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Tout ce sang !

Stade d’Ornano : morts pour l’amour de l’uniforme

Piétinées, étouffées, asphyxiées, compressées, près de soixante personnes (femmes et hommes) sont mortes à la suite d’un important mouvement de foule suivi de bousculades au stade d’Ornano (Brazzaville) où l’Etat-Major de l’armée les avait appelées à se faire recruter, de nuit, comme si c’était une messe noire et comme si le métier des armes était la seule alternative que Sassou pouvait leur offrir après sa seconde arrivée au Pouvoir par coup d’Etat en 1997. Du jamais vu.

« Tout ce sang ! » crie le personnage de Hitchcock dans « Psychose. » Tous ces morts ! Ô mon Dieu ! Le Congo est en émoi.

Larmes de crocodile ruisselant les joues, Thierry Moungala, dans son rôle affectionné d’oiseau de mauvais augure, a pourtant minimisé le nombre de victimes : 36 morts, chiffres officiels alors que même pour un seul mort le ministre de la Défense aurait été mis sous les verrous dès le lendemain du drame. Ici, non. Tout le gouvernement demeure droit dans ses bottes.
En réalité ce n’est pas trente-six, c’est plus de cents morts qui ont été déposés dans les morgues.

Déclenché par le plaisir de porter le treillis, ce drame irrationnel s’est terminé, pour plus d’une centaine de jeunes entre 18 et 25 ans aux soins intensifs dans les rares hôpitaux de la capitale. Mais hélas pour d’autres ça s’est terminé de façon plus radicale : dans l’au-delà.

« Devant moi... »

La scène funèbre, dans la nuit du 20 au 21 novembre 2023, au reposoir du CHU de Brazzaville, est insoutenable :

« C’est mon ami. Il était juste devant moi. C’est pas vrai, il ne peut pas être mort ! » hurle, pétrifié, un jeune (25 ans environ), sur la dépouille de son ami étalée à même le sol.
« Quelques minutes avant sa mort, il était encore en vie » aurait dit Voltaire sur le comte de La Palice. « Il était juste devant moi. Réveille-toi ! » gémit l’ami ; comme Jésus sur la dépouille de Lazare. Mais ici, le miracle de la résurrection ne s’est pas produit.

« A l’image des dormeurs du val de Rimbaud, les corps gisent sur les civières. Sauf que le dormeur d’Arthur Rimbaud était un soldat, tandis que ceux de D’Ornano voulaient êtres des soldats » lit-on sur la toile au lendemain de l’hécatombe.

« Ne pouvait-on pas procéder par internet, à l’heure du numérique ?  » disent ceux qui suspectent une mauvaise foi des autorités qui en vérité ne comptaient « recruter personne à Brazzaville ; les recrutements se faisant à Oyo, capitale du tribalisme décomplexé de Sassou. »

C’est quoi un militaire congolais ?
Les forces de l’ordre au Congo passent leur temps à racketter et mendier quand il ne s’agit pas de se faire corrompre et se livrer à des tracasseries sur la population.
Il faut réellement vivre un « désespoir de cause » pour chercher à tout prix à se faire recruter militaire. Il existe un « malaise dans la civilisation » au Congo pétrolier des Nguesso et, ce malaise conduit vers tous ces choix irrationnels comme celui de faire carrière dans un corps de métier qui tient plus de la milice que de l’armée.

Où est cette conscience politique qui habitait des lanceurs d’alerte comme Joan Baez écrivant , en compagnie de Bob Dylan, une lettre antimilitariste à « Monsieur le Président » dans une Amérique conservatrice ? En cherchera en vain l’esprit d’un Cassius Clay alias Muhammad Ali qui prit le risque de perdre son titre de champion du monde en refusant d’aller faire la guerre au Viêt-Nam ? « Les Vietnamiens ne m’ont rien fait. Pourquoi les tuer ? » s’insurgea le boxeur afro-américain dans les années 1965.

Bien avant, Boris Vian écrit « Le déserteur » où il refuse carrément de tenir une arme de guerre et verser le sang pour le compte du Président.

Il existe encore , Dieu merci, des Youss Banda, qui ne comprennent pas qu’un Ninja tue un Mbochi et un Cobra un Lari. Oui, des antimilitaristes congolais, on en trouve !

Jeunes, voulez-vous tuer pour le compte de Sassou ? Youss Banda dit carrément « NON ».

Enfin, il y a lieu de discuter du lieu où l’armée du général Sassou comptait recruter les futurs militaires.

