email

Les partenariats public-privé réponse à la problématique de développement ?

Bien que disposant d’énormes potentialités naturelles, la République du Congo peine pourtant à se sortir de son état de sous-développement.
Le pays est classé au 136ème rang sur 177 selon l’indice de développement humain du PNUD en 2007 et son Produit intérieur brut par habitant a connu une évolution en dent de scie ces dernières années. Le PIB par tête (en USD) est passé de 1100 en 1990, à 830 en 1995, 1085 en 2000, et 949 en 2003.

Cet état de fait se justifie en partie par une défaillance des services publics et une faiblesse des infrastructures.

Cela est d’autant plus surprenant que depuis l’indépendance, la mise en place d’infrastructures économique et sociale à même d’assurer le développement durable du pays a toujours figuré parmi les priorités des différents gouvernements qui se sont succédés.

Plusieurs plans et programmes de développement ont ainsi été menés, dont le plus ambitieux était sans conteste le plan quinquennal 1982-1986. Une place particulière y avait été faite à l’aménagement du territoire. C’est ainsi qu’un certain nombre d’infrastructures ont été construites à cette époque (routes, centrales électriques, usines de traitement d’eau….).
Beaucoup de ces ouvrages ont été financés par des emprunts publics. Il en a résulté un niveau d’endettement très élevé, à l’origine de plusieurs difficultés par la suite.

Malheureusement, force est de constater que la plupart de ces infrastructures faute d’entretien sont aujourd’hui dans un état de dégradation avancé.

Il convient donc de tout reprendre à zéro. Mais de quelle manière ? En effet n’existe-t-il pas d’autres moyens permettant à l’Etat de réaliser l’un de ses objectifs à savoir construire des infrastructures de base sans pour autant affecter ses finances de manière préjudiciable ?

Les partenariats public-privé (PPP ou P3) de par leur objectif qui consiste à réunir des acteurs publics et des acteurs privés (ONG, entreprises…) en vue de construire, gérer ou préserver un projet d’intérêt public, peuvent constituer une voie intéressante à exploiter.
En effet, les contrats de partenariat sont des contrats par lesquels l’Etat confie à un partenaire privé, pour une période déterminée, une mission globale relative au financement d’investissements d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu’à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation et/ou leur gestion.

Une alternative aux financements publics

Le recours aux PPP peut apporter un début de réponse à la problématique de développement du Congo dans la mesure où ils trouvent notamment leur utilité lorsque les contraintes budgétaires limitent l’investissement public.

En effet, au terme des accords que le Congo a passé avec le Fonds Monétaire International (FMI), il est tenu de respecter une certaine rigueur budgétaire, l’obligeant notamment à contrôler ses déficits publics. Les dépenses d’investissement de l’Etat sont d’autant plus limitées que, le service de la dette publique obère les finances de l’Etat, ce malgré un contexte économique favorable.

Ainsi, dans le cadre d’un PPP portant sur un projet d’infrastructure, les partenaires privés participent, aux cotés de l’Etat, au financement de l’ouvrage. Cela lui permettra ainsi de libérer les ressources publiques nécessaires pour les besoins qui incombent exclusivement à la puissance publique d’assurer (l’éducation, la sécurité des citoyens, la santé…).

Un moyen d’améliorer le service public

En outre, dans des domaines (hydraulique, énergie…) où une expertise pointue est nécessaire, les PPP constituent une opportunité de transfert de technologie bénéfique à l’Etat et aux usagers qui profiteront d’une infrastructure moderne présentant un bon rapport qualité/prix.
Le recours aux PPP est également intéressant dans le cadre de la gestion d’un service public (fourniture d’électricité, d’eau…). Ils peuvent permettre d’accompagner le développement des services publics en faisant preuve d’une capacité d’adaptation forte vis-à-vis des évolutions du contexte réglementaire, technique et institutionnel.

