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Usurpation de prérogatives, querelles entre ministres... Les débuts du gouvernement « Sassou III » sont laborieux.

Le gouvernement « de combat » mis en place par le président Denis Sassou Nguesso à l’issue de son investiture, à la fin d’août 2002, connaît des ratés à l’allumage. L’équipe placée sous l’autorité du ministre des Transports, Isidore Mvouba, coordonnateur de l’action gouvernementale, le poste de Premier ministre ayant été supprimé par la Constitution, a été sommée de produire des résultats dans les cent jours. Jusqu’à présent, elle a surtout réussi à s’attirer les remontrances d’un chef de l’État irrité par les gaffes à répétition.

C’est « l’affaire des nominations » qui a suscité le plus de commentaires. Rappel des faits. Avec le portefeuille des Mines, de l’Énergie et de l’Hydraulique, Philippe Mvouo a hérité de la tutelle sur les sociétés de l’eau (SNDE) et de l’électricité (SNE), notoirement défaillantes. Estimant qu’il ne pouvait travailler avec leurs directeurs généraux, laxistes et piètres gestionnaires, il prend l’initiative de les suspendre et de nommer à leur place des intérimaires. Problème : en chamboulant l’organigramme des sociétés publiques, Mvouo a empiété sur une prérogative présidentielle, la nomination et la révocation des DG. L’accroc n’est pas passé inaperçu. Alphonse Mboudonesa, le patron évincé de la SNE, sûr de son bon droit, a fait un esclandre en refusant d’effectuer la passation. Un huissier a dû être requis par le ministre pour installer l’intérimaire.

Le président Sassou, en déplacement au moment de l’affaire, a procédé, dès son retour, fin septembre, à une mise au point en Conseil des ministres pour rappeler aux membres du gouvernement l’existence de l’article 77 de la Constitution, qui dispose que le chef de l’État nomme aux hautes fonctions civiles et militaires. « C’est un rappel à l’ordre, Mvouo avait fait une boulette, explique un de ses collègues. Sassou a sifflé la fin de la récréation, mais, grand seigneur, il n’a pas désavoué publiquement son ministre, puisqu’il a entériné la décision et laissé en place les intérimaires. » Du côté du ministre de l’Énergie, on souligne que les suspensions prononcées n’ont pas été annulées, et que l’incident a été monté en épingle. Les apparences sont sauves.

Sur le fond, l’initiative de Mvouo n’a rien de scandaleux. Tous les Congolais se plaignent des délestages, des coupures d’eau et des difficultés d’approvisionnement. « Les ministres ont été mis en demeure de réformer, remarque un journaliste. Ce sont, pour la plupart, des hommes neufs. Comment peuvent-ils obtenir des résultats s’ils trouvent une administration gangrenée et ne peuvent prendre appui sur leurs subordonnés, en particulier les DG ? Ce qui pose problème, c’est que les nominations tardent à intervenir. Sassou aime prendre son temps pour gérer le facteur humain, d’où l’impression de lenteur, et cela nuit à la cohérence de l’action du gouvernement. » Alain Akouala, le ministre de la Communication, pense, pour sa part, que l’idée des « cent jours » a été mal comprise : « Nous devons procéder par étapes. Les ministres ont cent jours pour définir les grands axes de leur politique, définir leurs priorités, communiquer des plans de travail. Le chef de l’État n’a jamais dit qu’il fallait tout révolutionner et bouleverser l’organisation administrative du Congo en l’espace de trois mois ! »

Malgré tout, un certain flottement est perceptible à Brazzaville. Les ministres avancent en ordre dispersé, quand ils ne se disputent pas ! Jean Dello, des Postes et Télécommunications, est à couteaux tirés avec François Ibovi, de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. Objet de la querelle, qui a pris des proportions invraisemblables, puisque leurs cabinets respectifs se répandent en communiqués rageurs dans la presse : une sombre histoire de locaux, occupés par les Postes mais propriété de l’Administration du territoire. L’équipe gouvernementale, renouvelée aux deux tiers fin août, peine visiblement à trouver ses marques.

Par Samy Ghorbal, Envoyé spécial à Brazzaville

© " Jeune Afrique-L’Intelligent " du 21 octobre au 03 novembre

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