email
Aventure des présidentielles

Interview : Bonaventure Mbaya, ancien ministre, Président de l’association Convergence Citoyenne

« Convergence Citoyenne » ? Encore une association de plus. Pouvez-vous nous en parler ?
Bien sûr. Il s’agit d’une association qui revendique 2000 adhérents et qui fait partie de l’ARD (Alliance pour la République et la Démocratie), une coalition de partis dirigés par Clément Miérassa et dont je suis le Vice-Président et le Porte-parole. Cette alliance compte dix partis qui demandent des conditions de transparence en prenant appui sur les remarques faites par la Communauté Internationale après les dysfonctionnements des dernières législatives. Nous comptons transformer Convergence Citoyenne en parti politique.

* Vous étiez membre de l’UDR-Mwinda. Que s’est-il passé ?
J’ai été radié. Je n’étais pas d’accord du fait que ce parti s’était accommodé d’un régime intraitable.

*Vous croyez sérieusement que les élections de 2009 auront lieu à l’allure où vont les choses ?
On ne sait pas. Beaucoup de conditions ne semblent pas remplies. Notamment les listes électorales, le recensement administratif de la population. Combien de Congolais vont voter ? Personne ne le sait. Alors vous pensez bien qu’on est dans le flou artistique total !

*Au cas où elles ont lieu, l’ARD présentera-t-elle un candidat unique ?
Nous sommes en train de réfléchir sur les critères de choix de ce candidat. Je sais que c’est difficile de le dégager dans cette coalition. Mais au pire des cas nous irons avec deux candidats. Nous couperons la poire en deux.

*Vous ne trouvez pas que vous dispersez vos forces ? Dans l’hypothèse raisonnable où il y aurait un candidat unique, ce serait qui ?
Je ne saurai pour le moment vous dire qu’un tel est présidentiable.

Mais encore ! Le candidat idéal serait qui, selon vous ?
Selon moi, c’est difficile de dire. En fait c’est celui qui incarnerait le changement. Ce candidat peut être choisi in situ ou venir d’ailleurs. De toute façon, ce sera un candidat de la rupture. Ce peut être Miérassa, Mathias Ndzion, Bonaventure Mbaya, Marcel Guitoukoulou, Me Ambroise Malonga…

*Le corps électoral : tant qu’il n’est pas constitué, on sait que tout vote est une farce : y avez-vous songé ?
C’est la question fondamentale. La maîtrise électorale n’est pas au point, les vieilles listes déjà imparfaites ne sont révisées. Sassou veut faire des bouchées doubles en faisant voter des électeurs étrangers. C’est la triche.

*Il reste peu de temps d’ici à 2009, n’avez-vous pas peur d’être pris de court ?
La concertation doit réfléchir là-dessus. Donc repousser les élections pour cette raison sera la meilleure chose.

*Qu’en est-il de la limitation des mandats ? Visiblement Sassou veut rempiler alors qu’il a déjà fait deux mandats.
Exact. Sassou a triché avec sa Transition flexible. Il a bouffé cinq ans qu’il a mis sur le compte de la flexibilité. En tout cas, nous sommes hors du cadre constitutionnel. Dire qu’on est dans un Etat de non-droit est un euphémisme. Figurez-vous qu’on n’a pas fait d’élections locales (sénatoriales, municipales).

*Peut-on battre Sassou dans ce cadre ?
Cette Constitution est mauvaise, mais c’est sur cette base que nous irons aux élections. Les Congolais doivent prendre conscience que ce ne sera pas une sinécure. Or ils veulent le changement en sachant que le Pouvoir est pour le statu quo. Les conditions du bras de fer sont réunies.

