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Sassou-Nguesso, chouchou de la communauté internationale ?

Quand elle tient une proie facile, la communauté internationale par le truchement du Tribunal Pénal International (TPI) n’est pas du genre à renoncer.

Ainsi, certains chefs d’Etat, apprentis dictateurs, se prennent le pied dans le tapis et, se font épingler par la communauté internationale. C’est le
cas de Robert Mugabé au Zimbabwé et de Dadis Camara en Guinée-Conakry. Ce n’est que juste récompense. Et depuis qu’il était arrivé comme un météore dans le ciel de la françafrique, il faut dire que Dadis Camara avait tout fait pour nourrir la presse en extravagances, gaffes ou faux-pas. C’était le Dadis
show, un président africain qui amusait la planète. Ridicule et révoltant à la fois !

D’autres chefs d’Etat, dictateurs professionnels, installés et avisés, réussissent à passer entre les mailles du filet d’une communauté internationale,
visiblement complaisante voire complice. Ces dictateurs chevronnés, grâce une habileté déconcertante, continuent de jouir d’un prestige international.
Etonnant. Hallucinant. Troublant. Paieraient-ils avec des espèces sonnantes et trébuchantes cette respectabilité ? Sans nul doute. C’est le cas de Denis
Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, Paul Biya au Cameroun, Blaise Compaoré au Burkina-Faso, Bongo au Gabon, Idris Déby au Tchad, José Edouardo Dos Santos en Angola, Mamadou Tanja au Niger, scélérats aux mains rouges pour lesquels pourtant on continue de dérouler le tapis rouge.

Dadis Camara, mouton noir

Un peu d’histoire de ce pays du Fouta Djalon : le 28 septembre 1958, les Guinéens prirent de la hauteur en répondant " Non " au Referendum sur la Constitution de la Ve République et sur le projet de Communauté proposé par la France à ses colonies africaines. Quatre jours plus tard, Sékou Touré entrait dans l’Histoireen proclamant l’indépendance de la Guinée. Ironie du sort, le 28 septembre 2009, dans le " stade du 28-septembre ", à Conakry, la Guinée a été au boutde l’effroyable chaos où elle s’enfonce depuis un demi-siècle.

Il y a quelques jours déjà, l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch avait publié un rapport sur le massacre commis dans ce stade, fin septembre,par des militaires proches du président guinéen, Dadis Camara, autoproclamé en décembre 2008. Désormais, c’est une commission de l’ONU, mandatée par sonsecrétaire général, Ban Ki-moon, qui a remis au Conseil de sécurité un rapport accablant.

Ce réquisitoire ne se contente pas de confirmer la tragédie du 28 septembre : la foule rassemblée à l’appel de l’opposition a été encerclée dans le stade
par les " bérets rouges " de l’armée, 156 civils au moins ont été sauvagement tués sur place, à l’arme automatique, au poignard ou tabassés à mort, des
dizaines de femmes ont été violées, atrocement mutilées ou enlevées comme " esclaves sexuelles ". Pendant plusieurs jours, la traque sanglante a continué
contre les opposants au pouvoir.

Le rapport de l’ONU va plus loin. Devant le caractère " systématique " de ce massacre, il conclut à la " responsabilité pénale directe du président Moussa

Dadis Camara " et de plusieurs militaires de son entourage immédiat, nommément désignés. A leur encontre, il réclame la saisine de la Cour pénale internationalepour " crimes contre l’humanité " (Le Monde, 21 Décembre 2009).

Le « Dadis Camara » congolais

Au Congo-Brazzaville, le 18 décembre 1998, Denis Sassou Nguesso lançaient ses hommes perpétrer un massacre contre les populations de Bakongo et Makélékélé. Il fit pire que le guinéen Dadi Camara. Là, silence radio. La folie meurrtrière de Sassou Nguesso et ses hommes ne s’est pas arrêtée à Bakongo et Makélékélé.
Pendant plusieurs années, la traque sanglante de Sassou Nguesso et ses milices s’est poursuivie contre les populations civiles dans la région du Pool.
A propos de ces événements tragiques la communauté internationale s’est murée dans un silence étrange. Motus, bouche cousue ! Ni la diplomatie onusienne, ni la diplomatie parisienne n’ont dit mot (Mwinda, 23 Décembre 2009, CONGO-GUINEE : Deux poids, deux mesures).

Bacongo coiffé par Kosovo

Il y a quelque chose de troublant et de révulsif aussi dans les réactions provoquées par des assassinats d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le
monde.

Il y a une justice pour les riches et une justice pour les pauvres, clame un dicton populaire. C’est exact. Selon que les tueries se passent en Afrique
ou en Europe, l’indignation n’est pas la même, le traitement de l’information n’est pas comparable et le sort réservé à ses auteurs est nettement différent.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se référer au drame qu’ont vécu les populations des quartiers sud de Brazzaville, les populations de la région du
Pool et la situation tragique au Kosovo. La condamnation des atrocités sur les personnes est proportionnelle à la grandeur des Etats. Alors que le monde
vient de célébrer le 60è anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans les faits, les hommes ne sont pas égaux en droit.

