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Bo koko

Le phénomène Roga-Roga, une imposture culturelle

Parti de rien avec un petit groupe d’amis, sans être le meilleur, Roga-Roga a réussi à écraser les autres. Il parle beaucoup. Mais il n’y a pas mieux que ses propres amis de trente ans pour parler de lui. Ci-après le témoignage de son ancien compagnon de route, Durell Loemba, qui dit avoir été trahi par Roga.

Invité dans une émission rdécéenne de divertissement (Congomokili), le guitariste congolais (RC) Durell Loemba a écarquillé les yeux quand le journaliste lui a demandé si « Extra-Musica » avait des liens avec la politique.

Titre de l’émission musicale : « Durell Loemba bouleversé par un terrible drame dans Extra Musica »

« Non. Moi de toute façon, je ne fais pas de politique, je suis musicien » s’est défendu, inquiet, l’artiste brazzavillois né à Pointe-Noire, grandi à Ouenzé, résidant actuellement en France. Être Opposant est un crime au Congo.

Eh ben, l’ami Durell a tort de ne pas s’occuper de politique. Car ce n’est pas le cas de son camarade d’enfance Roga-Roga alias « Missile » animateur officiel de toutes les fêtes du chemin d’avenir au Cogo-Brazzaville, potentiel député informel de la circonscription de Talangaï, fief de la sassouphilie, quasiment ministre de la Culture (sans portefeuille) dans le gouvernement Collinet Makosso. Quelle beau carnet d’adresse par les temps qui courent. Roga ne peut pas se défendre de faire de la politique.

Dans la même émission, le journaliste Kinois, Ado, a sollicité l’avis de Loemba Durell sur l’impact d’« Extra-Musica » dans la musique congolaise. Le guitariste soliste et compositeur lâchera sans sourciller que depuis l’époque mythique des Bantous de la Capitale, « Extra-Musique » est le groupe qui a relevé le défi de la musique congolaise en déclin.

Après les Bantous de La Capitale, c’était le déluge. Fort heureusement est apparu « Extra-Musica », le groupe des enfants terribles de Ouenzé, qui a sauvé la mise. Excusez du peu.

Ce n’est pas faux. C’est du délire total. Quand on imite Werrason, J.B Mpiana et Zaïko, orchestres kinois, on ne se targue pas de relever des monstres comme Essous, Nino, Pamelo, Kosmos, Biks Bikouta...

PACTE

A en croire Durell Loemba, l’ami Roga-Roga (de son vrai nom Ibambi Okombi Rogatien) est apparu comme président autoproclamé d’Extra-Musica. Ses « compagnons de route » lui ont reproché ce putsch, cette ambition démesurée du pouvoir qui, comme par hasard, est allée augmentant au fur et à mesure que Sassou durcissait également sa politique. Or au début de l’aventure musicale, un pacte avait été signé entre les cofondateurs parmi lesquels Durell Loemba. Le pacte signé rue Babembé au domicile d’Espé Bass stipulait qu’Extra-Musique allait être dirigé de façon « collégiale » Le pouvoir des cinq ou sept leaders fondateurs était indivisible et inaliénable et surtout aucune pratique magico-religieuse n’était admise. Comprenne qui pourra.

CONTENTIEUX

Au bout du compte le tabou a été violé. D’abord lors d’une tournée du groupe en Afrique de l’Ouest, quand dans la chemise d’un membre-fondateur, Fall, on découvre l’échantillon d’un totem (une peau de bête) : flagrant délit de maraboutisme. Durell Loemba admettra après-coup que c’était faux, que cette accusation mystique relevait, en fait, d’une cabale montée contre l’ami artiste pour le virer du groupe. Quand on veut tuer son chien on l’accuse de rage.

Ensuite on n’a plus compté les coups bas, des bâtons dans les roues, des crocs en jambe, les injustices, des rapports de force entre les musiciens. Ca commençait à bien faire. Un vent de révolte se mit à souffler.

Défections et départs se sont multipliés. Naturellement le groupe éclata : Extra-Musica Zangul Extra-Musica International, Extra-Musica Nouvel Horizon etc. Les anciens amis commencèrent à se jeter mutuellement des noms d’oiseau sur la gueule.

COURSE AU POUVOIR

Au nom de quoi Roga-Roga s’était-il alors arrogé le titre de chef ? « C’est parce que c’est moi qui ai trouvé le nom du groupe » se justifie chaque fois Rogatien Okombi.
« Je suis un héros dans l’ombre. J’ai toujours été discret. Mais j’ai du mérite puisque je suis le compositeur de l’album Hélicoptère. J’y ai joué la lead guitare et la rythmique. Instrumentiste, je suis à l’arrière, loin du feu des projecteurs comme les chanteurs. Roga-Roga également guitariste a voulu passer devant, au chant. J’ai été à la création du groupe dès le début. Si Roga tient à être chef qu’il mette une pancarte dans la rue et se mette à recruter ses musiciens. Mais qu’il ne se la joue pas en passant pour le patron de tous » déplore Durell Loemba, au demeurant excellent disciple de Géry Gérard.

