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Guerre des stades

Roga-Roga, Fally Ipupa et le Stade Massamba-Débat * : rempliront ? Rempliront pas ?

L’artiste Fally Ipupa a été annoncé pour donner un concert le 27 mai 2023 au Stade Massamba-Débat à Brazzaville.

La question philosophique fondamentale qui divise les Congolais à cette heure H est la suivante : Fally Ipupa remplira-t-il ou non le Stade Massamba-Débat ?

(Capacité de cet espace recevant du public : 33.000 places)

Question corollaire : pourquoi Roga-Roga, alias Lampadaire, laisse-t-il Fally Ipupa, alias Aigle, lui couper le gazon sous les pieds alors que, « mwana mboka », le patron d’Extra-Musica aurait dû faire « Massamba-Débat » avant son alter-ego kinois ? « C’est honteux pour la fierté nationale. »

C’est ce que ont déploré les inconditionnels d’Extra-Musica, le groupe des quartiers Mpila-Nkombo-Talangaï sur fond de xénophobie à peine dissimulée.

( N.B. Vous voyez le centre d’intérêt d’une jeunesse brimée par un tyran intraitable : le ndombolo ! )

Le pays se meurt, les jeunes réclament des spectacles de masse ! Comme les Romains de l’Antiquité.

Taureau à domicile

Le concert mitigé de Fally a alors eu lieu samedi 27 mai 2023. Ce matin de Pentecôte, le sentiment du défi et de la riposte est encore palpable dans l’air électrifié du chauvinisme. Une semaine avant le concert du Condor kinois, un micro-trottoir réalisé auprès des Brazzavillois avait révélé toute la frustration que l’occupation du terrain suscitait chez les compatriotes de Roga-Roga. Pire : l’idée que ce dernier n’avait jamais eu à l’esprit l’initiative de faire son « Massamba-Débat à lui » les mettait hors d’eux. Et, comble d’humiliation, l’alter-ego kinois avait, non seulement, rempli auparavant le Stade des Martyrs (un exploit) mais, en plus, la star kinoise venait lui faire le doigt d’honneur à domicile, en bissant la prouesse de Kin : crime de lèse-majesté.

« Trop c’est trop » se sont insurgés les fans brazzavillois de « Lampadaire ». Pour n’avoir rien fait face à l’affront à domicile, certains fans n’ont pas hésité de couvrir « Roga Missile » de (dis)gracieux "mboula mama’aku".

« Tu dois, toi aussi jouer et remplir Massamba-Débat » ont sommé supporters et mêmes anti-supporters de Roga Roga car ce débat philosophique transcendait les clivages musico—ethniques en vigueur au Congo-Brazzaville. Ce coup-ci, cette unité nationale donnait l’impression de réveiller les vieux démons de « Mbata Ya Bakolo » expression de xénophobie prisée par le général de police Jean-François Ndenguet, lui-même pourtant grand admirateur des artistes Kinois.
Vous voyez le paradoxe des dictateurs !

Remplira, remplira pas ?

That is the question. Question capitale qui mobilise les Congolais, en ce week-end de Pentecôte. Exit les sujets de fond liés à la précarité de la vie quotidienne. Renvoyées aux calendes grecques les questions de Liberté, de maintien en prison d’hommes politiques, de confiscation à vie du pouvoir par le clan Nguesso, de salaires, pensions, bourses impayés malgré les productions record de l’or noir etc.

« Lequel des deux artistes remplirait Massamba-Débat ? Lequel vivra l’humiliation de jouer devant des gradins vides ? » : Ces questions font perdre le sommeil à la jeunesse congolaise malgré son "ventre affamé".

« Que deviendra-t-on si Roga-Roga ne fait pas stade comble ce 24 juin ?  » s’angoissent avec légitimité les fans car il y va, semble-t-il, de « l’avenir du Congo » (dixit le général Nianga Mbouala).

Roga-Roga

Mais qui est Roga-Roga, ce Mozart Congolais venu sauver la musique congolaise de la décadence dans laquelle l’ont laissée choir les Bantou de la Capitale après la disparition d’Essous, Pandy, Pamélo, Edo, Nkouka, Géry, Mermans et Nino Malapet ?

Né à Owando, Rogatien Ibambi dit « Roga-Roga », est le joker culturel du PCT (Parti Congolais du Travail). On le dit fonctionnaire et « député sans circonscription » du Parti fondé par Marien Ngouabi. Il touche un mirobolant salaire mensuel de fonctionnaire sans poste, sans travailler. Talentueux, il écrit des textes sur l’authenticité Mbochi dite « Bo Koko ou mbokalisation ». Son orchestre « Extra-Musica » est pour Sassou ce que fut le mythique « Groupe Kaké » pour Mobutu : un groupe d’animation. C’est l’idéologue du « lé dza lé nwa, lé bina » chère aux partisans du Chemin d’avenir comme en France certains artistes français comme Charles Trenet à l’égard des Occupants allemands. Voilà pour le pedigree de Roga-Roga Zangul alias Missile.

