Longtemps homme de l’ombre avec tout ce que cela suppose comme avantages et désavantages, Yvon Moumpala, musicien émérite, a résolu de passer à la lumière.
Parolier et mélodiste de Papa Wemba dans les coulisses duquel, il a longtemps sévi (une dizaine d’années) Yvon Moumpala, Congolais de Brazzaville, a jugé qu’il était temps de franchir la ligne qui sépare les deux zones et finalement se faire une place au soleil lequel, disent les Latins, brille pour tout le monde (pas seulement pour les stars). « J’ai aussi alimenté Reddy Amisi en chansons » confie Y. Moumpala ( son vrai nom est Ntounda ). Pourquoi alors « Moumpala » ? « Parce que, plus jeune, je me sapais déjà tellement bien que mes potes estimèrent que j’avais du kimpala (esthétisme achevé) (NDLR) »
Des chansons à texte
Yvon pousse très loin la réflexion. « Le destin de la chaussure est d’être traînée dans la poussière » dit-il en substance dans (JP. Walter). On aurait dit du Shakespeare. Fasciné par sa conceptualisation des thèmes de la vie courante, Papa Wemba n’a pas hésité de l’appeler « cerveau ».
« Une chanson doit avoir des paroles inoxydables, de façon d’être toujours d’actualité » analyse Yvon. En vérité ses compositions sont de véritables chansons à texte.
« J’ai appris à l’université de la vie. Ma grand-mère a été mon professeur » explique l’artiste quand on veut en savoir plus sur son parcours scolaire. « Dieu a un plan pour moi. Je ne veux pas être envieux de ce que j’ai donné à l’autre » explique-t-il à quiconque s’interroge sur le fait qu’il ne cosigne pas ses œuvres qui font la gloire des autres. Ses rapports avec Papa Wemba, avec le respect qu’il lui doit, sont de type horizontal. Ce qui agace souvent ceux qui sont habitués de voir l’idole comme un Dieu. « Le milieu des artistes kinois est une véritable caste dont la porte n’est pas ouverte au premier venu » avoue presqu’avec admiration cet artiste qui est conscient de son aubaine.
Paradoxalement, jusque-là, pourtant c’est dans l’ombre que l’artiste a le plus brillé. Depuis l’époque où il collaborait avec Fofana Mulady il a toujours joué les seconds couteaux. Ensuite, grâce à une amie (Maguy) Yvon Moumpala se retrouve dans le sillage de Papa Wemba où, toujours en arrière-plan, il continue de jouer les seconds rôles en faisant les chœurs dans Viva La Musica alors qu’il alimente en titres le Nkuru Yaka (parmi lesquels, des tubes).
Ses fortes métaphores, il les puise dans le vieux registre comme celui de Rock’a Mambo (groupe myhtique des années 1950) et de Franco de Mi Amor. Ca montre que les anciens étaient des génies de l’harmonie. Voici un conseil valable à tous les artistes : la roumba congolaise ne date pas d’aujourd’hui ; il serait utile, de temps à autre, de revisiter les travaux de nos prédécesseurs en la matière.
Le modèle d’Yvon Moumpala reste Franco Luambo Makiadi dont il admire la façon de critiquer la société. Peut-être aussi Jean-Serge Essou.
A vrai dire, pour se faire une idée complète de la formation d’Yvon Moumpala, il faut ajouter que, enfant, l’artiste est un fervent admirateur des Bantous de la Capitale qu’il va souvent écouter à La Cabane Bantou. au Plateau des Quinze ans. « La chanson Comité ya Bantou » m’a fortement inspiré dans JP. Walter » reconnaît avec fierté Yvon Moumpala. Et quand on aura précisé aussi qu’il a des liens de parenté avec Nzongo Soul, Théo Blaise Nkounkou et Mami Claudia, Diaboua dit Le Lièvre, on aura fait le tour de son background.
La pépinière
A l’ombre de Papa Wemba, tout de suite, Moumpala va s’imposer par son écriture à la fois limpide et corsée. Parfois il y a des grincements de dents : « Ce n’est pas parce que tu écris pour Nkuru que tu dois « la ramener » » lui balancent des fans du « Roi de la sape » qui ne supportent toujours pas qu’Yvon lui adresse la parole sans baisser le regard. Il reste que, méconnaissance/reconnaissance oblige, les Kinois n’ont rien à redire sur les qualités de ce Balzac brazzavillois.
« Ses textes très profonds sont dignes de figurer dans une anthologie de paraboles et de proverbes congolais » estime un admirateur qui suit l’artiste depuis des années.
Papa Wemba le compare carrément à une "pépinière" et l’a affublé de l’élogieux surnom de "Bongo éza na nzéla" qui signifie "un crâne bien fait qui à la suite dans les idées"
De sa collaboration avec Papa Wemba va naitre, entre autres tubes, JP Walter : http://www.youtube.com/watch?v=ozOc6kwRFiI, un puits philosophique insondable.
Libongo : ttp ://www.youtube.com/watch?v=ozOc6kwRFiI,
Fas favor :http://www.youtube.com/watch?v=crLi7W5_rts
Dans le dernier album de Papa Wemba" Notre père », Yvon a composé et écrit au moins 5 titres dont « Thermomètre ».
http://www.youtube.com/watch?v=GbsfjwNl5yM
Fort de cette expérience auprès du grand « Mbiaka lignoko ya témbé » alias Papa Wemba, Yvon a décidé de sortir de l’anonymat pour nous proposer un album qui verra le jour prochainement. Le titre ? "Amoureux du jour".
Yvon a pensé à ses compatriotes : « Abdan Mondélé (gutare lead), Brice Malonga (clavier), Jimmy Bass (basse), des congolais de Brazzaville, interviennent dans l’album en cours sous la direction artistique de Balou Canta » nous informe-t-il.
http://www.youtube.com/watch?v=0pcYWn9FNhY.
Son fan club, unanime (sinon ce ne serait pas un fan club) promet un formidable destin solo à l’artiste. Il était temps que l’artiste vole de ses propres ailes.
Seulement si l’ombre peut rendre célèbre, parfois la lumière peut vous faire de…l’ombre, à force d’éclat.
Toujours selon ses fans, cet album va réconcilier les amoureux de la belle musique avec cet art qui depuis quelques temps a été dévoyé par des ménestrels marchands de sable et autres insanités sexuelles.
Gageons qu’à l’inverse des ailes du papillon au bord de la flamme, le passage de l’ombre à la lumière ne brûlera pas Yvon Moumpala.
Simon Mavoula et Bob Bitsoua