Syndrome d’Hillsborough (1)

Datant de l’époque coloniale, l’établissement recevant du public (ERP Ornano) a une capacité d’accueil d’à peu près 1000 personnes. Selon les critères ERP, d’Ornano n’est pas un lieu habilité à recevoir du monde, encore moins la nuit.

Ce lundi 20 novembre, la perspective du recrutement y a drainé plus de 20.000 personnes. « Les files partaient de l’hôpital général et les candidats au métier d’armes en tête de file avaient le nez collé aux grilles d’entrée. » témoigne un rescapé. Un piège à rat. Les malheureux ont été victime du syndrome de Hillsborough (du nom de la bousculade qui fit 90 morts en Angleterre en 1989).

Prise comme dans une souricière, la foule compactée en file indienne a subi comme un accordéon la pression des serre-files situés au niveau de l’Hôpital Général. La pression étant très forte, l’accordéon s’est détendu à l’ouverture des portes de d’Ornano pendant que gendarmes et policiers, ceinturons et matraques à la main, cognent avec hargne sur la foule que le Haut Commandement avait lui-même conseillée de venir faire la queue de nuit. Tout ça est sinistre et macabre. Vous parlez d’un traquenard !

« Complot fétichiste à l’approche des fêtes de fin d’année  » accuse le public.

D’Ornano a constitué l’appât de l’appétits vorace de nos faux francs-maçons connus pour manier des rites syncrétiques ndzobi.

Anthropologie de la magie noire

Brazza by Night. Sans attendre, les langues d’aspic ont associé la catastrophe humanitaire de D’Ornano à un deal maçonnique et, le parallèle a été vite fait entre les suppliciés de l’Eglise St-Pierre Claver de Bacongo piégés à l’époque de Lissouba par un prêtre exorciste, Isidore Malonga, et ceux de D’Ornnano tombés dans un guet-apens de Sassou.

« A l’approche de la St-Sylvestre les loges réclament du sang humain  » murmure l’opinion.

Les « Chevaliers de St-Georges  » ( les francs-maçons ) ont bon dos. Comble de malheur, on accuse les « Enfants de la Veuve » (autre nom des maçons..) d’avoir sacrifié les jeunes, orphelins des milliards que Sassou avait soi-disant épargnés pour les générations futures et qu’il a malicieusement finis par bouffer. Le goujat ! Enfants de la veuve d’un côté, Orphelins de la Nouvelle espérance de l’autre : morbide équation.

« Il eut fallu que cette jeunesse fit la queue devant le Mausolée Pierre Savorgnan de Brazza au lieu du stade d’Ornano. Elle aurait eu la vie sauve et trouvé du boulot  » ragent les internautes.

C’est que :
Selon une tribune de Mgr Bienvenu Manamika Bafwakouaou, l’appartenance maçonnique est devenue la condition sine qua non pour obtenir un emploi au Congo (Congo Liberty 21 nov 2023).

Vous noterez que Sassou ne s’est pas déplacé au chevet des victimes mais a filé à Malabo. Il s’est dit : Bafwakouaou ? (Kolélas disait « Ba wonda kouaou »)

« Ce qui est important aux yeux de Sassou, c’est l’avenir de Mbochi » maugréent les réseaux sociaux.

Tsambi-Tso

« Les recrutements zéro mort ont lieu régulièrement à Tsanbi-Tso, sans bousculade, sans coup férir, en bonne et due forme. Rien que des Mbochi et apparentés ou même des Rwandais. »
En vue d’une réserve ministérielle ? Tsambi-tso, Aubeville de Sassou ? C’est un secret de polichinelle.

L’hypothèse qu’un chantage à l’emploi au Congo s’exercerait au Congo n’est pas alors fausse. « Tu dois galérer ou adhérer » est la seule alternative offerte à la jeunesse locale en proie à un chômage endémique, chronique et structurel. Ce pays vit à l’époque médiévale où la magie agissait comme « infrastructure et superstructure » pourrait dire l’anthropologue Maurice Godelier.

Chômer ou entrer en maçonnerie : Rosemonde Gildas Moutsara Gambou, ne se l’est pas fait dire deux fois.

L’ancienne influenceuse a adhéré à la loge, par identification au chef, Denis Sassou-Nguesso, Grand Maître comme Joseph Balsamo dit Cagiostro, comme le Comte de St-Germain ou comme Raspoutine. Depuis la loi de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, la maçonnerie est devenue religion d’Etat. N’en déplaise à Mgr Bafouakouaou, président de l’Episcopat congolais ceux qui ont coutume de conclure leurs propos par la formule « J’ai dit » ont le dernier mot sur le marché de l’emploi.