« Je vous ai écouté »

En séjour de travail à Paris où il finalise son album intitulé « Nzoungou », Roga Roga a enfin pris le parti de répondre aux doléances de ses compatriotes. Depuis un studio d’enregistrement parisien, l’artiste, sur un ton solennel, a fait, en ces termes, une déclaration passée en boucle sur les réseaux sociaux : « Peuple je vous ai écouté. Le 24 juin 2023, je fais Massamba. » .

Ouf, sauvé !

Sauf que c’est à cette même date que Ferré Gola, le rival kinois de Fally, fait son Stade des Martyrs à Kinshasa ! Pas bon ça !

Sans Pub ?

« Vraiment ? Mais n’est ce pas une date trop précipitée ? » mettent en garde certains observateurs avisés.
« Ça ressemble à une revanche de jalousie. Il aurait pu préparer sérieusement son truc et le faire dans un an » ironise H. M (mélomane à ses heures perdues)

Michel Boyibanda, aujourd’hui dans un état grabataire, n’a pas suscité autant de diligence de Roga-Roga alors qu’ils sont voisins dans Brazzaville Nord et que lui, Roga Missile, roule carrosse à Brazza. « Petit » de Dominique Okemba (numéro 2 du régime), il a autant d’influence qu’on peut en avoir quand on est membre d’une loge maçonnique congolaise. Michel Boyibanda a sombré dans l’abîme. Il est devenu une loque humaine. Roga-Roga aurait-il une pierre à la place du cœur ? Il oublie que dans la vie d’artiste congolais, après la splendeur, survient la misère. Ca pourrait lui arriver aussi.

Collinet Makosso

Le hasard ne faisant jamais bien les choses, Roga-Roga Missile Lampadaire est en villégiature à Paris au même moment que Collinet Makosso, lui aussi en séjour de travail à L’Unesco où il compte lancer le prochain FESPAM. Anatole fête à Paris un évènement qui aura lieu à ...Brazzaville. Sassou adore ce type d’incohérences chez ses collaborateurs. Voilà pourquoi il tergiverse quand il s’agit de le virer !

Restes mortuaires

On parle, on cause, on oublie l’essentiel. De Massamba-Débat, personne ne pense soulever le débat sur cet éminent chef d’état dont le stade de Diata porte le nom. Or la seule évocation de Massamba-Débat ne peut ne pas renvoyer au triste sort que les maîtres actuels de ce pays ont fait subir à ce véritable grand bâtisseur de notre pays. Où sont ses restes et ses cendres ?

On préfère faire semblant d’oublier le dossier de sa disparition et, dans le même temps, en l’encense. Cependant dans le cimetière réel de l’histoire, l’homme n’a jamais eu de tombe physique.

En vérité nous autres libres penseur n’avons que fiche de Fally Ipupa bien qu’on se doute de la franc-maçonnerie avec laquelle cet artiste, sorti de nulle part, est de plus en plus instrumentalisé et par les néo-libéraux comme Emmanuel Macron et par les dictateurs comme Sassou, Tshisekedi, leurs épouses et leurs rejetons.

Qui est Fally sinon le griot des temps modernes typiques des sociétés à castes au Sénégal, l’équivalent des troubadours (atalaku) qui faisaient l’éloge des rois, des reines, des princes des princesses au moyen-âge contre espèces sonnantes et trébuchantes (mabanga.)

Artistes engagés

Elle est révolue cette époque où des icones de la trempe de Bob Marley, Johnny Clegg, Myriam Makeba, Féla, Franklin Boukaka, Youssou Ndour, Youss Band, Emeneya Kester, faisaient peur aux dictateurs de n’importe quelle couleur avec des accords en mode mineur.

Voici venu le règne des courtisans et des flatteurs : Koffi, Werrason, Roga-Roga, Fally Ipupa et avant eux Franco Luambo Makiadi, Gérard Madiata ...

Capital culturel

La France n’a pas de pétrole, mais elle a la culture. Le sous-sol du Congo regorge de pétrole et son imaginaire des tonnes immenses de culture. Pétrole et culture sont autant d’atouts pour une émergence ou son illusion. On a le Fespam. Il existe un projet de société : faire de la danse Mopatcho une dimension partie-prenante du patrimoine de l’humanité via l’Unesco où Collinet Makosso (sur une chaise éjectable) est venu faire antichambre en compagnie de la ministre de la culture Lydie Pongault (qui, pendant qu’elle y était, aurait pu évacuer Michel Boyibanda en France) et de l’ambassadeur Henri Ossébi, sans doute pour classer Mopatcho patrimoine de l’humanité après l’avoir fait pour la rumba.

Prochaine citadelle à conquérir pour nos griots des temps modernes : le stade de la Concorde de Kintélé ?

*P.-S.
* Stade Massamba-Débat : construit en 1965 à l’occasion des 1ers et derniers Jeux Africains le terrain servit en 1973 de catafalque géant où furent exposées les dépouilles de Diawara et ses compagnons. La légende dit que ce rituel macabre porta la poisse au Congo.

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