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Hommage à l’Abbé Fulbert Youlou, l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Congo-Brazzaville (1960-2010)

Excellent écrivain, l’Abbé Fulbert Youlou nous a laissé des textes de réflexion, notamment sur la présence du dragon asiatique en Afrique :

"Jeunesse congolaise, vous voilà mis devant un fait accompli. Et devant ce fait accompli il n’est plus possible de tergiverser.
Il n’est même plus possible de ne pas, vous rendre compte que le pays s’est engagé sur une très mauvaise piste, et l’on se demande quelle en sera l’issue. C’est la misère, c’est le désordre qui s’est d’ailleurs déjà installé, c’est l’anarchie qui règne actuellement, c’est le manque d’autorité dont nous avons la preuve tous les jours. Tout cela ne préoccupe ce traître de la nation, l’avenir de ses enfants étant assuré."

Abbé Fulbert Youlou
J’accuse la Chine P.204.

Deux études d’envergure universitaire ont été consacrées en 2009 sur le premier président de la République du Congo-Brazzaville, l’Abbé Fulbert YOULOU . Si ces travaux ont été fort enrichissants sur la connaissance de l’homme F. Youlou, ils tombent à point, en cette veille de commémoration du cinquantième anniversaire de la fin du pacte colonial. Au cas où on l’aurait oublié, c’est Youlou, réprésentant le Congo, qui signa la déclaration d’indépendance en compagnie d’André Malraux, représentant du général de Gaulle.

Vu sous cet angle, la publication de l’Abbé Adolphe Tsiakaka sur L’Abbé Fulbert YOULOU (la mémoire oubliée du Congo-Brazzaville) doit être lue de tous, notamment de ceux qui iront défiler sur les Champs Elysées le 14 juillet 2010 pour la commémoration. Riche en documentations, cette œuvre fournit une foule d’informations sur l’Abbé Fulbert Youlou méconnu de nombreux congolais. Rien d’étonnant dans la mesure où un black-out total sévit sur cet homme durant tout le règne du PCT.

Le livre de l’Abbé A. Tsiakaka tombe bien : il s’agit d’une biographie à travers laquelle sont restitués à leur juste valeur l’homme et les hommages, les compliments et les critiques et, forcément, la période de l’histoire du Congo-Brazzaville où cet enfant de Madibou a exercé la fonction présidentielle. A cet égard, l’interrogation d’un prêtre, Père Adolphe Tsiakaka, sur un prêtre, l’Abbé Youlou est légitime. Rien de tel pour analyser la dialectique du politique et du religieux.

On ne peut commémorer le cinquantenaire sans que l’on soit amené à porter un regard rétrospectif sur le Congo-Brazzaville, en l’occurrence sur les hommes ayant été désignés ou choisis pour diriger ce pays.

Depuis son indépendance en août 1960, le Congo-Brazzaville a connu sept présidences ; la première ayant été assumée par l’Abbé Fulbert Youlou de 1960 à 1963. Alphonse Massamba-Débat succéda à Youlou. Puis vint Marien Ngouabi. Ensuite nous eûmes Joachim Yhombi. Sassou succéda à Yhombi. Il y eut Lissouba. Puis revint Sassou.

Quelle est la situation du Congo-Brazzaville après un demi-siècle d’indépendance ?
La réponse coule de source : après un demi-siècle d’indépendance, le Congo vit une tragédie.

Rétrospective

Trois ans après l’indépendance, un mouvement social pousse le président-Abbé Youlou à la démission. "Il a tout volé" criait la foule des insurgés en 1963.

Le "voleur" chassé, ses successeurs ont-ils répondu aux attentes du peuple congolais ?

Dans son remarquable ouvrage le Père Adolphe TSIAKAKA relève à juste titre que :

« L’image qui colle à la personne de l’Abbé F.Youlou est celle d’une personne qui a vidé les caisses de l’état. Dans ce cas, était-il possible pour cet homme, traité de voleur, qu’il put, au cours de sa magistrature, payer régulièrement les fonctionnaires, le 25 de chaque mois… ? Il est surprenant, pour un homme qui a tout volé, qu’il espérât obtenir, à Léopoldville (Kinshasa), des billets gratuits de l’ancienne compagnie UTA…
Même en exil, l’abbé F. Youlou put vivre grâce à une allocation forfaitaire mensuelle que lui versait le gouvernement français. Que serait-il devenu sans cette allocation ? »

De l’examen de ce propos il ressort que ce dernier a été au cœur d’une machination orchestrée par ses opposants qui, certainement aujourd’hui, doivent se mordre le doigts.