Un mutisme coupable

Pour qui connaît bien la communauté internationale et son intransigeance en matière du respect des droits de l’Homme, le mutisme qui entoure la tragédie
de Brazzaville et de la région du Pool suscite des interrogations. Pourquoi une telle indifférence lorsque les quartiers Bacongo, Makélékélé et la région
du Pool sont dévastés par les hommes de Sassou Nguesso ? Pourquoi tant de mansuétude à l’endroit de Sassou Nguesso pendant que ses miliciens cobras exécutent
sommairement les kongo-lari des quartiers sud de Brazzaville ? Pourquoi à Paris, aussi bien à l’Elysée, à Matignon qu’au Quai d’Orsay, on observe un silencede mort sur le massacre des kongo-lari ourdi par Sassou Nguesso ? Certes, le droit international est encore balbutiant. Il existe bien un Tribunal Pénal
international pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie. Ce Tribunal ne pourrait-il pas être constitué pour les massacres de Brazzaville, de la région du
Pool et des Disparus du Beach ? La saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) serait plus que justifiée au moment où l’on constate la prise de fonction
de Frédéric Binsamou alias Ntoumi. Serait-il de mèche avec Sassou Nguesso dans l’œuvre de destruction de la région du Pool ? Une commission d’enquête internationale
ferait ainsi la lumière sur ce crime d’Etat organisé contre une catégorie donnée de la population. Elle mettrait ainsi en évidence les responsabilités
des uns et des autres, de même que les complicités internationales.

Quelques jours seulement avant le massacre de Bacongo et Makélékélé du 18 Décembre 1998, le régime militaro-marxiste au pouvoir à Brazzaville avait reçu
du matériel militaire accompagné d’instructeurs en provenance de Paris. Y aurait-il une relation de causalité entre cet appui logistique et les tueries
 ? Est-ce une simple coïncidence de date et des faits ? L’enquête internationale pourrait éclairer cette situation.

Le Droit International : un Droit à géométrie variable

De nos jours, la condamnation des massacres par les vieux pays démocratiques et la communauté internationale est devenue sélective. Un phénomène nouveau
est venu se greffer à une attitude déjà pour le moins iconoclaste : l’émotion sélective. Selon la situation géographique des Etats à travers le monde,
les tueries des personnes ne provoquent pas la même réaction. L’indignation des vieilles puissances démocratiques est désormais géo-sélective.

Pour preuve ! Paris n’a pas eu les mots assez durs pour dénoncer les exactions du Kosovo. La diplomatie internationale s’est mise en branle en organisant
des réunions de sécurité par-ci et en procédant à des descentes sur les lieux des crimes par-là. A la grande stupéfaction des peuples africains, une chape
de plomb s’abat sur la boucherie de Brazzaville, les Disparus du Beach et sur la tragédie meurtrière dans la région du Pool. La diplomatie française d’ordinaire
très prolixe sur les atteintes aux droits de l’homme n’a pas bougé d’un iota. La machine médiatique internationale ne s’est pas emballée. Au contraire,
elle a déroulé un tapis rouge à Sassou-Nguesso en lui offrant ses colonnes, micros et caméras (Le Figaro, Le Parisien, Jeune Afrique, France24, Europe1…).
Un sentiment d’impunité persiste sur certaines parties du monde notamment en Afrique francophone. Les chefs d’Etats africains qui bénéficient de la protection
élyséenne sont des champions des exécutions sommaires des populations civiles.

C’est le cas du Togo, du Cameroun, du Burkina, du Tchad ...Et, de fraîche date, c’est Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville qui a ordonné le massacre des
populations de Bacongo, Makélékélé et de la réégion du Pool en toute impunité (FCD : Sassou Nguesso ou l’irrésistible ascension d’un pion de la françafrique
–Ed. L’Harmattan 2009). Comme lavé par l’eau de l’Alima de tout soupçon de massacre, Sassou Nguesso écume conférences, sommets et colloques internationaux,
sourire aux lèvres, en toute quiétude. Un vrai chouchou.

Le silence de la communauté internationale et de Paris sur le drame de Brazzaville et la tragédie de la région du Pool provoque un vacarme énorme dans le
camp des africains, partisans de la démocratie et de la paix. Faudrait-il compter sur le droit international pour dissuader les dictatures ? Assurément
non car, ce droit est lui-même soumis à des pesanteurs. Des pesanteurs géostratégiques et économiques. A quand un sommet de Rambouillet pour le Congo-Brazzaville ?

Le faux-semblant de Kouchner et Alliot-Marie

Le XXe siècle aura abandonné des millions de femmes, d’hommes et d’enfants à des " atrocités qui défient l’imagination et heurtent la conscience humaine " (préambule du statut de Rome de la Cour pénale internationale) : génocides, massacres organisés, viols collectifs, transferts forcés de population dans des conflits qui, aujourd’hui encore, ensanglantent le monde.
Quel plus grand scandale que l’impunité des criminels contre l’humanité ? Quel plus grand outrage pour les victimes et, au-delà, pour l’humanité tout entière ?.
Le jugement des responsables des génocides et crimes contre l’humanité ne saurait se limiter au seul tribunal de l’Histoire. Les victimes de la barbarie humaine ont le droit de voir leurs bourreaux poursuivis et condamnés. Les sociétés meurtries par des crimes qui révoltent la conscience ont le droit de se voir offrir une possibilité de réconciliation. L’humanité a le droit de se défendre contre l’oubli.

Patrie des droits de l’homme, la France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. La création d’un pôle " génocides et crimes contre l’humanité " au tribunal de grande instance (TGI) de Paris réaffirme la volonté de la France de lutter sans faiblesse contre leur impunité (LE MONDE, 7 Janvier 2010) Quel crédit faudrait-il accorder à une telle initiative sachant que Paris n’a pas cessé de multiplier les entraves à la manifestation de la vérité sur les massacres de Bacongo, Makélékélé, de la région du Pool et des disparus du Beach ? N’est-ce pas L’Elysée qui blanchit le général Norbert Dabira et fit sortir, en pleine nuit, le général Jean-François Ndenguet de la prison de la Santé ?

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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