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Cinéma congolais : "Ku Nkelo" de Nadège Batou

Article volé à Loumo

Le court métrage congolais "Ku Nkelo" de la réalisatrice Nadège Batou a été présenté au FESPACO de Ouagadougou. Paradoxe d’un pays à la pluviométrie diluvienne qui laisse sans eau potable sa population.

Nadège BATOU filme simplement le calvaire enduré par les Brazzavillois. Sa caméra dévore la galère des enfants sillonnant la ville à la recherche d’une goutte d’eau. La méthodologie est abrupte : un gros plan de plusieurs plans d’eau est projeté à l’écran. Dans un bruit assourdissant, des cours d’eau (le Congo, le Djoué) ouvrent ce documentaire présenté au FESPACO par la jeune réalisatrice congolaise. Ensuite, des Gavroches brazzavillois occupent l’écran. Le débit oratoire n’est pas structuré par une mise en scène. Dans un kongo/lari potable, les enfants déversent leur vécu sur la quête de ce qui est devenu pour eux plus précieux que le Saint-Graal des alchimistes : je veux parler de l’eau.

D’où viennent ces gosses, ou vont-ils ? " Ku Nkélo" [1] répondent nos têtes crépues (la source en kongo/lari).

Usant de la technique participative, la jeune cinéaste, poisson dans l’eau, se mêle aux chercheurs d’or bleu. Elle décide de faire route avec eux vers la source d’eau située à environ 2 kms de là. Dans une conférence de presse Nadège Batou explique que la rencontre avec les enfants "aux bidons" a été fortuite.

"Je passais mon chemin quand j’ai croisé ces adolescents chargés de bidons vides".

Opportuniste, Nadège a épaulé sa camera et s’est mise à mitrailler cette scène de la vie quotidienne des Congolais, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.
Les dialogues sont en VO (lari) avec sous-titrage en français.
Les drames émaillent cette quête d’eau. Par exemple, un gamin se brise la machoire sur les rochers des rapides du fleuve après une pirouette ratée. Grièvement blessé, le gosse meurt par noyade. Gros plan sur la photo du noyé, interview de la mère éplorée. Tristes Tropiques.

A Mikalou et à Talangaï, Nadège capture les lamentations des populations qui errent dans le quartier. Les robinets sont secs. Un flot de critiques coule cette fois en lingala : vaincues par la soif, les populations des quartiers nord n’ont plus peur de se mouiller dans la diatribe.

Nadège Batou n’a même pas besoin de tourner le robinet de l’interview que tombe, sans retenue, une cascade de doléances. Il suffit de rien pour ouvrir les écluses du ras le bol ressenti par 3 millions de Congolais. Ca coule tout seul : un tumultueux torrent de misère ressassée par des dames âgées qui rafraîchissent la mémoire par des vérités de bon sens : "sans eau, on ne peut rien faire, l’eau c’est la vie."

Mais la peur de se noyer dans le marigot de la répression n’habite pas moins certaines personnes que la langue de bois marxiste appellerait volontiers "pêcheurs en eau trouble". Comme par exemple cette notable qui arrose prudemment son discours de quelques gouttes de "non-dits" : "il y a pénurie d’électricité, et de l’eau. A quoi bon en parler. Tout le monde le sait" dit-elle, désabusée.

Le documentaire de Nadège Batou coule comme un long fleuve (pas du tout tranquille) durant 25 minutes. Sur Dailymotion il ne s’agit que d’un extrait d’une dizaine de minutes qui vous laisse sur votre soif. Car l’envie est forte de voire comment les Congolais boivent la tasse et comment La Nouvelle Espérance s’arrange pour noyer le poisson dans l’eau ou mettre le poison dans l’eau des Congolais.

Pour avoir un aperçu du film

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