Au Congo, les entreprises publiques chargées du service public de fourniture d’eau et d’électricité (la SNDE et la SNE) font face à de sérieuses difficultés qui les empêchent de fournir des prestations de qualité aux consommateurs. Cela, en dépit de la politique volontariste de l’Etat qui ne ménage pas ses efforts pour améliorer la situation [1].
Leur appareil de production complètement vétuste nécessite des investissements lourds que ces dernières en raison de leur situation financière difficile sont incapables d’effectuer. Ces deux éléments ont d’ailleurs contribué à l’enlisement du processus de privatisation qui avait été mené au début des années 2000. En effet, à l’époque où il était question de privatiser la SNE, les repreneurs potentiels avaient été effrayés par l’état des infrastructures, mais également l’endettement de la société qui s’élevait à 104 milliards de F CFA en 2004.

Une possibilité de PPP dans ce domaine pourrait consister à faire assurer le financement des installations par les partenaires privés, à charge pour l’Etat de supporter et garantir le passif de la SNE.

De telles expériences ont d’ailleurs été menées avec plus ou moins de succès dans des Etats d’Afrique subsaharienne.

Quelques exemples en Afrique

La Côte d’ivoire, par exemple, a pu moderniser son secteur de l’électricité grâce à des PPP. En effet, en 1990 la SAUR (filiale du groupe Bouygues) s’est associée à EDF pour entrer à 51% dans le capital de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) aux côtés de l’Etat et de capitaux privés ivoiriens. La CIE reçoit un contrat d’affermage pour 15 ans, l’Etat restant propriétaire du réseau et responsable du développement de ce dernier.

Au Gabon, la distribution d’eau et d’électricité dans le pays a été confiée en 1997 à la Société d’Energie et Eau du Gabon (SEEG) filiale à 51% du groupe français VEOLIA WATER qui a obtenu une concession pour une durée de 20 ans.
Grâce à ce partenariat, le taux d’accès à l’eau potable des Gabonais est l’un des plus importants d’Afrique subsaharienne. Il est passé de 68% en 1999 à 85% en 2004. Plus remarquable encore, le pays est l’un des rares de la zone à assurer à 67% de ses habitants raccordés une desserte par branchement individuel. Le contrat de concession impose à l’opérateur d’investir dans l’extension et l’amélioration de la qualité du service. Depuis il investit chaque année l’équivalent de 16 millions d’euros Une somme qui s’est traduite par une augmentation de 75% du nombre de branchements en eau potable dans 48 villes qu’il dessert ces dix dernières années.

En Afrique du Sud, c’est grâce à un PPP innovant que le système d’eau et d’assainissement a pu être reconstruit dans une logique de développement durable. En effet, le partenariat mis en place avec un opérateur privé prévoyait, en plus de l’obligation de mettre en place et gérer le réseau de distribution d’eau, une obligation de former les communautés rurales notamment, à la maintenance du système.
L’étape ultime de ce partenariat consistant à faire de la communauté rurale un distributeur local et la source de financement du système.

Une gestion privée sous contrôle public

Le PPP est par ailleurs, une alternative à la privatisation d’autant plus intéressante que les mécanismes de marché purs ne sont pas toujours opérants. Les opérateurs privés au nom du principe de la rentabilité ont parfois tendance à délaisser les zones les moins rentables.

Cette situation a d’ailleurs pu être constatée lors de la libéralisation du secteur de l’aval pétrolier au Congo notamment.

Les PPP offrent à l’Etat la possibilité de contrôler l’activité du partenaire privé via la mise en place d’autorité de régulation. Cela permet de concilier les exigences de rentabilité d’une entreprise avec celles du service public, et in fine d’en protéger ses usagers.