Ainsi dans le même ordre d’idée, le Père Adolphe passe pour le porte-parole de ceux qui n’ont pas eu la parole pour défendre la mémoire de l’Abbé Fulbert Youlou.
« Les hommes politiques congolais, quels qu’ils soient, du Nord ou du Sud, Mbochi ou Koongo, Téké ou Nzabi, ou d’autres peuples, pourront-ils dire aujourd’hui : « Voilà ce que j’ai réalisé pour mon pays ! » Ils ont voyagé et se sont émerveillés devant les réalisations des autres peuples, mais ont-ils fait autant pour leur pays ? Ils ont créé des milices et armé des jeunes qui ont semé la terreur et la mort. Par ces milices, ils ont tué leur peuple, ce peuple qui les a installés sur les estrades pour travailler et instaurer une nouvelle nation. Ils sont incapables de s’asseoir et de dialoguer, de s’entendre et de se réconcilier, comme le veut notre tradition, pour travailler ensemble dans l’intérêt du Congo-Brazzaville. Ils ressemblent plutôt à des gamins, jouant dans la cour de recréation, se disputant et s’accusant devant le maître. La cause de nos souffrances c’est toujours les autres, comme l’exprimaient à l’époque les révolutionnaires, « l’impérialisme et ses valets locaux ». Le devoir des hommes politiques est de relier les congolais entre eux et non de les opposer. Et pourtant les congolais ont chanté (en petit nègre) : « Youlou a tout volé, nous bâtirons de nouveau, suffit la liberté, congo oh oh ». L’histoire leur donne-t-elle raison ? Pour qui les Congolais ont-ils fait la révolution ? »

La vérité s’oppose au mensonge.

Le kimuntu

Attribuer à l’Abbé F. Youlou, la qualité de Père de la Nation Congolaise n’est pas exagéré.
Dans ce contexte, un regard sur le muntu est plus que jamais une nécessité vitale pour des lendemains meilleurs.

Il n’est pas faux de constater que depuis la chute de l’Abbé F. Youlou lors des fameuses journées des trois glorieuses 13, 14 et 15 août 1963, le Congo-Brazzaville a sombré dans l’anarchie des dictatures sanglantes.

A ce propos, "J’accuse la Chine" publié en 1966 aux éditions la Table ronde semble avoir pris une dimension prophétique.

Morceaux choisis

« Jeunesse congolaise, il vous revient de tenir compte plus que jamais de la situation politique de l’heure. Et cette situation doit être minutieusement analysée.C’est votre rôle. C’est urgent. C’est d’autant plus urgent qu’il est urgent d’empêcher ce qui doit être empêché. Cette analyse doit se faire sans passion et sans parti pris. Cette analyse doit être objective. Les potentats du socialisme scientifique se retranchent derrière des mots vides de signification. » Abbé Fulbert Youlou. J’accuse la chine P.206.

« Le courage doit caractériser une jeunesse désintéressée et consciente, respectueuse des valeurs fondamentales du pays.
A tout moment, elle doit être le moteur déterminant de toutes les décisions capitales et de toutes les démarches, comme aussi elle doit en être le ferment. »
Abbé Fulbert Youlou. J’accuse la Chine P.207.

« Jeunesse congolaise, votre devoir est simple. Le plus simple doit être de ne pas vous laisser remorquer par une équipe d’hommes criminels, par une équipe d’hommes qui se contentaient d’observer le mutisme le plus absolu à une équipe difficile de l’histoire de notre pays, alors que ce même pays avait besoin de toutes les bonnes volontés pour le libérer du colonialisme. »Abbé Fulbert Youlou, idem. P.207

"Jeunesse congolaise, dans tous les pays, la jeunesse se met avant tout au service du peuple. C’est-à-dire qu’il doit être exclu qu’elle devienne l’instrument servile et aveugle des ambitions personnelles d’un homme ou d’un groupe d’hommes ; d’un groupe d’hommes sans perspectives et sans idéal. D’un groupe d’hommes uniquement animés d’intentions macabres." Abbé Fulbert Youlou idem P.204.

« ...toute révolution appelle des mutations fondamentales et radicales. Une révolution doit être génératrice d’améliorations essentielles dans un pays. Or que se passe-t-il aujourd’hui ? La situation générale se dégrade de jour en jour, l’étiage économique a baissé, le nombre des chômeurs s’est accru. Que se passe-t-il encore ? Dans son ensemble, le pays régresse, la haine des uns contre les autres ayant repris le dessus.
Réfléchissons. »
Abbé Fulbert Youlou J’accuse la Chine P.207.

« Peuple congolais, soldats, gendarmes, agents de police, jeunesse, conjuguons tous nos efforts, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver notre pays qui est entrain de se perdre, s’il ne l’est déjà. » Abbé Fulbert Youlou, ibidem P.207.

AbbYoulou fut un visionnaire. "Des malades mentaux vous dirigeront" prédit-il avant de prendre le chemin de l’exil. Comme il avait vu juste, le bon prêtre !

Monsieur l’Abbé est mort le 5 mai 1972 en exil en Espagne-Madrid.

« Si l’on doit des égards aux vivants, on ne doit aux morts que la vérité » écrivait Jacques Opangault un autre digne fils de la Nation Congolaise. Aussi, il n’est que justice et équité à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Congo-Brazzaville de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ; et en l’espèce nous avons une dette envers ces dignes fils de la Nation Congolaise pour leur amour et sincérité dans le combat, la construction et le développement de ce pays.

Tata N’dwenga
Ndona Eléna

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