
Lassy Mbouity, un pied dans la tombe ( sa santé se serait dégradée), nous a donnés une leçon de chose politique, à savoir : même mort, on mord.
Lassy, jamais las
Il ne va pas de Lassy Mbouity comme d’un nombre incalculable de « révolutionnaires de papier » locaux, prompts à tourner casaque quand la météo politique change avec avis de tempête.
Samedi 24 mai 2025, tandis que Lassy Mbouity, miraculé, sort à peine d’un enlèvement crapuleux (l’un des plus sordides jamais commis par Sassou), laissé pour mort dans un plan d’eau nauséeux, puis récupéré par deux bons Samaritains, quasiment nu, le verbe acerbe, la rhétorique véhémente, l’indignation à pleine gueule, et l’insoumission à fleur de peau, Lassy Mbouity, toutes griffe s dehors, continue devant caméra de défendre son combat politique.
Son gibier, toujours le même, affublé de noms d’oiseaux de proie, s’appelle Denis Sassou-Nguesso.

Nietzsche n’aurait pas formulé meilleure périphrase : maintenant que vous l’avez tué, il va vous achever.
Même las, Lassy, ne lâche rien. Il n’a pas perdu ni son latin ni son venin. Crachant comme Ikoko et Olouka sur Marien Ngouabi qui leur proposa en 1972 à la chute du Maquis de Diawara de jouer la carte ethnique pour avoir la vie sauve, Lassy abreuve son tortionnaire de noms d’animaux carnassiers alors que sa vie, est, quelque part, entre ses mains.
« On a eu tort de te laisser en vie » regrettent en définitive les tortionnaires de notre compatriote patriote.
Héros d’une tragédie congolaise comme il s’en fabrique depuis 1969, Lassy Mbouity a été enlevé dans un faubourg de Brazzaville devant épouse et enfants. Séquestré 11 jours comme Les Brigades Rouges Aldo Moro, Lassy, comme Trompe-la-mort de Balzac, n’a pas trépassé.
Relâché, laissé pour mort dans un ruisseau immonde, Madoukoutsékéjé (un nom étrange ), le kidnappé n’as pas développé le fameux syndrome de Stockholm. Au contraire, ses mots ne sont pas assez durs pour qualifier les maux que lui ont fait subir Sassou.
Il est interrogé depuis le Canada par Christian Perrin. Tout le monde, suspendu à ses lèvres, craignant pour sa santé, aura entendu sa chronique d’une mort annoncée, car chacun se souvient d’Augustin Kala-Kala et de Me Ambroise Malonga, (mal) traités dans les mêmes conditions que le président des Socialistes, avaient fini par rendre l’âme.
Au début de l’interview de Christian Perrin, le débit oratoire de l’Opposant est difficile, l’articulation verbale pénible. La voix est d’outre-tombe. Puis au fur et à mesure qu’il se remémore les propositions surréalistes de Thierry Moungala les raisins de la colère lui montent rapidement à la tête.
Un véritable résistant
L’histoire des prisonniers politiques congolais nous a montrés en général des cas de gars résignés, dociles, coopératifs, champions de la volte-face, passant parfois aux aveux pour bénéficier de quelque faveur.
Pas Lassy Mbouity. Pas d’entrisme. Dans son interview alors qu’il vient de tutoyer la mort, il refuse à ses geôliers, le plaisir de demander grâce. Le corps inoculé de molécules suspectes, Lassy a la lucidité de Socrate buvant la ciguë. A des risques et péril, ll salit davantage Sassou.
Tigritude
Lassy s’est répandu en insultes dont il a copieusement abreuvé le tyran d’Oyo. Om le couvre de gracieusetés qui font frémir d’inquiétude les esprits chagrins. « Il a la vie sauve. Pourquoi ne se tient-il pas à carreau ! » dit la vague des modérés que compte le Congo et qui font que Sassou a toujours de la vitalité.
Là où, dans le même cas, des caïds comme le général Jean-Marie Michel Mokoko ont fait amende honorable ou sont devenus doux comme des agneaux, là où les Guy Brice Parfait Kolélas sont tombés comme des bleus pour avoir la vie sauve, Lassy Mbouity, au contraire, a dégainé de plus bel sa tigritude, mordant de ses belles canines, les mollets du tyran de l’Alima.
Quand Norbert Dabira, pris la main dans le sac de la théorie du complot, pleurniche à chaudes larmes, face à ses juges, quand le général Nianga-Mbouala dit Jô Bill craint pour l’avenir des Mbochi, le Président des Socialistes pisse, en revanche, dans la gueule de ses adversaires quoique le rapport de force est horriblement en sa défaveur.
Oloma Niama
« Yandi kélé vrai bakala » disent les admirateurs. Un caractère trempé qui ne trompe pas sur sa détermination. Un « oloma niama ». Tout l’inverse des « Tosa obika » (Bouffe et tais-toi)
Une nouvelle race de résistants et d’opposants est en train d’émerger. Finis les rats-race (face de rats) comme les Tsaty Mabiala, Claudine Munari Mabondzo, opposants le jour, collabo la nuit.
Lassy Mbouity est du bois dont on taille les héros.
En politique, il ne suffit pas de « les avoir bien suspendues ». On a vu comment Ndalla Graille a retourné plusieurs fois sa veste. En politique, il faut admettre (disait Jean-William Lapierre) que dans les dictatures, l’intellectuel est celui par qui le risque arrive.