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14 ème journée : Disparus du beach, le président du tribunal veut vite en finir.

Un juge expéditif

L’omerta continue d’être scrupuleusement respectée dans un procès bâclé que son président a hâte de boucler. Certains témoins de la défense sont partagés entre l’idée de dire la vérité, l’âpre vérité, et celle de sauver des amis politiques logés dans le prétoire dans une posture de plus en plus inconfortable tant les témoignages deviennent précis et limpides. C’est le cas du colonel à la retraite Valence Ossété Niamba, Michel Mampouya, Ndala Graille.

Acte 14. Brazzaville. Cour criminelle. Le 5 août 2005

Commencée à 15h40, cette tranche de la saga de l’affaire des disparus du Beach a consisté en l’audition des témoins du ministère public, des parties civiles des accusés.

Le ministère public avait cité dix témoins, dont certains étaient déjà auditionnés lors des confrontations. Le procureur général, Armand Mbémba, a insisté sur l’audition de certains d’entre eux en argumentant que c’était opportun pour éclairer la cour. De ce lot, les plus connus du public étaient Claude Ernest Ndala, Michel Mampouya, Alfred Léon Opimba et Valence Ossété.

La partie civile, quant à elle, avait proposé trois témoins. Les avocats de la défense ont voulu présenter sept témoins, dont le colonel Dimi.

Responsable de la gendarmerie au moment des faits et actuellement en retraite, après le serment d’usage, M. Valence Ossété Niamba a affirmé qu’en réalité il ne connaissait rien de particulier sur l’affaire des disparus du Beach. Au moment du retour des réfugiés au Congo, les troupes répondant de son autorité étaient consignées à l’aéroport de Maya Maya. C’était le 8 mai 1999 qu’il a été informé de la présence de cent vingt cinq hommes que des gens non identifiés auraient conduist, la veille, au commandement de la gendarmerie à Bacongo. Ces hommes, dont l’âge variait entre 30 et 40 ans, étaient des réfugiés congolais qui avaient fui les hostilités dont Brazzaville avait été le théâtre entre 1998 et 1999. Gardés et entretenus dans le soubassement des locaux de la gendarmerie, ce contingent de rapatriés avait été libéré par M. Ossété Niamba le 9 mai, pour des raisons professionnelles et d’éthique. Toujours aux dires du colonel, ce n’est que quelques jours plus tard qu’il avait remarqué la visite régulière à la gendarmerie des parents à la recherche de leurs enfants disparus au Beach. Du nombre, il y avait aussi M. Ntouanga, dont l’enfant disparu était gendarme.

M. Léon Alfred Opimba, en 1999, était le ministre de la santé, de la solidarité et d’actions humanitaires. Cosignataire le 10 avril de cette année de l’accord tripartite entre le Congo, le R.D. Congo et le HCR établi pour le rapatriement des réfugiés, ce médecin avait lancé officiellement l’opération de rapatriements des réfugiés le 24 avril au Beach. La seconde et dernière fois qu’il s’y était encore rendu en ces lieux était le 14 mai. Il a certifié avoir reçu une lettre du HCR datée du 21 mai dans laquelle il était fait mention des dérapages constatés des éléments de la force publique sur les personnes en provenance des Kinshasa et qui l’obligeait à établir un rapport sur ces faits. Document écrit qu’il n’avait jamais fait.

A l’audition des témoins, il était établi que les réfugiés, en R.D. Congo, devaient remplir des fiches de bonne foi que leurs compatriotes du département de la santé leur remettaient. M. Opimba a nié l’activité de ses agents au Beach Ngombila de Kinshasa. Sur cette dénégation, Me Nkouka a édifié le prétoire quand il a conclu que ces pseudo agents humanitaires congolais n’étaient autre que des sbires des services de renseignements militaires, dirigés au moment des faits par M. Marcel Ntsourou.

A l’annonce de son nom, le prétoire s’était animé. En costume bleu sombre et arborant des lunettes à écailles, Claude Ernest Ndala, d’entrée de jeu avait polémiqué en s’attardant sur une nuance dans ces propos. Fidèle à son habitude, il a dit qu’il n’était pas venu témoigner pour dédouaner des amis qu’il comptait parmi les accusés, mais qu’il était venu dire la vérité à l’issue de laquelle ses amis seraient peut-être dédouanés.

