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Congo Brazzaville : se nourrir sans cultiver ?

(Syfia Congo) Peut-on parler d’agriculture au Congo Brazzaville ? Les Congolais se nourrissent essentiellement de produits importés, surtout au nord du pays. Une situation à laquelle un programme de culture vivrière intensive pourrait remédier.

"Qu’est-ce que des gens qui ne produisent rien peuvent vendre dans ce beau bijou ?" s’exclame, ironique, cet homme en admirant le nouveau marché central, récemment construit à Owando, chef lieu de la région de la Cuvette, à 600 km au nord de Brazzaville. "Les tomates et les concombres que nous avons mangés à Owando, nous les avons ramenés de Brazzaville", confirme un cadre du département de la Pêche et de la marine marchande, présent lors des festivités du 47e anniversaire de l’indépendance du Congo, le 15 août dernier.
Ici, les produits maraîchers (épinard, carotte, endive, etc.) sont rares. Les ignames et les patates douces viennent de régions voisines comme celle des Plateaux. Du coup, les prix de la nourriture y sont très élevés. "Les arachides non décortiquées sont deux fois plus chères qu’à Brazzaville", compare ce cadre. À Boundji (70 km plus loin), c’est pire, d’après un habitant : "Là-bas, il n’y a rien à manger si ce n’est des boîtes de conserve".
La pénurie de produits maraîchers touche presque toutes les régions nord du Congo : la Cuvette, la Sangha, la Likouala et les Plateaux. La plupart des produits de première nécessité viennent de Brazzaville : riz, conserves, oignons, produits congelés importés d’Europe.

Des terres et de l’eau en abondance

Pourtant, l’environnement est favorable à l’agriculture. Owando, par exemple, nichée au cœur de la luxuriante forêt équatoriale, est copieusement arrosée (1 600 à 2 000 mm de pluie par an). Entourées de cours d’eau, les terres, abondantes et fertiles, sont sous-exploitées. Ici, les habitants vivent plutôt de cueillette, de chasse et de pêche bien qu’il soit possible de cultiver. Ainsi, certains maraîchers du Pool, une région du Sud réputée dynamique, s’y sont mis en particulier dans la Cuvette et les Plateaux. "Au cours d’un séjour à Djambala, (Ndlr chef lieu de la région des Plateaux) j’avais constaté qu’il n’y avait pas de légumes. Cela m’a donné l’idée de venir ici avec ma femme. Je n’ai pas de loyer de terre à payer comme au Pool", témoigne l’un d’eux.
Ces régions sont à l’image de l’ensemble du Congo qui compte 3 millions d’habitants pour une superficie de 342 000 km2. L’agriculture y est exsangue. Pourtant, le pays ne manque ni d’eau, ni de terres : il dispose de dix millions d’hectares de terres cultivables dont à peine 2 % seulement sont mises en valeur. Une part importante des légumes en vente sur les marchés de Brazzaville provient de Kinshasa (RD Congo), de l’autre côté du fleuve, et du Cameroun. La production autour de Brazzaville est insuffisante et saisonnière. Dans la partie nord de la ville, "les maisons poussent sur les espaces où l’on fait des jardins et cela réduit considérablement la production", s’inquiète François Rasolo, représentant de la FAO au Congo. L’oignon, l’ail, l’arachide et la viande de bœuf sont, eux, importés du Tchad.

La faute à la manne pétrolière


"Le Congo est toujours un pays d’importation qui n’arrive pas à produire suffisamment pour nourrir sa population",
déplorait en juillet dernier la ministre congolaise de l’Agriculture et de la Pêche, Mme Jeanne Dambenzet. Le pays dépense plus de 100 milliards de Fcfa (environ 152 millions €) par an en importations de produits alimentaires.
Pour André Milongo, ancien Premier ministre congolais de la Transition, décédé en juillet, "l’agriculture a échoué au Congo parce qu’on a voulu en faire une affaire d’État, affirmait-il. Le pays ne vit que des royalties du pétrole et du bois". "Pour éviter que le pays continue à importer massivement des denrées alimentaires, les autorités congolaises doivent investir une partie de la manne pétrolière dans les projets agricoles", estime un agent du ministère de l’Agriculture et de la pêche. Des investissements sont nécessaires dans les services publics d’appui et d’encadrement, pour la mise sur pied d’organisations de producteurs, le désenclavement des zones de production pour faciliter l’accès aux marchés, l’organisation des circuits de commercialisation, la construction des infrastructures de transformation, de conservation et de stockage, etc.
Au premier semestre 2008, le gouvernement congolais va lancer un Programme national de sécurité alimentaire (PNSA), en partenariat avec la FAO. Prévu pour cinq ans, le PNSA visera, selon un cadre de l’agence onusienne à Brazzaville, à "intensifier la production des cultures vivrières dans chaque village avec l’appui des techniciens vietnamiens ou chinois, réhabiliter les routes rurales, mettre en place les structures de commercialisation et de distribution d’intrants, etc.".
Avec 19 milliards de Fcfa (29 millions €) consacrés à ce projet, financé à parts égales par l’État et la Banque mondiale, le Congo deviendra-t-il enfin un pays agricole ?

Mamadou Bineta
www.syfia.info
07/09/2007

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