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Présence africaine au Salon de L’Artisanat à Nice : PATEVIE

L’Afrique est généralement peu représentée dans les foires et salons de province.
Du 25 au 28 avril 2008, exception confirmant la règle (car PATEVIE n’est pas vraiment un commerce africain stricto sensu), le Palais des Expositions de Nice a abrité un salon de l’artisanat. Tous les métiers que compte le Département des Alpes-Maritimes tenaient un stand sous l’immense voute qui pouvait en contenir 300.
Dans cette multitude qui variait des métiers de la maison à ceux des nouvelles technologies de la communication et de l’information, on pouvait distinguer, au fond du salon, le stand de Yetna Rose de Lima, patronne de PATEVIE, spécialiste du « métier de la bouche », très exactement de la pâtisserie viennoise et de la restauration africaine.

Affiche illustrant les propos de Rosa


La Chambre des Métiers des Alpes-Maritimes qui a des critères draconiens quand il s’agit de sélectionner les participants au salon de Nice n’a pas hésité un seul instant de donner son label à PATEVIE. « Normal, je réponds aux normes d’hygiène et de sécurité. Car figurez-vous que si jamais il y a une intoxication alimentaire, ça ne pardonne pas. De toute façon j’ai pris une assurance. S’il arrive un pépin à un client (ce dont je doute) je suis couverte » nous assure cette Africaine qui s’est assurée minutieusement de ne pas dévoiler son identité à tous les clients de passage à son stand. L’obsession des visiteurs devant le stand de PATEVIE est de classer ethniquement. « Si je vous dis que je suis Sénégalaise et si, madame, votre mari est Congolais, vous regretterez qu’il n’y ait pas de produits congolais à mon stand » dit, philosophe, Yetna Rose de Lima dit Yérima, mariée à un niçois, Jean Denis, maître pâtissier, amoureux fou de l’Afrique.
En vérité Rose (Rosa pour les intimes) est Camerounaise, exactement Bassa, le groupe ethnique qui a vu naître U Niombé, le mythique résistant, artisan de l’indépendance de ce pays d’Afrique.

Rosa de Lima Yetna au stand de PATEVIE


Rosa a du tempérament. Avec le public, elle joue sur la dialectique du froid et du chaud passant du registre agressif à celui de l’extrême convivialité. « Quoi vous voulez encore diviser l’Afrique ? la colonisation n’a-t-elle pas suffit ? » lance-t-elle à un visiteur qui lui pose l’éternelle question du classement : « de quel pays venez-vous ? » . « L’Afrique est une et indivisible » rétorque-t-elle invariablement. Puis soudain, sans transition, elle enchaîne sur le mode commercial, entrant de plain-pied dans l’ethnographie des pratiques alimentaires dans les pays chauds. « Le manioc que vous goûtez en ce moment, dit-elle à un petit groupe de lycéens, vient d’un tubercule ». Rosa est balzacienne, c’est-à-dire adepte de la comédie humaine. Elle fait aussi du chant : elle est alto dans la très niçoise chorale du Cadran Lyrique dont les membres viendront la soutenir à son stand.
Aussi, d’un geste théâtral, joignant la théorie à la pratique, Rosa se saisit d’un échantillon et narre le processus de fabrication du pain de manioc appelé chicouangue au Congo, miondo au Cameroun. Rosa vous explique la métamorphose du manioc depuis son séjour dans l’eau jusqu’au triage des fibres en passant par la putréfaction. C’est tout une technologie que chaque culture modélise à sa manière. Au Cameroun les bâtons de manioc sont fins et fagotés ; au Congo la forme est plus épaisse et camouflée (ainsi qu’au Cameroun, au Gabon, en RDC et au Centrafrique) sous un tapis de feuilles. Ailleurs, en Afrique de l’Ouest le manioc subit d’autres traitements et peut prendre l’allure atsiéké en Côte d’Ivoire, gari au Bénin/Togo. « Vous voyez ce mortier ? » indique Rosa. « Le manioc séché est pilé dans cet instrument pour être transformé en foufou ». Sur un ton docte et académique, Rosa explique tout, utilise les métaphores pour passer son message. « Cette pierre que vous voyez, c’est notre Moulinex ; elle sert à écraser les noix de m’bongo dont la teinture donne cette belle noirceur à la sauce du même nom ».

Rosa pédagogue d’une alimentation saine


Le public est émerveillé, c’est un plaisir d’écouter cette femme qui vous tient un discours scientifique digne de l’académie. « Non, je n’ai pas dit que le manioc soigne » dit-elle sèchement à deux lycéens qui ont mal compris ses propos. « Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai dit que l’alimentation africaine, du fait des épices, renforce les défenses immunitaires de l’organisme » nuance-t-elle avec une précaution d’épistémologue que lui envierait Gaston Bachelard. Sur un bout de la table trône l’exemplaire d’un livre , son livre sur la cuisine africaine. Car Rosa ne fait pas que causer, elle écrit également.*

Rhétorique pour une alimentation authentique


Esther, Denis et Gérard qui tiennent le stand avec Rose de Lima, servent également d’assistants à notre "maître de conférences" d’un jour.
Un petit coin au milieu d’un labyrinthe, un arbre au milieu de la forêt : le stand de PATEVIE n’est pas passé inaperçu. Le public est reparti moins bête. En peu de temps, l’Afrique a pu se faire entendre. C’est tout juste si les visiteurs n’applaudissent pas. Ca n’aurait été que justice. Rosa fut la fleur exotique du salon qui en était à sa dix-huitième édition.
Récemment, Mme Adelaïde Moundélé-Ngolo, ministre congolais de la Petite Entreprise a déployé, dans un hôtel parisien, une foule de moyens de séduction pour inciter les opérateurs économiques congolais de la Diaspora d’aller entreprendre dans leur pays. Sa démarche pourrait faire sourire Rose de Lima. Elle n’a pas besoin qu’on la pousse. Chaque année, elle se rend au Cameroun, où elle et son mari, réalisent de nombreux projets, notamment en pâtisserie. Le Cameroun n’est pas le Congo. Au Cameroun la liberté d’entreprendre existe. Au Congo, il faut être du clan Nguesso pour faire des affaires. Autant dire que les Congolais ont beaucoup à apprendre des Camerounais, sujets d’une dictature (on va dire "éclairée") de Paul Biya.

Leçon de chose sur la cuisine africaine : le public boit les paroles de Rosa

PATEVIE, 38 avenue Georges Clémenceau, Nice 06000
Tél : 0483505638 & 0632610327
patevie.50web.com
[email protected]
*Recueil de recettes cuisinières d’Afrique. Editions Ngon. 2008. - 15 euros
Nota Bene : Des salons culturels ont lieu au restaurant PATEVIE.

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