*Justement : et si Sassou ne quitte pas, avez vous une alternative ?
Si Sassou se succède à lui-même, c’est la fin du Congo. Il y aura des mouvements qui vont décider ce qu’il faut faire. Partout ça grogne. En face on use de la terreur. Dans les bus on entend des grincements de dents. Les gens en ont ras le bol. Les Congolais n’ont plus peur de dire haut ce qu’ils pensaient bas voici peu. Même les propres partisans du régime ne suivent plus. Il y a un divorce entre le peuple et Sassou. Malheureusement Sassou se sent à l’aise quand la situation tend vers le désordre. Tout ce que le Congo gagnera, ça sera une insurrection. C’est intolérable qu’une famille s’arroge tout le pouvoir.

*Sentez-vous qu’il y a une militarisation du Pouvoir ?
C’est même flagrant. Une militarisation calquée sur les pays de l’Est de l’époque. Or désormais, les pays de l’Est ont renvoyé les armées dans les casernes. Sassou est resté sur ce vieux modèle.
Comme on ne veut pas normaliser le jeu démocratique, on se livre au calcul politique. Sassou veut négocier les députés. Il veut se partager le nombre de sièges. La gestion clanique du pouvoir se fait au grand jour. La gestion parentale s’est mise progressivement en place dès la fin de la guerre. Ce népotisme va crescendo. La fonction Publique et l’armée sont totalement tribalisées. Au total, le pays a subi une fracture sociale. Doit-on laisser le pays aller à la dérive ?

*Ne perdons pas espoir. Que ferez-vous si vous êtes élu ?
Nos résolutions sont claires : reprendre l’Etat en main, ensuite organiser un véritable débat de fond dans tout le pays, mener une gestion transparente, reprendre en main le pays profond, désarmer les milices. 4ème pays producteur de pétrole dans le golfe de Guinée, le Congo vit cependant dans la pauvreté. De 2003 à 2007, 6.000 milliards de fcfa se sont volatilisés dans la nature. Si nous arrivons au pouvoir, nous ferons une recentralisation hardie et volontariste.
L’inflation es galopante. Le pouvoir d’achat a baissé. Le sac de ciment coûte 12.000 fcfa. Les villas poussent comme des champignons, mais elles appartiennent aux barons du régime puisque la majorité, totalement appauvrie, assiste au festin, en avalant juste la salive.

* En tant que membre affiché de l’Opposition, n’avez-vous pas peur pour votre sécurité ? Car ce régime, disiez-vous, est réputé intraitable.
Au pays est apparue une psychose de l’empoisonnement. Les gens tremblent à l’idée de finir comme Socrate mort pour avoir bu la cigüe ; à cette différence que le grec le fit de façon volontaire. Cela dit, le moment est venu où la peur ne doit plus exercer d’emprise sur les gens. Le sacrifice devient nécessaire. C’est à ce prix qu’on doit avoir gain de cause.
L’âge scolaire a augmenté du fait de la guerre. A 17 ans on trouve des élèves qui sont à l’école primaire alors qu’ils devraient déjà soit passer le bac soit passer en Terminale. Il faut rompre absolument avec cet état de fait.

*Si les urnes n’arrivent pas à bout de Sassou pensez-vous que la nature y parviendra ? On le dit malade.
En principe, ce n’est pas bien de parler de la santé des autres. C’est même un malheur. De toute façon on ne sait pas de quoi il souffre.

*Selon le syllogisme, tous les hommes sont mortels, or Sassou est un homme… Supposons que Sassou meurt : que va-t-il se passer ?
On va approcher le vide juridique. Toutefois, le cas d’école est celui de Ngouabi. A sa mort en 1977, Tchystère devait être le remplaçant. Mais il y a eu l’OPA du CMP. Si Sassou est surpris par la mort, ce sera Obami itou, président du Sénat, qui sera censé le remplacer. Ca serait étonnant puisqu’ on a vu qu’ici, personne ne suit les textes qu’on a soi-même votés.

*Le mot de la fin.
Je vais l’emprunter à Alpha Blondy qui disait que notre génération doit prendre ses responsabilités. Si on ne les prend pas à 40/50 ans, on ne sait à quel âge faudra-t-il prendre la relève. On doit être nombreux. J’appelle la jeunesse à soutenir l’ARD.
Propos recueillis au téléphone le 18 avril 2008

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.