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Sassou-Nguesso dans le filet de « Pandora Papers »

Le petit pays pétrolier d’Afrique centrale, le Congo-Brazzaville, est à la ramasse et enfile curieusement des scandales financiers. Il court pourtant derrière un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et le versement de la deuxième trance dans le cadre de la facilité élargie de crédit (FEC) en vue de renflouer les caisses du Trésor public désespérément vides. Sans succès.

Le pied de grue d’Anatole Collinet Makosso dépêché d’urgence en France par Denis Sassou Nguesso en août 2021 s’est soldé par un refus poli de Paris. Il s’apprêtera à reprendre le bâton du pèlerin en novembre 2021 pour Bruxelles à la Commission de l’Union Européenne. Les finances du Congo sont exsangues. Sa colossale dette publique de 530 milliards de francs CFA soit 117 % du PIB, après une restructuration par la Chine, a été ramenée à 84 % du PIB soit 14 points au dessus de la norme Cemac fixée à 70% du PIB considéré comme seuil de soutenabilité de la dette. Les négociations avec les traders pétroliers sont au point mort. Au même moment, des révélations de « Pandora papers » font état de l’argent du Congo-Brazzaville caché par des hommes politique dans les paradis fiscaux.

BAS LES MASQUES

Parmi les dizaines de milliers de propriétaires de sociétés révélés par les « Pandora Papers », dont 600 Français, figure un nombre sans précédent de responsables politiques de haut niveau, aux quatre coins du monde : l’ancien Premier Ministre britannique Tony Blair, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, le président kenyan Uhuru Kenyatta, le premier ministre libanais Najib Mikati, le Roi de Jordanie Abdallah II, le Premier Ministre tchèque Andrej Babis, le Président équatorien Guillermo Lasso, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Président gabonais Ali Bongo, le premier ministre ivoirien Patrick Achi, le Président congolais Denis Sassou Nguesso… A leurs côtés, une poignée d’hommes politiques français, souvent murés dans le silence au moment d’expliquer la raison d’être de leurs sociétés offshore. Au total, l’ICIJ a dénombré dans le leak plus de 300 responsables publics du monde entier.

SASSOU « MOYIBI YA TAROT »

Selon les « Pandora Papers », Denis Sassou Nguesso, a détenu, pendant près de vingt ans, une société offshore aux BVI. Dénommée Inter African Investment Ltd, elle a été enregistrée le 28 août 1998, moins d’un an après le début de sa mandature. Elle était propriétaire d’un compte bancaire dans la branche londonienne de la banque portugaise Espirito Santo.

Aidé par le gérant de fortune suisse FidElite, le président de la République du Congo a d’abord utilisé les services du cabinet panaméen Mossack Fonseca pour structurer son montage offshore, lui permettant de détenir dans le plus grand secret une seconde société, Ecoplan Finance Ltd. Le Président a installé sa fille Julienne parmi les directeurs et administrateurs d’Ecoplan. Cette société détenait la majorité des parts de la société congolaise Escom Congo, une entreprise de construction immobilière ayant pignon sur rue, détentrice des droits dans des mines diamantaires. Selon le consortium de journalistes africains Ancir, le chiffre d’affaires annuel de la société serait de 150 millions d’euros. Contacté, le Président congolais n’a pas donné suite (Le Monde.fr, 3 octobre 2021).

LE « POGNON DE DINGUE » DE SASSOU

Tous les pays sont touchés, à commencer par les plus riches. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et le Brésil figurent parmi les cinq premiers pays qui subissent les plus fortes pertes liées à l’évasion fiscale. Mais même si les montants sont beaucoup moins élevés, ce sont les pays les plus pauvres qui en pâtissent le plus : le montant lié à l’évasion fiscale représente des pertes beaucoup plus substantielles pour leurs finances publiques.

A la tête du Congo-Brazzaville depuis près de quatre décennies, Denis Sassou Nguesso dispose d’un « pognon de dingue  » planqué dans des comptes offshores. « Pognon de dingue » : l’expression est de Macron. La formule qualifie les détenteurs des sommes astronomiques qui narguent les pauvres que compte la planète surtout dans l’hémisphère sud.

Précisément, au Congo-Brazzaville, alors que les salariés, les pensionnaires et les étudiants tirent le diable par la queue, les écoles manquent de table-bancs, les hôpitaux de médicaments et du personnel qualifié, l’argent de ce petit pays pétrolier d’Afrique Centrale dort dans les coffres fort des banques occidentales et participe donc à ce titre au développement des pays qui abritent les paradis fiscaux. On dépouille les pays pauvres pour enrichir les pays riches. Cruel paradoxe.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

Nota - Le nom « Pandora Papers  » donné à cette enquête collaborative fait selon l’ICIJ référence à «  l’héritage des Panama et des Paradise Papers, ainsi qu’au mythe de la boîte de Pandore qui évoque toujours une vague de problèmes et de malheurs  »

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