L’armée tue

L’anthropologie ne peut pas ne pas faire des corrélations entre les sacrifices de D’Ornano et ceux de la Basilique St-Pierre .

Mourir au moment où, jeune chômeur, on avait rendez-vous avec son destin, est le comble du « Chemin d’avenir ». On croyait emprunter la « colline des plaisirs », on a fini par aller recevoir le baiser de la mort. Mourir parce qu’on rêvait de devenir militaire, de « servir sous le drapeau », c’est le summum de la vocation, sauf que l’armée n’a jamais représenté un indice de développement. Au contraire, a démontré Louis Althusser dans l’esprit des Pouvoirs, tous sans exception, à propos des militaires, policiers gendarmes, douaniers, milices... on a affaire à un appareil de répression au service de la sécurité de l’Etat, garantissant sa sûreté. Le philosophe Althusser fait état d’Appareil de Répression d’Etat (ARE) ad vidame aeternam.
Conclusion : l’armée est le refuge du pauvre dont le métier est de mater le pauvre.

Du reste, la vocation soudaine du treillis qui a gagné la jeunesse congolaise est paradoxale dans un pays où l’armée passe pour avoir fait des coupes sombres dans la population durant les conflits successifs qu’ait jamais connus notre pays depuis 1960. L’armée congolaise tue. Elle ne tue pas l’ennemi à ses frontières. Elle zigouille les enfants... des autres. Sur les réseaux sociaux, on a stigmatisé l’injustice que : « A D’Ornano on n’a pas déploré parmi les suppliciés des enfants d’oligarques » .

En revanche, les rejetons de la nomenklatura profitent du catimini des recrutements à la SNPC, « dans les règles de l’art népotiste ».

« Quand il s’agit de l’industrie pétrolière, la jeunesse est positionnée tiers-exclu »

La classe politique est l’eldorado du tribalisme à fond la caisse. Chasse gardée de la tribu-classe d’Oyo, pré-carré de la cupidité pécétisante, le champ politique est le cimetière de Sassou, agnats et cognats. Ce serait une erreur sociologique de repérer dans la cohorte nocturne de D’Ornano un seul individu de la jeunesse dorée ayant des racines ontologiques au bord de l’Alima.

Cette nuit du 21 novembre 2023, le lumpenprolétariat n’a eu qu’ une alternative : le chômage ou D’Ornano ! Malgré le peu de chances d’être recrutés, les chômeurs diplômés se sont dit : « Allons seulement »

Avaient-ils seulement le choix ? L’ Avenir des Mbochi ne concerne hélas pas tout le monde (à peu près un Congolais sur dix).

Hasard ou nécessité, D’Ornano est situé en face du collège Nganga Edouard, où la ministre Destinée Doukaga ( de triste mémoire) déclencha une hystérie collective chez les élèves pour des obscures raisons ésotériques. Déjà.

Qui était Jean Colonna D’Ornano

Pendant la seconde guerre mondiale, le lieutenant Colonna D’Ornano se trouve à Brazzaville quand le gouverneur Félix Eboué se rallie à La France Libre De Gaulle. Jean Colonna D’Ornano descend d’une vieille famille corse. (Les généalogistes devront vérifier si des liens existent avec Yvan Colonna, présumé assassin du préfet Erignac. NDLR) Le colonel meurt à Mourzouq, une oasis et une ville située au sud-ouest de la Libye. Son corps au cours d’une attaque de l’ennemi italien est littéralement coupé en deux quand les Italiens mitraillent leur convoi. Il a 45 ans. Le colonel Jean Colonna d’Ornano était bien vu du général Edouard Leclerc et du général de Gaulle pendant la campagne d’Afrique. Il fut à la tête des Tirailleurs Sénégalais recrutés par de Gaulle à Brazzaville, capitale de La France Libre.

Dorénavant, le nom du colonel Jean Colonna d’Ornano résonnera comme une épitaphe dans la mémoire collective des Congolais, comme celui de Mvougounti dans l’imaginaire du CFCO ou celui de St-Pierre Claver dans les représentation magiques des chrétiens sous Bernard Kolélas.

Le colonel Colonna d’Ornano est une prémonition. Son corps fut brisé par une rafale italienne tirée à bout portant. Le fantôme du Corse s’est réveillé dans la nuit noire de ce mois de novembre brazzavillois, mois des morts dans le calendrier grégorien, mois où les pluies diluviennes lancent un défi à l’écologiste en chef, Denis Sassou-Nguesso.

