"Peine perdue" par Eric Dibas-Franck

Premier roman d’Eric Dibas-Franck, "Peine perdue" présente les lettres d’une jeune congolaise restée au pays à son fiancé, étudiant en France. Huit années de correspondance et d’espoir déçu.

Nous remercions Eric Dibas-Franck qui, une fois n’est hélas pas coutume dans le monde congolais du livre, nous a permis de lire l’ouvrage avant la manifestation de présentation.

Ce que nous dit la quatrième de couverture :
Peine perdue nous invite à découvrir la complicité et les détours d’un amour contrarié à travers la relation épistolaire qui unit une jeune femme restée en Afrique et son prétendant émigré en France. Tous deux font des études de droit, lui avec succès, elle avec difficultés. Au fil des lettres qu’elle écrit à son bien-aimé, le lecteur partage leur difficulté d’aimer à distance et leur volonté de gagner la confiance et l’estime de l’autre. Quel avenir peut-il y avoir entre deux êtres quand des milliers de kilomètres les séparent ? Par ailleurs, l’atmosphère du Congo – ainsi que les événements politiques qui sont relatés – est dépaysante et achève de faire de ce texte un échange émouvant auquel on ne peut qu’être sensible.

Notre avis :
L’ouvrage surprend. Il est constitué des seules lettres que cette jeune femme écrit à l’élu de son cœur. Il montre une opposition flagrante entre deux êtres profondément ancrés dans la tradition en dépit du haut niveau d’études qu’ils ont atteint. J’ai avalé d’une traite ce livre de plus de 300 pages alors que le genre épistolaire d’habitude m’ennuie.
Elle : Jeune femme africaine soumise malgré son instruction et au détriment de ses études qu’elle ne peut mener à bien. Elle s’excuse de tout, même de ses remarques les plus justifiées, une seule de ses lettres est vraiment agressive. Elle finit par être écœurante de passivité et de soumission. Elle est fleur bleue, naïve et surtout aveugle au fait que l’homme qu’elle aime, là bas, si loin, ne la considère que comme sa femme du pays. Elle se contentera des années durant des miettes qu’il lui jette un peu comme on lance des arachides à un singe en cage en s’entretenant l’illusion d’un amour partagé duquel jamais il n’aura le courage de la détromper.
Lui : Jeune homme de la même origine profondément polygame, égoïste et dissimulateur. Il lui offre aussi peu qu’il peut le faire. Il mène sa vie en France sans réels égards pour celle qui n’attend que lui. Si ses études sont brillantes on ne sait pas vraiment s’il réussit sa vie professionnelle. On en doute puisqu’il ne parvient pas à venir au pays.

Entrelacée à cette correspondance, comme un filigrane appuyé, se trouve l’histoire récente du pays et de sa marche vers une démocratie à laquelle on se demande si quelqu’un voit intérêt. Marche vers la démocratie et démarches égoïstes antinomiques des politiques qui mènent inéluctablement la nation vers l’implosion et la guerre civile.

Eric Dibas-Franck inscrira-t-il son nom au panthéon de la littérature congolaise ? Il faudra sans doute attendre la confirmation de son talent dans un autre roman. [1] "Peine perdue" est un ouvrage qu’on doit lire, proposé à 16,90 euros, il sera certainement cher pour le lecteur africain et congolais en particulier [2]. Le lecteur français y trouvera bien des clés pour comprendre le fonctionnement de la famille africaine. Il comprendra peut-être aussi pourquoi le passage au multipartisme n’a pas été la solution miracle espérée pour la sortie des Etats de leur sous développement.

Le Centre Culturel Français de Pointe-Noire, a présenté cet ouvrage le vendredi 9 mai 2004, 19h, à l’espace SUECO. La manifestation est placée sous le haut patronage de monsieur Aimé Parfait Coussoud-Mavoungou, Ministre des Transports maritimes de la République du Congo. Intervenants le Professeur Alpha Noël Malonga, maitre de conférence à la Faculté de Lettres et Sciences Humaines, Université Marien Ngouabi / Brazzaville et Frédéric Pambou, directeur du Centre d’Etudes et de Civilisation de Loango.