email

Clément Mouamba et le budget 2016 en période de vaches maigres

Les agences de notation avaient donné le change. Les institutions de Bretton Woods avaient alerté. La Chine avait averti sur le risque de banqueroute. Et, le Congo-Brazzaville, par la voix de son premier ministre, l’a avoué le 1er juin 2016 au cours du deuxième conseil des ministres du gouvernement Sassou à la sauce Mouamba et enfin le 3 juin 2016 à l’occasion de la présentation de la politique générale devant un parterre de parlementaires. Clément Mouamba et Calixte Nganongo pourraient s’approprier la paternité de la phrase de François Fillon : « Je suis à la tête d’un pays en faillite ». Le Congo-Brazzaville broie du noir. En cause : une conjoncture économique défavorable et une chute des recettes pétrolières. L’endettement s’est envolé atteignant 2700 milliards de francs CFA. Le chômage des jeunes a explosé. Les recettes budgétaires du Congo-Brazzaville ont fondu comme neige au soleil. Les indicateurs macro-économiques du Congo-Brazzaville sont passés au rouge du drapeau marxiste du PCT.

Sonnette

Les agences de notation avaient sonné le tocsin. En mars 2016, les agences de notation Moody’s et Fitth avaient dégradé la note souveraine du Congo-Brazzaville. Moody’s a abaissé la note de long terme du pays de « B+ » à « B », tandis que Fitch l’a réduite de « Ba3 » à « B1 », en raison notamment de la détérioration de l’équilibre budgétaire du pays. Le temps des rentrées fiscalo-douanières et pétrolières himalayesques n’est plus qu’un souvenir. Un temps pendant lequel Sassou, Gilbert Ondongo et Nicolas Okandzi, directeur général du budget et assassin du jardinier Bambélo, enivrés par l’odeur des pétro-CFA, se sont sentis pousser des ailes, s’adonnant à l’économie d’endettement en octroyant des crédits tous azimuts aux pays africains : 100 milliards de francs CFA à la Côte d’Ivoire, 50 milliards de francs CFA au Niger, 50 milliards de francs CFA à la Guinée Conakry, 25 milliards de francs CFA à la République centrafricaine et à une institution financière, 50 milliards de francs CFA à la BDEAC. Ne parlons même pas des pétro-CFA placés par les proches du pouvoir dans les paradis fiscaux (Cf les révélations de Panama paper, Willy Etoka, 10ème homme le plus riche d’Afrique francophone in congo-liberty.com, 4 juin 2016). Fin avril 2016, Moody’s a encore dégradé la note du pays à « B2 », indiquant craindre un déficit public de l’ordre de -16 % du PIB en 2016 et -11 % en 2017.

Vaches maigres

C’est Calixte Nganongo, ministre des finances (en remplacement du calamiteux Gilbert Ondongo) qui a présenté le correctif budgétaire 2016. Il a été chargé de faire le sale boulot. Un projet de loi de finances rectificative est déposé au Parlement si l’atteinte de l’équilibre financier défini par la loi de finances de l’année est compromise ou si les recettes constatées en cours d’année sont largement inférieures ou supérieures aux prévisions ou encore si de nouvelles mesures législatives ou réglementaires affectent l’exécution du budget. C’est le cas de figure qui prévaut au Congo-Brazzaville.

L’exercice de gargarisme lexico-budgétaire en période de vaches maigres synonyme de coupes drastiques des dépenses n’est pas aisé. Le Ministre Calixte NGANONGO a noté qu’en dépit d’un contexte difficile, le Produit Intérieur Brut du Congo-Brazzaville devrait connaître une croissance de 4,4% en 2016, en raison notamment de la légère augmentation de la production pétrolière générée par la mise en production fin 2015 du gisement dit Moho-Nord, laquelle devrait passer de 89 millions de barils en 2015, à 94,125 millions de barils cette année.

Cette augmentation de la production pétrolière ne compense malheureusement pas la forte baisse de son prix de vente ; ce qui rend difficile l’exécution du Budget de l’Etat exercice 2016 malgré une remontée du cours du baril du Brent de la mer du nord autour de 50 dollars. A ce stade, le Congo subit une forte chute des recettes pétrolières, lesquelles passent d’une prévision de 750 milliards de frs CFA dans la Loi de Finances initiale à 544 milliards de frs CFA.