Il s’inquiète du réchauffement de la planète alors qu’il fait une impasse sur le réchauffement du climat des affaires dans son malheureux pays tenu de main de fer par un Haut Commandement militaire totalement recruté dans la tribu-classe Mbochi.

Nolens Volens, l’idée de recruter des futurs soldats, de nuit, est une « conspiration maçonnique, ça c’est sûr » plaide le Congolais Lambda habité par une ambivalence des sentiments à l’égard de la vague des sciences ésotériques (en vogue dans son ciel idéologique)

Que le Haut Commandement mbochi ait décidé de donner rendez-vous nocturne en face de Nganga Edouard où Destinée fit des démonstrations de magie populaire, il s’agit d’un remake des Brazzavilles Noires de Georges Balandier : « une façon macabre et sinistre de réécrire les Brazzaville Noires de Georges Balandier. » Balandier écrit aussi « L’Afrique ambiguë  » où disait Côme Manckasa « le sacré et le profane sont intimement liés. »
Le recrutement de D’ornano est ambigu parce que la vie et la mort y ont été intimement liées.
« Surtout ne parlez pas de sacrifices humains, ni de Sassou, c’est juste une tragédie » ont décrété sur les réseaux sociaux les inconditionnels de l’oyocratie.

Le général Ndenguet s’est muré dans un noir silence et son journal Le Troubadour a été d’un laconisme désespérant sur le traitement de la tragédie. Le procureur André Oko Ngakala est resté sans voix, disant qu’il ne dirait rien tant que l’enquête suivra son cour. Pléonaste, Oko a montré sa faiblesse cognitive : « c’est un drame » a-t-il expliqué à la presse qui voulait en savoir davantage.
De toute manière la télévision d’Etat du Congo a observé un silence de cathédrale dans la journée du 21 novembre alors que l’Etat décrète dans le même temps un deuil national. Vous voyez l’incohérence !

Après avoir chaussé le masque de la veuve joyeuse, Inès Ingani, a reporté ses noces nuptiales sine die . Ministre de longue date, qui plus est des Affaires sociales, elle n’est pas étrangère à la pauvreté qui pousse ses compatriotes à allez prendre rendez-vous avec la mort à D’Ornano, transformé en champ de bataille contre le chômage par un Etat qui ne manque pas de cynisme. Plutôt qu’annuler son mariage, elle aurait dû, la Pompadour de la République, remettre sa démission. Elle se bat dit-on pour les droits de la femme. Jessica Miéré (24 ans) , jeune étudiante, licenciée en Droit, était allée faire le pied de grue à D’Ornano. Elle figure parmi les morts.

Il n’y a pas pire procureur que l’Histoire. Ils ont décrété un deuil national. C’est au contraire leur pouvoir qu’ils auraient dû mettre en berne. On aime ou on n’aime pas l’Etat d’Israël. Comme le Pasteur dont parle Jésus, abandonnant son troupeau pour récupérer une seule, brebis, l’Etat Hébreu est capable d’aller chercher en Enfer, un seul Juif des mains de Lucifer. Au Congo, cent brebis sont sacrifiées sur l’autel de l’incompétence, Sassou ne propose comme lot de consolation que la fermeture des dancings.

Après les obsèques nationales, se dérouleront les funérailles d’une République que les populations appellent de tous leurs vœux depuis les syndromes nigériens, maliens, gabonais.

A bas l’armée

Rien à cirer avec des individus qui, sur le champ de bataille de l’émergence, n’offrent aux jeunes que le service militaire et le métier d’armes en guise de perspectives d’avenir.
Vous vous en doutez, bien sûr : notre meilleur projet de société quand la République sera restaurée c’est d’abolir l’armée. J’ai dit.

(1 ) La catastrophe (Hillsborough disaster en anglais) désigne la bousculade ayant entraînée la mort de 97 personnes survenue le 15 avril 1989 dans le stade d’Hillsborough à Sheffield, dans le nord-ouest de l’Angleterre, au moment où commençait un match de football entre Liverpool FC et Nottingham Forest.

On a vécu un phénomène identique en Belgique. Le drame du Heysel, survenu le 29 mai 1985 au Stade du Heysel de Bruxelles (Belgique), désigne une bagarre généralisée et un mouvement de foule ayant entrainé la mort de 39 personnes ainsi que 465 blessés.

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