Le très coûteux anniversaire d’Antoinette Sassou à Saint-Tropez (1,8 million d’euros -certains disent plus) du 10 au 13 mai 2013 n’a pas fini de faire des vagues. Comme il fallait s’y attendre, la presse française (Nice-Matin, Métro, Rue 89) s’est emparée de cette scandaleuse fiesta sur la Riviera (Tiens, ce coup-ci La Lettre du Continent n’a rien vu venir). Au passage, cette fête versaillaise a déclenché les réactions racistes des lecteurs du quotidien niçois.
La bamboula congolaise a failli avoir le même impact médiatique qu’un autre évènement qui se donne en spectacle non loin de la ville de Brigitte Bardot (Le Festival de Cannes ) La différence est que sur La Croisette il s’agit de vraies personnalités du spectacle, des gens qui ne sont pas à la tête de pays où les populations vivent sans eau et sans électricité quand l’argent coule à flot dans les caisses de l’Etat. Hier mercredi 14 mai, dans Le Petit Journal le clou a été enfoncé par Canal+. Les journalistes ont effectivement souligné les paradoxes d’un pays pétrolier (3ème producteur en Afrique) où les habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, sous la présidence d’un autocrate au pouvoir depuis près de quarante ans, qui plus est, embourbé jusqu’au cou dans la ténébreuse affaire dite des Biens Mal Acquis. Canal + a ajouté que le Congo-Brazzaville est le pays où il est déconseillé de faire des affaires : trop de corruption, trop d’insécurité, trop de violence.
Alibi
On n’a donc pas compris pourquoi le très contesté régime de Brazzaville en a rajouté en venant étaler ses fastes dans un pays où le dossier des Biens Mal acquis est en pleine instruction. Et dire que, justement, c’est à cause dudit dossier (y compris celui des Disparus du Beach, certes) que la visite du ploutocrate congolais faillit être boudée par le Président français, François Hollande, au mois d’avril dernier. Vous parlez d’une bourde !
Canal+ a signalé que les fêtards ont usé de bluff. Télé-Congo (média officiel) a fourni un alibi à la Pompadour congolaise en faisant croire à ses téléspectateurs que cette dernière, à la tête de sa fondation Congo-Assistance, était allée, ce samedi 11 mai, visiter un orphelinat, démarche caritative au cours de laquelle, images à l’appui, elle caressait les joues des petits orphelins, en signe d’affection et d’humanisme. Si Mme faisait de l’humanisme chez la veuve et l’orphelin à la même date, elle ne pouvait donc pas (CQFD) être ailleurs. Ou alors elle est dotée du don d’ubiquité.
En réalité il s’agissait d’images d’archives car, on a tous vu, que la marquise de Mpila faisait la java à Ramatuelle, à un jet de caillou de La Madrague (célèbre domaine appartenant à la déjà nommée Brigitte Bardot).
Polémique
Comme on s’en doute, en dépit du subterfuge médiatique de Mpila, la nouvelle du scandaleux anniversaire s’est répandue comme une traînée de poudre à Brazzaville où (pourquoi ’en étonner), elle fait désormais polémique et, donnera logiquement lieu à des incidents parlementaires à la prochaine session de la chambre des députés, lesquels « élus » ont curieusement, de plus en plus, des velléités de frontistes ces temps-ci. Signe des temps ?
Charters
On a signalé la présence de 150 invités embarqués dans deux charters d’Air-France et de la compagnie Ecair depuis Brazzaville. Canal + a montré (en caméra plus ou moins discrète) une poignée de ces invités de marque se vantant d’avoir perçu pour la circonstance des sommes variant de 10.000 à 30.000€ selon le calibre social de chacun. C’est le prix de la figuration. On peut dire que ces invités, en caméra caché, ont manqué de présence d’esprit : ils ont été très bavard sur leur cachet.
Le mari n’était pas loin
Interrogée par les reporters de la chaîne cryptée, une employée du restaurant st-tropézien, qui, celle-là n’avait pa la langue fourchue, a clairement menacé les agents de presse du danger qu’ils encourraient s’ils continuaient de trainer leurs pattes dans les parages. Tant de toupet de cette simple employée, cela dans un pays où la presse n’est pas bâillonnée comme en Afrique, a fait dire à certains qu’Antoinette n’était pas seule sur la Côte d’Azur ce week-end : Sassou aussi était de la partie : incognito.
L’âge du capitaine
Notons au passage que si Antoinette Sassou née Tchibota a tous les défauts du monde, au moins elle n’a pas cette coquetterie congolaise de camoufler son âge. Mme la marquise a 70 balais révolus. C’est ici l’occasion de se demander qui de son mari ou d’elle est le plus vieux. Ce détail a son importance puisqu’il entre en ligne de compte dans le projet caressé par Sassou de modifier la Constitution pour contourner l’écueil de l’âge qui le guette à l’orée des prochaines présidentielles en 2016. Claude Ernest Ndalla Graille, qui n’a pas la langue dans sa poche, dans un colloque au Mausolée de Brazza organisé au mois de mars par le Département de philosophie (en hommage à l’homme Sassou), dit que l’homme d’Edou était « né vers 1943 ». Le détail fit rire l’auditoire. Non seulement l’homme n’est pas né de la dernière pluie, le substantif « né vers » est généralement la marque d’un état civil caduc Dans ce cas, en général, l’âge véritable est à authentifier « a maxima ». Passons.
Provocation ou spleen ?
Mais que diable (pour reprendre Molière) sont-ils allés faire dans cette galère st-tropézienne ! Le pouvoir congolais n’aura de cesse d’étonner par sa naïve stupidité. Même si le gendarme de St-Tropez n’est qu’une fiction, comment peut-on être aussi suicidaire en allant narguer la presse française qui comme chacun est pire que la police ? Nixon, Président américain, dans l’affaire du Watergate en sait quelque chose.
De deux choses l’une : ou ce régime qui n’a plus rien à perdre se lance dans un frénésie consommatrice jusqu’au bout, (advienne que pourra) ou il est devenu totalement maboul. Ce qui revient au même. En tous cas, qu’on ne s’y trompe pas. Cette classe politique, vénale à en mourir, semble gagnée par le spleen baudelairien.
Nous prenons le pari sur Antoinette. Pour ses 71 ans, ce sera Monaco, au Casino de Monte-Carlo.
Thierry Oko