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Et si on parlait du mcddi, cette entreprise familiale ?

« Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents :
Un trésor est caché dedans
 »

Jean de La Fontaine (Le laboureur et ses enfants -FABLES )

MCDDI, Société anonyme - Père et Fils

Bernard Kolélas (paix à son âme) connaissait ces vers de La Fontaine. A l’inverse du riche laboureur de la Fable, lui, le père, solda son leg avant de mourir. Tel père, tels fils : les enfants ont parachevé la dilapidation, foulant au pied le proverbe kongo « wa dia fwa yika dio ». Mieux : les enfants, au lieu de labourer, ont tout saccagé comme les éléphants un champ de manioc ; ils ont tout décimé comme les sauterelles un champ de maïs.

Le père Bakana

Bernard Bakana Kolélas fut un petit génie qui créa un business vers la fin des années 1980, à l’image des sociétés anonymes du siècle dernier auxquelles l’enseigne associait l’étiquette « père et fils ».

Au début, on se moqua, on cria à l’intégrisme. L’histoire lui a donné raison. L’affaire a prospéré. S’il connaissait Alain Bashung, il aurait claironné comme lui « Ma petite entreprise, connaît pas la crise ».

Malheureusement, les militants Mcddi ne peuvent pas en dire autant.

En effet, le MCDDI est devenu (selon le mot d’un observateur avisé) une entreprise familiale et son PDG, un très bon visionnaire qui songea, avant de mourir, à l’avenir de ses fistons qui, en bons fils à papa, ont fait de la « succession Bakana » une affaire familiale stricto sensu. L’affaire rapporte gros. Gare à quiconque mettra les bâtons dans les roues de ce juteux négoce.

Mais que vendent les rejetons Bakana ? L’influence, l’intimidation, l’arbitraire, la corruption, les intrigues, les rapports de force, bref autant de denrées chimériques qu’on peut bazarder comme des petits pains au Congo-Brazzaville après en avoir affamé la population.

Machine à députations

Les enfants, à commencer par Brice Parfait Kolélas, Ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, ont fait du parti de leur père une machine à fabriquer des députés ou plutôt à s’autofabriquer député. Charité bien ordonnée...

Pas moins de 5 kolélas sont candidats aux législatives de juillet au Congo-Brazzaville. L’issue heureuse de cet investissement (pardon de cette investiture égocentrique), pour reprendre une formule de La Lettre du Continent 637 du 14 juin 2012t à propos des enfants Sassou, relève d’une hypothèse «  qui ne laisse guère de place au doute. »

Les mômes Kolélas seront élus, confortablement élus ; les députés, au Congo, on les « nomme ». Il n’y a rien là d’étonnant de la part de Parfait Brice Kolélas, homme au passé politique iconoclaste.

Pour la petite histoire Nicolas Sarkozy, dans un autre contexte, échoua dans sa tentative de placer son môme, Jean Sarkozy, à la tête de l’EPAD. D’accord, la France n’est pas le Congo.

Hello Mampouya

Si le fils, Parfait Kolélas, fut en France, proche d’un parti xénophobe, le père, lui, eut la magnanimité d’adopter dans sa famille le fils d’un ami kinois qui, jadis, l’hébergea à Kinshasa, au moment où les tracasseries politiques sous Ngouabi le contraignirent à traverser le fleuve pour son salut physique. En bon chef d’entreprise, il place, d’entrée de jeu, le fils de son pote au poste de direction. Hello Mampouya Matson (car c’est lui le fils adoptif) est aujourd’hui Ministre de la pêche et de l’aquaculture dans l’actuel gouvernement... Son père, en effet, accorda jadis l’hospitalité à Bernard Koléla, lequel sut, une fois dans la lumière, renvoyer l’ascenseur.

Coup de poing

Le fils, Brice Parfait Kolélas, ayant fait ses classes au FN français, sait, en revanche, « renvoyer la balle de tennis » avec une force inouïe. Comme papa, Parfait Brice Kolélas a la passion des joutes verbales et le coup de poing facile. Un homologue, Gilbert Ondongo, Ministre des finances, du budget et du portefeuille public, a récemment failli en faire les frais. Fort heureusement, Florent Tsiba Ministre d’Etat, coordonnateur du pôle socioculturel, ministre du travail et de la sécurité sociale, de surcroit karatéka, calma nos deux hauts commis de l’Etat qui voulaient en venir aux mains. On a échappé de peu à un pugilat, preuve que le gant de boxe est le prolongement de l’idéologie pécétéenne : Okombi Salissa et Jean-François Ndenguet faillirent aussi en venir aux mains sur le tarmac de l’aéroport de Maya-Maya. On vous fait grâce d’autres « combats au sommet » qui illustrent le mode de règlement des conflits chez nos ministres de la République.

MCDDI, chiffe molle

Du temps de la splendeur, le parti de Bernard Bakana Kolélas, le MCDDI, fut la bête noire de ses adversaires, à un point tel que Sassou fila 80 millions de fcfa à Michel Mampouya pour l’affaiblir. Rien n’y fit. Aujourd’hui, lion devenu chat, le MCDDI sert de marchepied à Sassou dans son parcours infatigable sur le Chemin d’avenir, chemin montant, sablonneux, mal aisé, à tous les soleils exposés. Peu avant sa mort, Bakana-Père, fondateur de la Société MCDDI, joua, toute honte bue, les porteurs de serviette de Sassou (mwana mossala en lingala). Chiffe molle à la mort du père, l’Entreprise va désormais voir sa santé économique améliorée grâce à un puissant chiffre d’affaire (tous ces députés en perspective) produit par les perdiems de l’Assemblée : 3 millions per capita et par mois. Ce n’est pas rien.

