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Université Marien Ngouabi : silence, on brade

C’est une première dans l’Histoire du Congo-Brazzaville. On s’attendait au pire avec Sassou Nguesso et les agents du chemin d’avenir. On a atteint le fond. On n’avait encore jamais vu un Premier magistrat de la capitale annoncer officiellement la cession d’un site universitaire à une chancellerie étrangère, et s’asseoir ainsi sur les principes de base de la compétence administrative. En somme, fouler au pied les principes de base de la République. Quelques Cassandre ont hurlé, à l’instar de Fidèle Moukamba, président du syndicat des enseignants du supérieur, aucun Périclès politique n’a agi. Personne n’est venu à la rescousse. L’éducation nationale ne représente pas un enjeu majeur. A leurs yeux. Erreur gravissime. Et le Congo-Brazzaville et le monde de la Recherche guette désormais, pour les sauver, un Hercule dans une horde de nains.

Les bijoux de famille

L’événement a eu lieu le 16 juin 2010 avec l’annonce de l’attribution par la mairie centrale de Brazzaville du domaine de la Faculté des sciences de l’Université Marien Ngouabi à la République de Guinée équatoriale afin d’y ériger sa chancellerie, les résidences de son chef de l’Etat et de l’ambassadeur accrédité au Congo-Brazzaville. Quel culot ! Quel obscurantisme ! Quel cynisme ! Fidèle Moukamba (qui a bien lu le Droit administratif) a martelé que cette façon d’agir est une violation flagrante de la loi 25/95 du 17 novembre 1995 portant réorganisation du système éducatif en République du Congo-Brazzaville qui, en son article 47, stipule que : « Les biens du domaine public scolaire et universitaire sont inaliénables, inaccessibles, imprescriptibles ».

Hugues Ngouolondélé, le petit soldat, était-il en service commandé ? Cette Université, la seule que compte le Congo-Brazzaville, héritée de la colonisation française n’a pas connu de modernisation en cinquante ans d’indépendance. Et ceci, en dépit d’une forte croissance démographique et économique. Pour la fiesta, Sassou Nguesso et les agents du chemin d’avenir ne se font pas prier. 27 milliards de francs CFA sont prévus pour célébrer l’événement. Rien que ça ! Mais pour construire une nouvelle Université, ils traînent les pieds. Le peu de structures universitaires qui reste aux Congolais, ce peu-là leur est ôté. Il y a un dysfonctionnement flagrant de la République.

La folie commença déjà sous Lissouba

Puisque c’est dans l’air du temps, pourquoi ne pas céder le terrain du lycée Lumumba (ex Javouhey) tombé en ruines à l’ambassade du Qatar ? Situé en plein centre-ville à un jet de salive du bureau du maire de Brazzaville Hugues Ngouolondélé, ce lycée est menacé d’effondrement faute d’entretien (étanchéité, plomberie, petite maçonnerie, revêtement…). Ou le C.E.G de la Paix à la chancellerie de l’Inde ? L’Université Marien Ngouabi n’est pas à sa première tentative de déstabilisation. Une opération de démantèlement menée de mains de maître par Pascal Lissouba, Claudine Munari, Martin Mbéri, Martial Ikounga, Moungounga Nguila, Yhomby Opango et Dominique Matanga avait échoué, entre 1992 et 1997. Notamment avec le transfert inopiné de la Faculté des Sciences dans les hangars de la "zone industrielle" de Loubomo. D’où peut-être le silence radio de l’Upads puisque, ses leaders, à l’époque, n’avaient pas fait mieux.

Décidément, qu’est-ce qu’elle a ma fac ?

Sassou Nguesso, Isidore Mvouba et Hugues Ngouolondélé reviennent à la charge en portant le coup fatal sur ce qui constitue le patrimoine commun : la culture. On brade les bijoux de famille sans ménagement pour le Congo-Brazzaville qui affiche un budget de près de 3000 milliards de francs CFA et 12 % de croissance pour l’année 2010 et dont les salles de cours, les amphithéâtres et les « dortoirs et restos universitaires » sont dans un état lamentable.

Comment expliquer un tel mépris à l’égard de cette agora, ce temple du savoir où professa Jean-Pierre Makouta-mboukou, Côme Manckassa, Jean Ganga Zanzou, François Lumwamu, Sékou Traoré, Thomas Silou, Misére Dominique, Hilaire Babassana, Makoundzi Wolo, Massini Foukissa, Augustin Niangouna, Yangongo, Ngon, Ngoyi Ngalla, Jérôme Ollandet, Emmanuel Dongala, Elenga Ngamporo, Jean Poati, Jean-Pierre Poaty… ? Pourquoi un tel acharnement contre cette institution qui accueillait autrefois les étudiants du Cameroun, du Tchad, de la RDC, du Bénin, du Rwanda pour leurs humanités (une formation et un savoir) ? Et qui faisait la fierté du Congo-Brazzaville.

Je sors mon revolver

C’est clair, le Congo-Brazzaville n’a pas de politique d’éducation axée sur l’avenir. Le site de la Fac, ce quartier latin de Brazzaville où se détruit l’ignorance, fait peur aux agents du chemin d’avenir, qui y voit un laboratoire d’où pourrait partir la révolte contre le système comme Nanterre pour Mai 68, mouvement social qui balaya le conservatisme gaullien. Quand on veut détruire un pays, on commence par la culture. Goebbels, ministre d’Hitler disait : « lorsque j’entends parler de culture, je sors mon revolver  ». Sassou, Mvouba, Ngouolondélé-fils, Okombi Salissa et les agents du chemin d’avenir n’en pensent pas moins. Que les populations du Congo-Brazzaville ne paniquent ni ne protestent est un mystère. Est-ce la résignation des condamnés du chemin d’avenir traumatisés par les guerres civiles ? Ou la rage invisible des peuples du Congo-Brazzaville qui fourbissent une révolution ?

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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