Il a affirmé qu’il n’avait jamais été au Beach et qu’il était surpris d’être cité comme témoin dans cette affaire. Il n’a été tenu au courant des disparitions du Beach que quand, en octobre 1999, il avait reçu une délégation des parents des disparus qui lui avait fait part de l’absence de cent quatre vingt dix neuf personnes qui rentraient de Kinshasa, officiellement par voie fluviale. A la suite de cette dénonciation et en possession de la liste de ces disparus, il avait saisi par écrit le président de la République, M. Sassou Nguesso, afin que celui-ci reçoive ces familles en détresse. Quant à la plaisanterie de savoir s’il ne passerait plus à la barre, il a répondu que personne ne connaissait le futur. En cette occasion, ce journaliste à la retraite et conseiller politique à la présidence de la République n’est resté devant les juges que pendant 5 petites minutes.

Beau-frère de l’accusé Guy Pierre Garcia et comptant une belle-famille dans les parties civiles, ministre des mines et de l’environnement au moment des faits et actuellement deuxième vice-président au conseil économique et social, M. Michel Mampouya n’a déposé qu’a titre de simples renseignements. Il s’était intéressé aux disparitions du Beach que lors qu’on lui avait appris, entre le 5 et le 8 mai, la disparition de son beau-frère. A son initiative, son garde du corps avait entrepris des recherches. Celles-ci s’étaient révélées vaines, dans les différents commissariats et postes de police de la place. Il en avait tout même informé le patron de la gendarmerie. Quelques jours plus tard, il avait été contacté par une famille, dont il n’a plus la mémoire du nom, afin qu’il use de ses relations pour retrouver un de ses membres enlevés au Beach. Hélas a t-il affirmé, là non plus il n’y a pas eu gain de cause.

Les témoins des parties civiles, MM. Didier Fouki, Aubin Milandou et bien d’autres encore n’avaient pu être entendus car ils s’étaient déjà constitués parties civiles. Ce constat fait par les avocats de la défense a été approuvé par le président de la cour en qualifiant cette démarche de surabondance de l’information.

Le témoignage de M. Gomez de Makanda, actuel maire de Bacongo et parrain de l’accusé Jean François Ndénguet a été jugé inopportun par la cour. Cet administrateur tenait à porter un démenti sur les propos tenus par son frère, M. Bouékassa, partie civile, qui aurait perdu deux enfants dans les geôles de la garde républicaine.

Mme Nkenzo Georgette a affirmé avoir été maintenue prisonnière contre son gré en R.D. Congo par le HCR pendant plus de 7 ans. En échange de se constituer disparus du Beach, cet organisme international aurait proposé à elle, son mari et leurs quatre enfants un exil au Canada. Quant à la question de savoir le nom de membre du HCR qui l’aurait fait cette suggestion, elle n’a pu le fournir.

Le colonel Dimi qui s’occupait de la gestion migratoire au moment ces faits a tenu à repréciser le rôle de Jean Eve Alakoua, accusé et commissaire spécial de police du Beach au moment des faits. M. Dominique Ntsiba, troisième personnalité des renseignements militaires en 1999, a été écouté au sujet des renseignements sur l’identification du corps du lieutenant Maboundou Mayima, retrouvé à la direction centrale des renseignements militaires (DCRM) trois jours après sa rentrée de Kinshasa.

Après ces témoignages, la cour est saisie de la conclusion des avocats des parties civiles pour le transport sur les lieux des crimes, à savoir le Beach de Brazzaville, les locaux de la DCRM et le site dit Marie Bouanga, au bord du fleuve Congo. Cette proposition est rejetée par la défense, notamment par les Mes Vercini, Mabiala, Dossou, Péna Pitra et Pétro. Ils sont soutenus par le procureur général, Armand Mbémba qui remarque que cette conclusion n’était pas motivée et qu’aucune discussion n’a jamais au préalable été faite sur ces sites.

Après une délibération qui a duré 85minutes, la cour s’est penchée sur les véracités des arguments de la défense et du parquet, et a rejeté cette conclusion. Elle a appelé à l’ouverture des plaidoiries ce samedi 6 mai 2005 à 10h00.

L’audience a été suspendue à 21h45min.

Keila Samuel,
Brazzaville, ce 6 août 2005.

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