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En maraude avec le SAMU social de Pointe-Noire

Ce dernier mardi, j’avais rendez-vous avec Laure Bottollier, la directrice du SamusocialPointe-Noire, pour accompagner son équipe dans sa tournée quasi quotidienne auprès des enfants de la rue de la capitale économique.

J’arrive un peu en retard dans la villa coloniale mise à la disposition de l’association par la mairie de Pointe-Noire, à noter que Roland Bouiti Viaudo, maire de la ville, est le président du Samusocial. Laure, la directrice ; Jisca, le médecin ; Tama, le psychologue ; Alexis Bienvenu, le chauffeur et Evrard, le travailleur social sont déjà en plein briefing quand je les rejoins. L’itinéraire de la tournée est fixé, nous passerons par la poste centrale, la Citronnelle, le Kactus, le Plateau, le Daktari et nous finirons à Fond Tié-Tié. Il est à noter que tous ces lieux présentent des caractères économiques évidents pour expliquer la présence des enfants qui vivent essentiellement de mendicité et de rapines.
On me fait enfiler le tee-shirt de l’association (un peu trop petit pour ma grosse bedaine), je lis et signe des paperasses par lesquelles je m’engage à respecter les règles de l’association, puis on me dispense les conseils d’usage :
 Attendre le signal pour sortir du véhicule ;
 Ne pas fumer en présence des enfants ;
 Se tenir prêt à la fuite en cas d’alerte ;
 …

Un véhicule d’intervention du samu social


Nous embarquons avec bagages, trousse médicale et eau potable pour les enfants, dans l’un des 4x4 Toyota BJ station wagon offerts par la municipalité, celui-ci, flambant neuf, est un encore immatriculé en W.

Première halte à la poste centrale. Quelques gosses sont regroupés près de la structure en voile béton du hall des artiste. Un grand joue les matamores, et roule les mécaniques. Il est manifestement le chef et il se vante d’être sergent. Les plus jeunes sont sous sa domination. Laure semble le craindre et c’est avec réticence qu’elle accepte de lui répondre. Elle me dira plus tard que le garçon ne cesse de la tester en lui faisant supporter son agressivité, sans doute a-t-il des problèmes avec les femmes qu’il a du mal à respecter.

Après tabassage


Un gamin reste prostré contre le bâtiment. Le caïd nous raconte ce qui lui est arrivé et qui semble être une aventure fréquente pour ces laissés pour compte de la société, Ecoutez sa version.
Le blessé monte à l’arrière du véhicule où se trouve le médecin, c’est là qu’après avoir tiré les rideaux ce dernier donne ses consultations.
Pendant ce temps nous discutons avec les enfants. Ils sont en majorité demandeurs de contact. Ils nous disent regretter la mutation à Brazzaville du colonel des brigades de gendarmerie ferroviaires qui, semble-t-il les aidait efficacement. Ils en parlent comme si ce départ n’était que provisoire. Ignorent-ils que les brigades ferroviaires ont été dissoutes.
Je leur demande si je peux prendre des photos. La plupart accepte avec enthousiasme mais le caïd oppose son véto. Il s’éloigne un peu et revient en short et torse nu et réclame un cliché en prenant des poses de boxeur. Dès lors j’ai toute liberté pour les photographier.
Quand nous repartons, en roulant très lentement, les gosses se dispersent.

Halte à la Citronnelle mais aucun enfant se présente, nous en profitons, Laure et moi, seuls fumeurs de l’équipe, pour nous griller une petite cigarette tandis que les autres remplissent leurs fiches de rapport.

Nous remontons tranquillement l’avenue Charles de Gaulle en direction du Kactus. Arrêt en position départ sur le parking de la station Total où quelques enfants se préparent à passer la nuit. L’un d’entre eux est polio et se déplace à quatre pattes. Il est très clean sur lui, bien qu’on me dise qu’il est incontinent et que cela lui pose des problèmes pour sa réinsertion. Il voudrait faire de la couture mais on le rejette en raison de ce handicap supplémentaire. Laure lui conseille, puisqu’il fait, paradoxe, partie des moins défavorisés de cette classe des sans existence en raison de son infirmité qui lui permet de mieux mendier que ses compagnons d’infortune.
Un gamin arrive et se couche en chien de fusil à même le sol. Sa tête est couverte de teigne. Il était hospitalisé dans la clinique où l’association dispose de deux chambres et huit lits. Il en a fugué avant la fin de son traitement. Le psy nous explique qu’en se couchant là et en se plaignant de maux de ventre, il simule une maladie pour pouvoir réintégrer la clinique. L’équipe lui promet de faire le nécessaire tout en lui expliquant que leur mansuétude aura forcément des limites.
Quelques curieux s’arrêtent très vite rembarrés par les membres de l’équipe.
Notre 4x4 occupe semble-t-il la chambre à coucher de l’un des enfants, il signifie à Alexis Bienvenu qu’il souhaiterait que le véhicule soit déplacé pour qu’il puisse s’installer, amusement général…

Nouvelle halte tout près de là devant le magasin TPI.