Le projet de loi de finances rectificative que le Premier ministre Clément Mouamba a défendu devant le Parlement ce vendredi 3 juin 2016, prévoit une baisse des ressources budgétaires attendues en 2016, ramenées à 2 121,5 milliards de F CFA, contre 2 333 milliards de F CFA dans la loi initiale, soit une baisse de -211,5 milliards de francs CFA (environ -9 %). Les charges budgétaires en 2016 sont abaissées à 2 396 milliards de francs CFA, contre 2 608 milliards de francs CFA, dans la loi de Finances initiales, soit une baisse de -8,12 %. C’est donc la bagatelle de 211,5 milliards de francs CFA de dépenses qui vont passer à la trappe.

Mais Sassou n’est pas Joseph, ministre de l’économie de Pharaon qui sut interpréter le rêve selon lequel les vaches maigres correspondrait à une période de disette et les vaches grasses à une période d’abondance. Joseph dit au Roi d’épargner. Or Ondongo, kleptomane de haut vol, a poussé à la dépense folle et surréaliste.

Perspectives en chute

Selon le communiqué du Conseil des ministres, la loi de finances rectificative répond à la dégradation des perspectives économiques mondiales et africaines, à la baisse des revenus du pétrole et au besoin de mettre en œuvre les actions prioritaires du gouvernement, notamment l’installation des institutions nouvelles.

La Fontaine a dit dans sa Fable de la Cigale de ne pas chanter mais de travailler pendant l’été, période faste. Aujourd’hui Sassou n’a même plus ses pieds pour danser en cette période glaciale de dépression financière et de débâcle politico-électorale.

Malgré une légère augmentation de la production de pétrole, attendue à 94,125 millions de barils en 2016 (+5,7 %) grâce à la mise en production du champ Moho Nord, les recettes pétrolières du Congo-Brazzaville devraient baisser cette année.
Le gouvernement du Congo-Brazzaville table désormais sur 544 milliards de francs CFA de revenus pétroliers en 2016, contre 754 milliards de francs CFA prévus dans la loi de Finances initiale (-28 %). Le pétrole représente 69 % des recettes publiques et plus de 80 % des exportations du Congo-Brazzaville.

La réduction des charges budgétaires attendues en 2016 affecte principalement les dépenses d’investissements, abaissées de -15,6 % à 1306,7 milliards de francs CFA. Les dépenses de fonctionnement de l’État reculent également (-6 %) à 301,1 milliards de francs CFA, tandis que la masse salariale reste inchangée : 410,1 milliards de francs CFA.

Le PIB du Congo-Brazzaville devrait croître de 4,4 % en 2016 selon les prévisions du gouvernement.

Dans un contexte d’augmentation de la production pétrolière mondiale, le Congo-Brazzaville doit faire face à une conjoncture internationale morose. Les cours du pétrole sont soumis à des risques baissiers du fait de l’affaiblissement des perspectives économiques mondiales, et notamment du ralentissement de la croissance en Chine. « Les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel  ». Le budget du Congo-Brazzaville est fait de ce bois de bonzaï, baobabs nains. Clément Mouamba l’a bien intégré et a prévenu : le Congo-Brazzaville ne doit pas vivre au dessus de ses moyens. Après s’être habitués à un grand train de vie, grâce à la manne pétrolière, le Congo-Brazzaville devrait se préparer à vivre le temps des vaches maigres, avec un baril en dessous de 50 dollars, surtout que la fameuse diversification économique peine à se mettre en place, en dépit de l’insistance de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque africaine du développement (BAD). Finie la période de vaches grasses.

Voici arrivé le temps des vaches maigres, avec ses greniers vides comme en Egypte pharaonique.« Le blé vient à manquer » constate, amer, Clément Mouamba. Le blé dans tous les sens du terme (pognon, pain). L’argent manque dans les coffres du Trésor ; le manioc, aliment de base, toujours hors de prix.

Le pays doit aujourd’hui trouver une alternative à des ressources en forte baisse. Comme un flambeur qui sort du casino de Deauville, le Congo n’a jamais investi pour développer les autres secteurs de son économie, notamment son industrie (autour de 5 % de son PIB), son agriculture (après Rigobert Maboundou, c’est Henri Djombo qui s’y colle) et son tourisme dont Arlette Soudan Nonault, la « tuile de la nouvelle république  » est le nouveau patron. La mission de Clément Mouamba et Calixte Nganongo en cette période de disette est ardue. Les circonstances changent, les priorités aussi. La chasse aux mauvaises dépenses est ouverte. Il en est des dépenses comme du cholestérol. Il y en a de bonnes et de mauvaises. Le problème est de savoir faire le tri.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.