Lobbying au pays de l’apartheid

Alors qu’il était encarté au FN, sulfureuse formation politique européenne, Parfait Brice Kolélas nourrit le rêve de faire se rencontrer Jean-Marie le Pen avec des hauts responsables Sud-Africains Noirs : le comble dans un pays qui a eu du mal à sortir de l’apartheid ! Autant marier la carpe et le lapin. Le projet prit l’eau. L’inverse eut été inimaginable. Pour manipuler une icone comme Nelson Mandéla, il faut se lever tôt, même si on a pour géniteur un prophète surnommé... Mandéla.

Kolélas alias Mandéla ! Comme la stratégie des surnoms est pleine d’ironie !

Dis-moi qui tu fréquentes

Au bout du compte le népotisme n’est pas une exclusivité nordiste. Les prochaines batailles législatives montrent que les Laris (en l’occurrence les enfants Kolélas), ne sont pas en reste. Non, les Mbochi n’ont pas le monopole de la gestion familiale de la chose publique.

On a beau accuser les Mbochis de tous les noms, la gestion parentale du pouvoir est, au bout du compte, la chose la mieux partagée par la classe politique congolaise, quelle que soit l’appartenance ethnique de ses membres. Les « Kongo du (Grand) Niari  » ( l’expression est du professeur Ngoi-Ngalla) nous l’ont assez démontré entre 92 et 97 lorsque Lissouba propulsa sa fille Mireille sur la scène politique.

Détournement d’héritage

« Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût :
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
 » recommandait Jean de La Fontaine.

Mais à la mort de Kolélas, les enfants biologiques ont compris la fable à leur manière. Les fils Kolélas ont tout de suite mis sens dessus-dessous le champ politique. Ils ont saccagé le terrain à un point tel que la plupart des militants, écœurés, ont préféré prendre la clef des…champs ou ont plutôt laissé la clef sous le paillasson d’un parti politique dont le fondateur opéra déjà un virage à 90° dès le décès de son épouse.

Ce qu’ils ont fait s’appelle hold up, gangstérisme, mafia, trafic d’influence, captage d’héritage. Balzac appelle charognes ceux qui vivent d’héritage. Comme les vautours, ils se nourrissent de cadavres, aussi bien humains que politiques.

Dolce Vita

Lorsqu’on regarde le train de vie des enfants de Kolélas, on se demande pourquoi parle-t-on seulement de « veuve joyeuse », jamais d’ « orphelin jovial » ! Car joyeux, les rejetons Kolélas le sont…parfaitement, menant la dolce vita en compagnie des héritiers des adversaires de leur papa. A l’inverse, les milliers de militants qui avaient fait du MCDDI la première force politique du Congo ont tous eu au cœur le mot de Françoise Sagan : « bonjour tristesse » car les vrais orphelins c’est eux. Des cobras sont récemment venus faire le coup de feu à Bacongo (cf. notre article) sans que Parfait Kolélas ne lève le petit doigt, trop occupé à "boukouter". De toute manière, les populations de Bacongo ne se font plus d’illusions, l’appétit financier des Kolélas, père et fils, a rendu ces derniers aveugles.

Développement intégral de l’homme

Le développent intégral de l’homme prôné par le MCCDI est devenu désintégration totale de l’homme ou carrément dégradation intégrale de l’homme. Le développement de l’homme intégral s’est révélé sous-développement total. Le laboureur de Ntsouélé incarnait en fait l’homme à la faucille. Que dire notamment de tous ces enfants tombés sous les balles de l’ennemi par la faute du Moïse du Congo ? Que penser de tous ces fils du Pool fauchés durant les guerres civiles ?

En 1988, Sassou s’appuya sur une déclaration de Kolélas sur RFI pour aller massacrer à Bacongo. Fuyant les cobras de Sassou, nombre d’électeurs MCDDI se réfugièrent en RDC. A leur retour à Brazzaville, 360 parmi eux disparurent au débarcadère de Kinshasa. Dans tout crime, les responsabilités participent d’un enchaînement des faits. Bernard Kolélas fait partie des premiers maillons de la tragique chaîne des Disparus du Beach. Les tueurs du Beach triaient leurs victimes suivant leur supposée appartenance à la milice Ninja de Kolélas.

Les héritiers

« Le travail est un trésor » dixit le fabuliste. Malheureusement les enfants de Kolélas ont trouvé le trésor sans travailler. Comment ? En vendant leur âme au diable.

« Prenez de la peine » recommandait La Fontaine. C’est ce que les enfants Kolélas n’ont pas fait.

Les militants peuvent faire le deuil du Mcddi. C’était un parti, ça ne l’est plus. C’est une épicerie familiale devenue prospère mais dont les bénéfices sont partagés égoistement par les enfants, neveux, nièces, petits-fils et petites-filles, ces pauvres orphelins.

Cerise sur le gâteau : Me Aimé Emmanuel Yoka est entré dans l’entreprise familiale Koléla-Père et Fils, en postulant un poste dans la succursale de Vinza (cf. La Lettre du Continent)

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