Après tabassage (bis)

Arrive un enfant la Jambe et le bras droit plâtrés. Il a été tabassé par des membres des forces de l’ordre à l’issue d’une garde à vue de 48 heures. Il souffre de plusieurs fractures et se déplace avec grandes difficultés à l’aide d’un bâton. Il nous dit comment, après sa mésaventure, il s’est fait maltraiter par une infirmière ne supportant pas qu’un enfant sans attache soit hospitalisé dans son service. Voici déjà près de deux mois qu’il est plâtré…
Tama reçoit un appel téléphonique urgent, il doit quitter la tournée prématurément.

Nous poursuivons la tournée mais tous les enfants que nous croisons ont déjà été vus au cours de la journée et nous nous déplaçons vers Fond Tié-Tié.

Alexis tourne et retourne dans le quartier pour localiser les gosses. Nous les trouvons dans un coin d’ombre proche du marché Dubaï. Ils sont treize et nous accueillent sans effusions de joie mais avec une satisfaction manifeste. L’un d’entre eux a une toux grasse, Jisca craint une tuberculose. Il examinera et soignera ici au moins six enfants.
Jisca me dit que les principales affections dont souffrent les enfants sont des pathologies infectieuses et des parasitoses. Il faut aussi soigner les nombreuses plaies qu’ils se font entre eux en se battant ou que les populations “normales” leur infligent par crainte et intolérance.

A fond Tié-Tié

Durant cette halte qui dure plus longtemps que les autres Laure discute longuement avec les enfants. L’un d’entre eux curieux de ma présence inhabituelle me posera bien des questions. Avec une instruction certaine, il me dira être originaire du Niari, son père est paraît-il cheminot et son grand père occuperait des fonctions assez importantes à Madingou. Je ne parviendrai pas à lui faire dire pourquoi il vit dans la rue, il est manifestement désolé de l’absence de Tama, son “copain le psychologue”[sic]. Il se dit grand joueur de football, comme l’un de ses camarades qui se dit aussi chanteur. Je lui demande s’il peut me chanter quelque chose et il improvise l’air que vous pouvez entendre en cliquant sur ce lien.

Nous rentrons à la direction en faisant un détour par la clinique pour déposer deux enfants que Jisca a décidé d’hospitaliser. Il est minuit trente.

Il semblerait que cette tournée ait été particulièrement cool. Elles sont parfois beaucoup plus difficiles soit parce que les enfants sont sous l’emprise de substances psychotropes, soit parce que des personnes extérieures viennent se mêler du travail du groupe.

De nombreux congolais aimeraient voir disparaître (au sens le plus strict du terme) ces enfants qui les dérangent et qui à leurs yeux ne sont qu’un élément d’insécurité dans le paysage urbain. Le fait est que ces gosses sont avant tout les victimes d’une société dans laquelle ils sont souvent mis à l’écart en raison de leur présence dans des familles recomposées où le conjoint arrivant n’est pas capable des les admettre comme faisant partie de la maison.
Maltraitance, rejet familial, pauvreté extrême sont les principaux porteurs de cette frange sociale. Le Samusocial leur rend leur existence. Par ses actions il vient apporter une solution humaine à un problème inhumain. Pour cela il faut lui rendre hommage.

Pour en savoir plus sur le SamusocialPointe-Noire

Lors du lancement du SamusocialPointe-Noire, congopage.com avait publié l’article consultable en cliquant sur ce lien.

Invitation

Le 10 décembre à 18heures, Laure Bottollier, directrice du SamusocialPointe-Noire, interviendra au CCF lors d’une conférence débat sur le thème "Les enfants des rues" dans le cadre de la semaine consacrée à la commémoration du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Voir le programme en cliquant sur ce lien


NB : Nous nous sommes engagés à suivre les règles édictées par le SamusocialInternational. C’est la raison qui fait que nous avons rendu les visages des enfants sur les photos non reconnaissables.
Nous nous sommes également engagés à publier la mention suivante :
« toute utilisation ou reproduction des images disponibles sur cet article sans autorisation est rigoureusement interdite et pourra donner lieu à l’engagement de poursuites »

Photos et enregistrements audio © congopage.com excepté logo de l’article © SamusocialPointe-Noire

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