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20éme édition de la Foire Internationale de Pointe-Noire : Un rendez-vous manqué ?

« ... J’invite les opérateurs économiques à nous rejoindre à fin que les importations et les exportations croissantes dans les secteurs toujours plus variés contribuent au développement économique, à l’essor de l’emploi, et à la réduction de la pauvreté dans notre pays. » C’est en ces termes que Madame Adelaïde Moundelé Ngolo, ministre du commerce, de la consommation et des approvisionnements a conclu son discours programme, le Vendredi 4 Août, à l’ouverture de la 20éme édition de la foire internationale de Pointe-Noire, sous le signe de : « La promotion des exportations congolaises face aux enjeux et défis pour l’arrimage du Congo à la mondialisation », lucarne de l’industrie congolaise à la sphère économique mondiale. A cet effet, Madame la ministre a exhorté les opérateurs économiques de profiter des accords que le Congo s’emploie à signer ça et là : OMC, AGOA, NEPAD, CEMAC, CEEAC, par le biais du Centre d’Information et de Gestion des Opportunités d’Affaires (CIGOA).

La fête foraine devrait être l’aboutissement d’un processus d’industrialisation qui aurait des impacts dans les échanges commerciaux. Cependant, la fragilité du tissu industriel n’est pas un vecteur de l’arrimage du Congo à la mondialisation. Hors mis le pétrole qui représente 80% des exportations, cumulativement fournies par : Total, Eni-Congo, Zetha et Congorep, et le bois par : Trabec, Taman, Man Faï Taï, CIB, CIB-Pokola. Tous absents de la manifestation.

Mme Adélaïde Moundélé Ngolo

L’enthousiasme de Madame la ministre à évoquer les exportations et importations croissantes dans les secteurs toujours plus variés, devant un parterre des officiels et des opérateurs économiques ferait rire une pierre tombale, quand on sait que le secteur industriel au Congo est réduit à une peau de chagrin.

En dépit d’un potentiel énergétique très varié ( hydroélectrique, gazier, solaire, éolien ), le Congo couvre à peine 5% de ses besoins énergétiques. Le projet magnésium susceptible de tonifier les exportations et massifier le plein emploi de la main d’œuvre est arrêté faute du courant nécessaire.

Comme nous le savons, "les promesses n’engagent que ceux qui y croient", au cours des "Journées minières de Brazzaville", tenues du 9 au 11 Mars 1989, les délégués avaient formulé une série de recommandations tout en suggérant des actions pour chacune des ressources considérées : Or, sable titanifères, poly métaux, fertilisants, minéraux industriels, fer, nickel sulfureux et platinoïdes, diamant [1], hélas, nos dirigeants n’ont rien développé du secteur minier se contentant du pétrole très largement exploité par les étrangers.

Le secteur agro-industriel n’est plus guère représenté que par le sucre (SARIS), le tabac (SEITA), la farine (MINOCO), et l’eau minérale : PLASCO (Mayo), RAGEC (Cristal) et OKIESSI (Okiéssi). Pourtant le pays bénéficie des conditions agro pastorales favorables.

Un préalable à la promotion des exportations congolaises : La maîtrise du marché intérieur.

Balance commerciale

L’échec du développement économique est masqué par la production croissante de l’or noir passée de 92.568 millions de barils en 2005, à un peu plus de 100 millions de barils en 2006. Profitant de la hausse constante du prix de baril, depuis 5 ans, le chef de l’Etat, Denis Sassou Nguesso, dans son "Point sur l’Etat de la Nation", a eu beau jeu d’annoncer au peuple congolais une embellie de l’économie congolaise par le retour de la croissance 4 à 4,5%, la crédibilité recouvrée près des institutions financières internationales, le bon déroulement du programme Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), par l’accès du Congo au point de décision. Pourtant, la diversification de l’économie, facteur de diversification des exportations est le pavé dans la marre, de la politique gouvernementale d’industrialisation. Peut-on lutter efficacement contre la pauvreté sans passer par l’impulsion du tissu industriel et la création d’emplois ?

Force est de constater que de la productivité à la distribution des produits congolais, l’Etat est démissionnaire. Le mot d’ordre « consommer congolais » n’est pas appuyé par les mesures d’accompagnement. Tous les greniers du pays sont enclavés pour causes de manque d’infrastructures :
  Les routes, les voies ferrées, les voies navigables, les voies maritimes, et les voies aériennes, ne desservent pas ou très mal les centres de consommation ;
  L’eau et l’électricité, les moyens de conservation ;
  Les aides et les subventions n’arrivent pas à destination ;
  Les abus d’autorité et la corruption ;
  Les mesures propres à promouvoir la commercialisation des produits congolais, sont imperceptibles. Face à ces goulots d’étranglement les défis sont titanesques.

