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Les Disparus du Beach" sur TF1

Disparus du Beach : « il ne leur arrivera rien : je m’y engage »

Article d’Etroubéka pour Mwinda - 10 mai 2004

Intercalée entre un reportage sur un malien de la banlieue parisienne qui a fait fortune dans le vêtement de sport et un sujet sur Brigitte Bardot, l’enquête sur les « disparus du Beach » diffusée dans l’émission « sept à huit » sur la chaîne de télévision française TF1 ce dimanche 9 mai, peu après 19 h, n’a pas déçu.

Bien informée, l’enquête sur cette affaire qualifiée d’« affaire d’Etat » qui portait sur la libération controversée de M. Ndengué a tenté de répondre à quelques questions : « Les intérêts de la France au Congo pèsent-ils plus lourd que la justice » ? « Denis Sassou a-t-il fait pression sur la France pour libérer le chef de sa police » ? « Comment accepter cette justice de nuit expéditive alors que l’on parle de 350 morts et de crime contre l’humanité ? »

Au fil du reportage, en guise de réponses des pistes ont été fournies.

L’enquête a d’abord planté le décor de l’histoire. On a ainsi vu des images des guerres de 1997-1998 au Congo : des Cobras (miliciens du pouvoir) ; un sol jonché de cadavres de civils ; Sassou Nguesso - « soutenu alors discrètement par la France » - le verbe toujours aussi hésitant, incitant les populations réfugiées à revenir au pays où « il ne leur arrivera rien : je m’y engage »

Les téléspectateurs ont ensuite pu voir et entendre un rescapé de la rafle du Beach [1], des traces de blessures (par balles) sur le visage, au bras et à la jambe, expliquant comment il a survécu par miracle au peloton d’exécution.

Benjamin Toungamani, de la Fédération des Congolais de la Diaspora a montré que les réfugiés, listés à leur embarquement au port Ngobila de Kinshasa, ont été, la nuit venue, triés au débarcadère de Brazzaville avant d’être conduits par petits groupes vers la boucherie.

Puis l’émission a narré les « 48 heures de bras de fer politico judiciaire » de l’épisode Ndengué. Documents à l’appui les journalistes ont relaté comment le juge de Meaux a pris la précaution d’envoyer un gendarme au ministère des Affaires étrangères pour vérifier si M. Ndengué y était enregistré comme diplomate en mission de l’Etat. Réponse négative du Quai d’Orsay confirmant des écoutes téléphoniques opérées au préalable, lesquelles indiquaient que le chef de la police congolaise, en vacances, n’avait eu aucun rendez-vous officiel durant son séjour. Pourtant un magistrat du parquet est venu affirmer que le fait que M. Ndengué était « porteur d’une lettre de mission [même antidatée et ne précisant pas l’objet de la visite] signée du président de la République » valait « immunité absolue » bénéficiant à ce dernier.

Sur ce point Me Vergès, avocat du chef de la police interrogé de même dans l’enquête, a ironisé en observant que « ceux qui sont responsables de la diplomatie, c’est le Quai d’Orsay, ce n’est pas le juge de Meaux » et que si dans cette ville « on fait des bons fromages, il n’y a pas les meilleurs magistrats »

Le reportage a enfin détaillé les conditions du transfert de l’officier congolais vers la prison de la Santé, à 22 h, un vendredi soir. A ce moment les avocats du prévenu et ceux de la partie civile étaient convaincus que rien ne se passerait avant le lundi matin. Pourtant un greffier est revenu vers le palais de justice de Meaux à 23 h récupérer le dossier avant d’aller réveiller une heure plus tard la présidente de la Chambre d’instruction à Paris. Cette dernière a dû examiner en urgence une demande de remise en liberté lors d’une audience fixée à 1 h30 du matin. Une audience en pleine nuit en présence du seul parquet général car même les avocats du prévenu, pris de court, étaient absents. A 2 h30 du matin l’ordonnance est enfin rendue. A 3 h30 les portes de la prison qui, en France, ne s’ouvrent d’ordinaire que de jour laissent sortir M. Ndengué. Ce dernier, délivré, s’engouffre alors dans une voiture qui le conduit vers un jet privé et une zone de non droit, son pays, où il se met à l’abri.

Une « justice de nuit » ! a dénoncé Me Patrick Baudoin, défenseur des parties civiles, qui a également mis en évidence la fébrilité inhabituelle du climat autour de ce dossier pendant ces 48 heures. Cette « décision rendue sur référé liberté du parquet 3h après l’appel, en pleine nuit » prouve selon lui que l’affaire des disparus du Beach est traitée dorénavant comme « une affaire d’Etat ». Avec toutes les pressions politiques supposées. De ce point de vue, a conclu l’avocat, « tout est possible ».

Etroubéka

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