Les observateurs disent que les velléités totalitaires de Roga-Roga alias « Lampadaire » viennent d’outre-fleuve. Elles lui sont inspirées par des mythomanes comme Werrason, J-B Mpiana, Koffi Olomidé, Nyoka Longo.
C’est que à Kinshasa, le pouvoir des leaders des groupes de musique est du genre totalitaire. Apparemment Roga-Roga « aime trop ça »

Comme les leaders de musique kinoise, Roga-Roga Obambi ne ménagera aucun effort pour s’enrichir aux dépens de ses camarades suscitant des contentieux de tous genres.

POLITIQUE ET MUSIQUE

Depuis que le monde est monde, politique et musique entretiennent des relations incestueuses. L’Abbé Fulbert Youlou et les Bantous de La Capitale ont entretenu une relation d’amour dans les années 60, date de l’Indépendance du Congo. Essous chanta tous les ministres de Youlou, dont Alphonse Massamba-Débat. Les régimes suivants ont courtisé les artistes et vice versa. Ce n’est pas sous l’empereur Sassou que cette interaction aura changé. Loin de là.

MANIPULATIONS

Roga-Roga a été instrumentalisé par « Le chemin d’avenir » (philosophie politique de Sassou) comme en son temps Franco Luambo Makiadi par le Mobutisme (l’authenticité).

D’entrée, le groupe de Ouenzé, quartier interculturel, fut infiltré par des apprentis sorciers Denis Chrystel Nguesso dit Dénidé, Ferréol Ngassaki qui s’employèrent d’appliquer le principe machiavélique « diviser pour régner ».

GROUPE D’ANIMATION

Après le coup d’Etat de Sassou, Roga-Roga alias « Lampadaire » est de toutes les fêtes politiques de la République et du Parti Congolais du Travail. C’est l’Orchestre de l’Armée Rouge de La Nouvelle Espérance, la patrouille des stars des Cobras, le groupe Kaké de Sassou. Excellent griot, Roga-Roga bat campagne pour le chemin d’avenir et accompagne Denis Sassou-Nguesso dans ses différentes tricheries électorales.
La plupart des contrats d’animation dans les fêtes publiques et/ou privées tombent dans sa gibecière. En l’occurrence l’animation des noces de la fille aînée du très sinistre général Jean-François Ndenguet, Directeur de la Police, revint d’office à Roga-Roga dans le style Bokoko.

Roga est versatile. Il a coutume de soutenir, à la fois une chose et son contraire. En 2015 après qu’il eut sévèrement critiqué la gabegie au sommet de l’Etat dans une chanson très médiatisée (Biyu bibé, antivaleurs) peu avant les élections où Jean-Marie Michel Mokoko laissa des plumes, Rogatien Obambi courut faire la courbette à Mpila chez Sassou en fêtant avec celui contre qui il avait battu campagne. Révoltante volteface !

Après « biyu bibé » (voyoucratie), d’autres à sa place auraient été jetés en prison où se seraient retrouvés au fond d’une tombe. Beaucoup ont « voyagé » (perdu la vie) pour moins que ça. Mais pas lui Roga-Roga, d’ethnie Mbochi lato sensu, né à Owando dans la Cuvette.

C’est à se demander si entre le régime et Roga-Roga il ne s’agit pas d’un théâtre de marionnettes où c’est Sassou qui tire les ficelles. On a vu également cette mise en scène dans le tandem morbide Sassou-Ntoumi.

Doudou Copa estima que « parler mbochi c’est être du Pouvoir. »

L’artiste Roga-Roga bénéficie systématiquement et opportunément d’une impunité malgré ses positions ambiguës. Ne serait-il pas un plastron ? (En langage militaire on désigne par « plastron » le soldat qui joue le rôle de l’ennemi à l’entraînement militaire.)

FONCTIONNAIRE

Roga-Roga (le veinard ) est également fonctionnaire dans l’administration congolaise. Mais un fonctionnaire fictif. Il prend son salaire sans faire acte de présence dans aucune administration. Montant du salaire du travailleur imaginaire : d’un 1,5 million de Fcfa par mois.

Retards de salaires dans la Fonction Publique, Roga-Roga connaît pas.

Cumulard, Rogatien Okombi aime un un concept de son cru : (« Moyini mboté ») (avare et véreux). « Moyini » a la même étymologie que « Moyibi » , « Monimi », et « Mongouna ». Il capte les cachets de ses collègues artistes. Durell Loemba en sait quelque chose. Son cachet d’une prestation à Libreville passa directement des mains du producteur dans les poches de Roga-Roga et Espé Bass sans même transiter dans les poches du destinataire.