Les formes de PPP

Les PPP peuvent revêtir différentes formes juridiques, dont la plus courante est le contrat de concession ou son versant anglo-saxon, le contrat BOT (Build Operate Transfer : en français Construire Exploiter Transférer).
Le système de la concession se rattache à la tradition juridique française tandis que le système BOT à la tradition juridique des pays anglo-saxon (common law ).
En effet, en France, les infrastructures et grands services publics se sont développés par le recours aux contrats de concession dés la fin du XVIième siècle, mais surtout au XIXième siècle et jusqu’à la seconde guerre mondiale. Cette pratique a d’ailleurs permis que se constituent peu à peu de grands groupes centenaires (VIVENDI Environnement ex-Générale des Eaux, SUEZ…) de taille internationale, spécialisés dans les services aux collectivités et leaders mondiaux dans leur domaine d’excellence : l’eau.
La technique de la concession peut être défini comme un mode de gestion d’un service public consistant à confier la gestion à un concessionnaire recruté contractuellement agissant à ses risques et rémunéré par des perceptions perçues sur les usagers.
C’est également un procédé de réalisation d’un ouvrage public dans lequel le concessionnaire le finance et le réalise. Il se rémunère sur les usagers en l’exploitant à titre onéreux pendant un temps déterminé.
Ainsi, l’utilisation de la technique de "Concession-BOT" permet de faire réaliser et gérer par une société privée des projets industriels, d’infrastructures ou d’équipement publics qui l’auraient été par des établissements publics ou des sociétés du secteur public. La société privée bénéficie d’une concession (25 ans en moyenne) pour financer, réaliser et assurer l’exploitation du projet pendant la durée de la concession.
A la fin de la durée de la concession le projet revient à l’Etat. La période de concession est déterminée en fonction de la durée nécessaire pour que les revenus générés (péages, redevances….) permettent à la société de rentabiliser les capitaux qu’elle a investi dans le projet.

Au Congo, il pourrait être intéressant de recourir à de telles techniques pour équiper le pays d’infrastructures dont il a besoin pour assurer son développement. On pense évidemment à l’autoroute Brazzaville-Pointe-Noire, au projet du barrage de Sounda…. Ces techniques auraient également l’avantage de contenir son endettement.
De tels montages ont pour effet de faire payer le service rendu à l’usager. Par exemple, l’automobiliste va s’acquitter du montant du péage pour une autoroute, ou le consommateur d’eau et d’électricité, de sa facture.
Le fait que ce soit le client qui paie le service est un gage d’une incitation à le contenter, la satisfaction de l’usager n’étant pas un paramètre fondamental de gestion de nombreux services publics à l’encontre, de la philosophie qui sous-tend cette notion.

Les facteurs clés de la réussite d’un PPP

Un certain nombre de facteurs clés paraissent toutefois indispensables à la réussite de tels partenariats. Il s’agit de :
 Une ferme volonté politique ;
 Un climat propice aux investissements ;
 La bonne gouvernance ;
 L’identification de projet rentable ;
 Une allocation efficiente de l’ensemble des risques liés à ce type de partenariats.

Même si le chemin est loin d’être parcouru, il est indéniable que le Congo a accompli de nombreux efforts dans le domaine de la bonne gouvernance, dans la mise en place d’un climat propice aux investissements…
L’arrivée de nouveaux investisseurs dans des domaines aussi variés que les télécoms, la finance, le transport aérien en témoigne.

Une étape ultime consisterait toutefois à intégrer dans l’arsenal législatif congolais, à l’instar de ce qu’a fait la Guinée Conakry les recommandations de la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International (CNUDCI) sur le financement des projets d’infrastructure . Cela aurait pour effet de rassurer et d’encourager les investisseurs potentiels.

En guise de conclusion, un PPP peut répondre dans une certaine mesure à la problématique de développement économique et sociale au Congo. L’élément clé toutefois de sa réussite est : le rôle de l’Etat.
En effet, en plus de son rôle d’organisateur via les appels d’offres, l’Etat doit notamment veiller à concilier les objectifs de rentabilité des investisseurs privés et la fonction sociale des infrastructures, mais également assurer un contrôle rigoureux de l’activité des concessionnaires, cela afin que le partenariat atteigne pleinement ses objectifs de développement économique et social du pays.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.