide monté hâtivement avec l’aide des Brésiliens. Quelques gros plans sur les structures en tôles galvanisées bien cadrés par les caméras de la propagande et, l’illusion est parfaite.

Ce coup-ci, Jean-Jacques Bouya s’est inscrit dans un discours fonctionnaliste aux relents schumakeriens genre "small is beautiful". Ce sera, promet le neveu de Sassou, un centre commercial combiné à des manufactures destinées à palier le déséquilibre de la balance commerciale nationale toujours encline à importer. Désormais, à en croire le délégué aux grands travaux , Maloukou abritera, des fabriques qui se feront fort de stimuler nos importations vers La Centrafrique et La RDC voisines sans, soit dit en passant, se préoccuper de la capacité d’absorption d’un marché rdécéen lui-même saturé par des produits de même nature.

Pont sur le Congo

Citant Honoré de Balzac, Jean-Jacques Bouya s’est fendu d’une analyse sur le rôle moteur que va jouer à long terme Maloukou en tant que œuvre humaine, carrefour fluvial, terrestre et ferroviaire de la zone Cemac. Dans une incroyable mégalomanie, Jean-Jacques a projeté jeter un pont entre Brazzaville et Kinshasa sur l’axe Maloukou. Si ce n’est pas de l’ethnocentrisme pur et dur comment alors comprendre un projet où aucune sérieuse étude de faisabilité n’oserait favoriser le site de l’île Mbamou au détriment de Kombé, site ou le fleuve Congo forme un entonnoir à l’inverse de Maloukou où le puissant cours d’eau se présente comme un immense lac, voire une mer intérieure.

Représentations fantasmatiques du Pool

Car figurez-vous que, dans leurs représentations symboliques de la dichotomie Nord/Sud, la localité d’Igné qui jouxte Maloukou a beau se situer dans le Pool, elle ne demeure pas moins le Nord du Sud ou le Sud du Nord, c’est-à-dire une entité géographique vécue comme affectée aux us et coutumes mbochi, à l’image de Talangaï, Nkombo, Etatolo, Ndjiri ou Kintélé. Dans ce cas, penser un seul instant édifier le pont sur le Congo à Simou Djoué (le Sud du Sud) serait contraire à leur philosophie du développement basée sur le vieux slogan de Ngouabi « Tout pour le Nord, rien que pour le Nord  ».

Cette Vallée de la Ruhr en pays téké sera inaugurée en 2013, comme l’Université de Kintélé aurait dû être inaugurée maintenant. Vous voyez ce sont des magiciens.

Simon Mavoula

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