Au fond Durel Loemba a eu raison de se défendre de faire de la politique car il est conscient de la féroce et impitoyable répression qui s’abat sur quiconque essaie d’user de sa liberté d’expression au Congo-Brazzaville.

Roga-Roga, lui, adore la politique. Ca l’enrichit. Il tire 90% de ses revenus de la gabegie et du chaos qu’il dénonce dans ses diatribes. Quelque part, Roga-Roga est celui qui peut se targuer de posséder le portefeuille le plus garni de tous les musiciens congolais depuis les Pamelo Mounka.

« Il vit comme un ministre » disent, admiratifs ses détracteurs, vidéo de villas avec piscine à l’appui. Et dire que Brazzaville est comme une cité du Sahel, sans eau.

Roga a ses entrées à Mpila et bénéficie d’une très grande protection des appareils répressifs d’Etat. Il doit avoir le permis de port d’arme. Roga-Roga a la chance d’être aimé de Jean-Dominique Okemba qui le protège comme Al Capone était l’ange gardien des petites frappes de Palerme. En guise de remerciement, Roga n’écrit aucune chanson où il ne loue pas JDO, quand ce n’est pas Claudia Sassou ou un puissant nouveau riche trader pétrolier. Phénomène « Mabanga » oblige.

La bonne nouvelle pour les chauvinistes c’est que son puissant zèle a éclipsé Koffi Olomidé, l’autre salopard des bamboulas politiques brazzavilloises.

LE « CHANTER » EN LANGUES

D’abord interethnique à ses débuts, le groupe de Ouenzé, quartier interculturel, fut manipulé par des apprentis sorciers façon Denis Chrystel Nguesso dit Dénidé, Ferréol Ngassaki. Ces opportuniste exploitèrent à fond l’appartenance tribale de Roga-Roga au groupe Mbochi et favorisèrent la pensée unique dans la musique congolaise en finançant outrageusement le groupe de Ouenzé-Mpila Talangaï.

Il y a eu l’émulation de la chanson en langues. A la chanson de Théo Blaise Nkounkou (Bibelo), Roga-Roga oppose sans craindre le plagiat « Racine 1 » et « Racine 2 » chantés en langue mbochi. Michel Rafa compose Lubambu. Bibelo, Lubambu sont mis à sac par Roga-Roga Missile.

Roga-Roga lance le missile « Bokoko », cerise sur le gâteau tribal. Ce titre bénéficie d’une incroyable promotion tenant du matraquage idéologique. « Bokoko » reprend le tempo du folklore d’Oyo.
A partir de « Racines » et « Okouma Village » l’authenticité prend son envol dans le système Rogatien.

L’HISTOIRE N’A PAS COMMENCE AVEC EXTRA

Extra-Musique apolitique et seul coq chantant dans le poulailler après le règne du monstre Bantou de La Capitale ? Durell Loemba veut sans doute plaisanter.

La guerre civile de 1997 a certes transformé Extra-Musica en groupe Rouge du Parti grâce à de lourds investissements du régime de Sassou. Grâce à une chasse au sorcière, l’espace culturel congolais est devenu un désert musical où la seule étoile qui brille est Extra-Musica. Roga-Roga Lampadaire occupe seul le firmament de la vacuité harmonique.

Le rouleau-compresseur est mis en marche à la chute de Pascal Lissouba. Il commença avec Ngouabi quand Franklin Boukaka fut censuré à vie.

Il ne reste pas moins qu’une mémoire courte caractérise les musicologues congolais. A croire que la musique a commencé avec l’avènement des enfants terribles de la rue Babembé. Or arbre qui cache la forêt, avant Extra-Musica les orchestres sont légion.

Sans mécènes et dans une économie hors-pétrole la musique a su tirer son épingle du jeu avant les années 1980 et après 1972 quand le régime Ngouabi prit pour alibi Franklin Boukaka pour semer la terreur.

On va rafraîchir un peu la cervelle. Bilengué Sakana, Fuka Feza, Les Techniciens, Nzila Mouley, Chanta-Bouita, Nkowa, Kinako, Ndzubé Likofi, Djouéla Polé Polé, Lisseki Mondo-Mondo, Ififi Ngongui, Ndimbola Lokolé, Mushamba, Mayi-Ndombé, Lolango Bana, Thu Shaïma, Kashamankoyi, Zao, Tout Choc Zimbabwe, (j’en passe et des meilleurs) Ca vous parle ?

imposture. nom féminin (bas latin impostura, du latin classique imponere, tromper) Littéraire. 1. Action de tromper par de fausses apparences ou des allégations mensongères, de se faire passer pour ce qu’on n’est pas : Dénoncer les impostures d’un escroc. Synonymes : blague (familier) - canular - farce - mystification. 2. Caractère de tromperie, de supercherie que revêt quelque chose ...

THIERRY OKO

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