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Musique congolaise

Rumba For Ever : une opération de récupération honteuse

Je voudrais faire part ici de toute ma réprobation suite à la lecture de la vidéo intitulée « Rumba for ever » (en ligne sur YouTube), en hommage à la rumba congolaise pour son inscription par l’UNESCO au patrimoine mondial immatériel de l’humanité.

Dans la forme que cette chanson soit exécutée par les fossoyeurs de la rumba relève de la pire contradiction qui soit, si ce n’est de l’imposture. Mais je m’appesantirai surtout sur le fond.

La mixité ou la salsa

N’en déplaise à nos frères de la rive gauche du majestueux fleuve Congo qui, par ce geste et le discours tenu viennent ostensiblement d’entamer une opération de récupération, la rumba congolaise est en réalité l’aboutissement d’une rencontre d’artistes d’horizons divers réunis par la volonté commune de création d’une expression musicale.

Ainsi la rumba congolaise est :
 ghanéenne par les crewmen, marins d’équipage de bateaux qui introduisirent et apprirent la guitare aux autochtones.
 Grecque, par ses premiers producteurs et éditeurs de musique. Pourquoi pas ?
 Belge. Ce sont des Belges qui encadrèrent les tout premiers musiciens congolais, comblant les postes non pourvus par les autochtones : contrebasse, clavier
clavier solovox, saxophone, voire guitare. Des noms ? Gilbert Warnant, Pilaeïs, Bill Alexandre, Maurice Evans, Fut Candrix, Charly Ivora, John Werk...

 Centrafricaine. Le premier grand guitariste et initiateur des premiers guitaristes congolais de renom a pour nom Élenga Zacharie dit Jhimmy L’hawaïenne.
 Rhodésienne. Avec Issac Musékiwa, premier saxophoniste africain qui (avec Fud Candrix) a fait école dans la musique congolaise.
 Angolaise. Manuel D’Oliveira, Freitas, George Édouard, le groupe San Salvador.
 Congolaise rive droite. La contribution des Congolais de la rive droite du Pool-Malébo fut autant décisive que celle de leurs hôtes dans la phase protohistorique de la rumba congolaise. Paul Kamba, légendaire père de la musique congolaise des deux rives du fleuce Congo confondues. Guy-Léon Fylla, artiste multidisciplinaire qui fut un conservatoire à lui tout seul en accueillant divers artistes en quête de savoir instrumental, Antoine Moundanda et Maurice Mitolo dit Depéwé, précurseurs de la musique tradimoderne avec leurs « likembé », sanza ou "piano à pouces". Sans oublier l’arrivée du Négro-Jazz avec Essous, Édo, Nino Malapet, Saturnin Pandy, Joseph Kaba, le CDJ (Club De la Jeunesse) de Marie-Isidore Diaboua avec Célestin Kouka, Li Berlin de Soriba Diop, La Monta, qui avaient investi les maisons d’éditions et apporté avec eux les tambours. La musique à Léopoldville était constituée essentiellement de musiciens de studio jusqu’à l’avènement de l’African-Jazz de Joseph Kabasellé en 1954. Et c’est grâce à l’arrivée les Brazzavillois aux éditions Loningisa qu’avec leur expérience orchestral, que verra le jour en 1956 le deuxième orchestre, l’Ok-Jazz, dont Jean-Serge Essous deviendra le premier chef d’orchestre. La vérité est qu’il en est le fondateur. Longtemps à Léopoldville l’Ok-Jazz était appelé l’orchestre des "Mon français", terme péjoratif par lequel était désignés au Congo-belge les ressortissants du Moyen-Congo sous colonisation française.

 Camerounaise. Et Marcelle Ébibi, épouse Guy-Léon Fylla dans les années 50 ?
Ma liste n’est certainement pas exhaustive mais elle prouve à quel point le qualificatif "congolaise" attribué à la rumba ne réflète aucunement sa réalité génitale. La musique congolaise est une salsa à laquelle des artistes d’horizons divers furent impliqués.

Une contrevérité affichée

Que diable Souzy Kaséya, grand nom de notre guitare, soliste respectable et respecté, est-il allé faire dans cette galère ? Entendre affirmer avec aplomb de la bouche du chanteur Ferré Gola qu’il chante démontre à suffisance combien les prétendues stars de notre musique en ignorent royalement la genèse. Ce ne sont que des opportunistes. La Table Ronde d3 Bruxelles c’était en 1960. Pour lui, les débuts de la rumba congolaise date de 1960 ! Ou il est inculte, ou il ne sait pas ce qu’il chante.

Audifax BEMBA

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