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Coup d’état du 5 juin 1997 : Quatorze ans déjà

Il y a 14 ans commençait et finissait cinq mois plus tard le coup d’état de l’actuel homme fort de Brazzaville. C’était le 5 juin 1997. "Brazzaville à feu et à sang" (1) commenta froidement sur la couverture de ce qui pourrait passer pour son Mein Kampf l’un des bras musclés de Sassou : le général Norbert Dabira.

En effet, cet officier ne crut pas si bien dire : la puissance du feu qui frappa les populations et le débit du fleuve de sang qui coula dans la ville furent impressionnants.

Plus d’une décennie après, les séquelles sont encore visibles dans le décor urbain et toujours manifestes dans les esprits.
Le bénéfice que rapporta ce retour de Sassou au pouvoir (après en avoir été chassé par les urnes en 1992) n’a d’égal que les souffrances endurées par les populations expérimentant cette parabole biblique du démon chassé d’un corps qui y revient en force, en compagnie d’une légion plus féroce.

Ainsi Sassou revint en 1997 avec des mercenaires angolais, ukrainiens, tchadiens et des miliciens cobras (de son groupe ethnique) renforcés par des transfuges Ninja (milice de Bernard Kolélas) dont Bakana Vital , Anicet Pandou alias Willy Matsanga ( http://www.congopage.com/Les-menaces-a-peine-voilees-de )

Jamais le Congo, sous Sassou II, n’a été aussi misérable qu’en 38 ans d’indépendance. Eau, électricité, routes, hôpitaux, écoles ne sont plus que de vieux souvenirs dans l’imaginaire des Congolais. Le paradoxe est que ces indices d’émergence économique qui se sont réduits comme peau de chagrin depuis le retour de L’homme des masses sont inversement proportionnels aux richesses naturelles générées par le sol et le sous-sol de ce pays.

Ceux qui ont lu Machiavel, savent que le meilleur homme politique est celui qui dit le contraire de ce qu’il fait. A ce moment, bien naïfs, ceux qui continuent de croire à l’alibi inspiré de Morphée, selon lequel Sassou dormait dans ses appartements lorsque Lissouba vint lui cherchez noise.

Ceux qui se demandent "pourquoi Sassou est-il revenu alors qu’il avait déjà montré ses limites en 1992" ont intérêt de revoir le documentaire diffusé sur ARTE retraçant depuis les années 1950 la manière dont la Françafrique de feu Jacques Foccart est toujours et encore prête à en découdre avec les territoires français d’outre-mer quand l’énergie de la "mère-patrie" (entendez le pétrole du golfe de Guinée) est susceptible d’être remise en cause.

Il paraît que " remettre en cause les parts exagérées de la France dans la gestion du pétrole et autres ressources africaines ", c’est ce que voulurent faire Lissouba au Congo ( n’en déplaise aux partisans du professeur, permettez qu’on en doute ) et Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire réputé avoir tenu tête à la françafrique ( on peut aussi en douter, n’en déplaise aux fans du "boulanger d’Abidjan" lui qui avait, juste avant les élections, donné des contrats à Bouygues, Bolloré, Total ; son conseil en com, étant RSCG de Stéphane Fuchs et Jacques Séguéla qui faillrent également conseiller Dominique Strauss-Kahn à la présidentielle).

Aujourd’hui, le professeur Lissouba suscite en effet le doute lorsque, la main sur le cœur, il avoua sur ARTE ne pas comprendre la brutale attitude de la France à son endroit alors qu’il ne cherchait qu’à lui plaire en sauvegardant ses intérêts pétroliers. Visiblement, Lissouba, malgré sa double-nationalité, ne fut pas très plaisant, en tout cas pas assez au goût de la France qui le trouva trop gourmand et faux-cul en voulant se jeter dans les bras du concurrent américain d’ELF, c’est-à-dire OXY.

Au total (sans jeu de mot) : ELF vira cet ingrat de Lissouba (doublé d’amnésique) qui ne se souvenait plus qu’il battit Bernard Kolélas en 1992 grâce au soutien du pétrolier français. ELF préféra alors le garde-chiourme qui lui offrait le meilleur devis pour gérer les puits pétroliers on et off shore (entendez Sassou).

P.A.I.X

D’ailleurs Sassou lui-même n’évoque plus la piste du dormeur du val bousculé dans son sommeil. La manière dont il brade le pétrole n’est pas pour déplaire ELF/Total. C’est justement pour ça qu’on le préféra à Lissouba, pour ça, pas pour l’insoutenable légèreté de son sommeil. Dans tous les cas, la piste dormitive n’a de l’avenir que dans le cerveau malade (ceci est un jeu de mots) des partisans du chemin d’avenir.

Nolens volens, voici ce que disent les randonneurs du chemin d’avenir : Sassou a pacifié le pays. Qu’on le laisse travailler. Le chien aboie, la caravane passe etc. etc.

Notre concierge avec qui nous avons causé ce matin des conflits dans le monde (Syrie, Lybie, Tchétchénie...) a défini le mot paix à sa manière : Pétrole, Armement, Insurrection, Xénophobie.

Au bout du compte, le coup d’état du 5 juin 1997 fut un sanglant jeu de maux qui coûta des dizaines de milliers de morts, de disparus, de sans abris et de déplacés jusqu’en octobre de la même année pour atteindre le summum de l’horreur en 1998 à la Saint-Barthélemy de Bacongo/Makélékélé et l’asymptote de l’indicible en mai 1999 au Beach de Brazzaville où 360 personnes auxquelles Sassou fit croire que la paix était revenue au Congo furent massacrées par sa milice sans qu’on ne retrouve un seul de leurs cheveux. Le mot "génocide" est évoqué à ce sujet.

Alors Sassou aurait apporté la paix au Congo ? Laissez-nous émettre des réserves. Près de quinze ans après son putsch militaire, le pays s’enfonce dans le néant. Entre sa conception du mot PAIX et celle de notre concierge, nous penchons pour celle de notre voisine, la concierge. N’en déplaise à ceux qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

1 - Norbert Dabira : Brazzaville à feu et à sang - 5 juin - 15 octobre 1997- L’Harmattan, 1998

vestiges de la guerre de Brazzaville

Les vestiges de la guerre de Brazzaville

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