La foire internationale de Pointe-Noire :

"La promotion des exportations congolaises face aux enjeux et défi pour l’arrimage du Congo à la mondialisation.", est une extravagance de madame Adelaïde Moundélé Ngolo, ministre du commerce, de la consommation et des approvisionnements au regard de :
  L’étroitesse du marché national, dont la demande est limitée en quantités ;
  Le manque de compétitivité des produits congolais par rapport aux standards internationaux (coûts des facteurs de production, normes de qualité, moyens de conservations et emballages) ;
  La production nationale destinée à l’autoconsommation ;

Compte tenu de la faiblesse de cette industrie, la Chambre de Commerce de Pointe-Noire, en partenariat avec la chambre de commerce internationale, à initié depuis 2004, une mission d’évaluation en besoin à l’assistance technique liée au commerce, qui a donné lieu à la mise en place d’un cadre d’intervention du CCI, par le programme d’appui opérationnel et institutionnel des exportations non traditionnelles (hormis pétrole et bois).

Deux cent cinquante exposants annoncés, sous un thème

Allée des graillons

pompeux, à la 20éme édition de la foire internationale de Pointe-Noire parmi lesquels nombre vend, dans une infernale cacophonie de sonos hurlantes, de la bière, des brochettes, des spaghettis, des poissons braisés, c’est le secteur "boustifaille et soulographie".

Cacofoirie

Mais soyons sérieux on trouve aussi :
  Les téléphones mobiles, représentés par CELTEL, MTN, VODACOM, et les petits détaillants ;
  Les différentes radios et télévisions pour le secteur de l’information ;
  Les boutiques (vêtements, chaussures, cahiers et fournitures scolaires,...), pour le secteur de l’approvisionnement.

Les absents de marque : les sociétés pétrolières, le secteur ligneux, ceux-là savent bien qu’ils n’ont rien à gagner à s’exposer ici. Seuls MINOCO (farine), PLASCO (eau Mayo) et DOUMA (boissons alcoolisées) représentent l’industrie congolaise.

On ne peut donc s’étonner de la performance économique du Congo et son positionnement parmi les économies de la sous région et du monde par l’expression des tableaux des échanges inter Etats.

En constante évolution vers un n’importe quoi, la Foire Internationale de Pointe-Noire est une supercherie qui ne sert absolument à rien. Foire, certes, internationale, si l’on veut grâce à quelques vendeurs de pacotille asiatiques. Ce qui confère à une foire un caractère international, plus que la nature des exposants, c’est celle de ses visiteurs. Quels seront les opérateurs économiques qui vont venir y conclure des marchés d’exportation ? Que vont ils penser de l’organisation "foutoir" qu’ils y trouveront ?

Arrimage du Congo à la mondialisation ? Quel rôle le pays peut-il jouer ? Hors pétrole et bois, il vend quelques malheureux milliers de tonnes de sucre (7 500 environ) aux Etats Unis qui n’en ont nul besoin, alors que le pays lui même est en pénurie et qu’il doit laisser passer du sucre de contrebande depuis la RDC pour satisfaire à ses besoins. Adélaïde Moundélé Ngolo veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes et nous montrer l’excellence où nous sommes pire que médiocres. Encore un héritage du mono sans nul doute. La ministre devrait se méfier, aujourd’hui la presse n’est plus dotée d’œillères et elle ose dire aux congolais des vérités qui hier encore lui auraient valu le pilori.

P.A. Coussou & P.M. Nguimbi

Que dire des autres ministres présents ? [2]
  Pierre Michel Nguimbi, Ministre de l’Enseignement Technique et Professionnel, jusque là il n’a guère réussi la modernisation de l’équipement du secteur qui est le sien, les jeunes étudient toujours sur des machines antédiluviennes. Il vient, dit-on de signer un accord de modernisation avec la Chine, attendons pour voir.
  Parfait Aimé Coussou, Ministre de l’Artisanat, sans doute un des membres du cabinet qui a le plus à faire, tant le secteur est porteur et les artisans importants dans le paysage économique congolais, si les moyens mis à sa disposition étaient suffisants. Nous aimerions savoir ce qu’il a fait pour que ceux qu’il est sensé protéger et soutenir puissent mettre en valeur leur production dans le cadre de ce simulacre de foire.

Il serait temps pour les responsables de prendre leurs responsabilités et de dire au peuple la vérité, si eux ne le font pas, d’autres s’en chargeront. Sassou lui, au moins en est conscient, il suffit de lire son discours à la Nation dans lequel il demande aux congolais de continuer à se sacrifier. Ne sait-il pas que le congolais se sacrifie depuis toujours. Maintenant il est fatigué de se sacrifier et lui aussi voudrait profiter des énormes possibilités que lui offre son pays. Le temps est venu au partage des richesses et du bien être.

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