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Dr. Marcel Guitoukoulou : " en 2016, le Président Sassou n’est plus Président"

On croyait le Dr. Marcel Guitoukoulou disparu des écrans radar de la politique congolaise. Erreur. Or parfois, dans le tohu-bohu des débats, le silence est d’or. Et, tantôt c’est bien vu de se faire désirer que désirer d’être vu à tout prix. Enfin, bref. Ce lundi 23 mars 2015, le Dr. Marcel Guitoukoulou a été l’hôte de Guy Registe sur Télé-Sud au titre de l’émission « L’invité du Jour  ». En un quart d’heure, durée de linterview, le Dr. M. Guitoukoulou qui n’est pas allé de main morte quant à critiquer la volonté de Sassou de se succéder, a fait comprendre à qui de droit que l’histoire prochaine du pays pouvait compter sur (ou avec) lui. Commentaire composé.

Pater Familias

Sans passer par quatre chemins le médecin congolais a fait une analyse clinique d’un pouvoir qui a atteint aussi bien ses limites institutionnelles que son niveau d’incompétence absolue en trente ans de règne sans partage. Pour le médecin d’origine congolaise, notre pays est malade de son Président qui est face à un dilemme : soit se représenter pour un troisième mandat soit jouer la carte du Pater Familias (passer le témoin à son fils). Au nom du Père, de l’ethnie et du népotisme. Horreur !

Quelle que soit l’alternative à ce dilemme cornélien, il s’agit d’une stratégie politique dont le but paradoxal est de « vouloir le bonheur (du peuple) dans la soumission. », principe typique des dictateurs. Quelle est cette pratique du pouvoir qui veut s’installer dans la durée indéfinie alors que partout dans le monde on prône de gré ou de force, l’alternance, comme au Burkina Faso où Blaise Compaoré (a fait remarquer M. Guitoukoulou) a payé cher son entêtement ! Le « j’y suis, j’y reste » de Sassou relève d’autant plus d’une insupportable provocation que le pays regorge d’intelligences qui n’attendent que le départ de l’homme du 5 juin 1997 pour éclore. « Je ne reste plus. Pour le reste je reste à votre disposition », philosophie d’un homme sage pour laquelle devrait, selon le médecin congolais, opter Denis-Sassou-Nguesso après 2016, caressant le silure et le tilapia au bord de l’Alima, sous le manguier, avec ou sans souris, en digne continuateur de Mandéla, pour notre édification générale.

Mais non ! « Le Congo n’est pas le Burkina » clament ces insatiables de Mpila comme si les Congolais étaient condamnés de vivre la servitude des Duvallier à la sauce équatoriale. «  Oui le Congo c’est Haïti des Tontons Macoute  » crient sans ciller des yeux les partisans du changement de la Constitution.

Les réactions à ce discours réactionnaire ne se font pas attendre.

Cara cara

Le médecin de Marseille a fait dans la métaphore professionnelle. Il dit avoir « la gale  » à l’idée de voir les mêmes acteurs sévir à la tête du Congo au-delà de 2016 (la gale étant dite « cara-cara » en lingala). En effet qui ne serait pas atteint d’urticaire face à ce système (Le Chemin d’avenir) qui a totalement « fait faillite  ». En témoignent : la pénurie d’eau potable, le manque d’électricité, le manque de structures scolaires fiables etc. Horrible état des lieux ! « Certes il y a des réalisations » admet l’invité de Télé-Sud. « Mais pourquoi avoir attendu la fin ?  » est-on en droit de se dire. Personne n’est dupe « On attend la dernière minute pour qu’on attende tout de lui, le kaka ngué ». Eh bien non, on n’attend rien du bâtisseur, fut-il « infatigable ». Ca ne marche pas.

Tout démocrate digne de ce nom ne peut que ressentir des démangeaisons d’entendre le PCT affirmer qu’en dehors de Sassou personne ne peut diriger le Congo. « Sésé séko, ngué kaka, kaka ngué ». MPR de la rive droite, le PCT, parti ultra-minoritaire, jusque-là sourd à toute proposition de l’Opposition depuis la fin de la guerre civile veut discuter. « Dialogue national  », « Dialogue, pour quoi faire ? » s’est demandé le Dr. Marcel Guitoukoulou. « Trop tard camarades communistes. » Les jeux sont faits.

Pis. Il n’a échappé à personne que c’est précisément le PCT qui a soufflé cette fourberie aux supposés Opposants de l’intérieur et à une frange de la diaspora. Comme un ventriloque. Conséquence : le dialogue passe pour une proposition de l’Opposition. Vous voyez la ruse ! Tapis dans l’ombre, Sassou « commande en obéissant ». Car c’est bien un piège : un dialogue avec des gens sans foi ni loi. Selon Pierre Ngolo et Michel Ngakala, l’agneau qui s’invite dans la tanière du loup semble une perspective sans danger. On dirait que le PCT veut changer la Fable de La Fontaine, Or depuis la nuit des temps souffre l’agneau. En clair la raison du fou le plus fortuné est toujours la meilleure. Le dialogue est un traquenard. Bien naïf l’opposant qui s’y fera prendre. Vous voilà prévenus.

Mieux. Sassou a déjà sa petite idée de la structure dudit dialogue. Ce sera échec et mat. Dés pipés. Ensuite le joueur de Dostoïevski damera le pion avec un joker : le référendum. « Je les laisse faire, s’ils ne s’entendent pas, je passe au référendum » dit Sassou avec ses airs de faux sage. Avec des fiches électorales tronquées, le référendum c’est, évidemment, du petit lait pour le tyran congolais.

Makosso, école buissonnière

Dialoguer, depuis le début de la crise congolaise, le Dr. Marcel Guitoukoulou n’a fait que ça. Il n’a pas attendu les stratèges de « la onzième heure » émargeant dans le faux et l’usage du faux pour chercher à négocier avec les différents protagonistes. Le Dr. a pratiqué notamment, le dialogue avec, Bernard Kolélas au Mali, Pascal Lissouba à Londres, Denis Sassou-Nguesso à Brazzaville, le Pasteur Ntoumi dans le Pool, André Milongo à Pertuis en France etc. Ne parlons pas du boulot de lobbyiste dans les couloirs des chancelleries en Amérique, en Russie, en RDC, au Bénin ( où certains de ses militants furent embastillés) et dans nombre de pays où la cause du Congo avait besoin d’être défendue.

Pour la petite anecdote, le ministre de la jeunesse, Collinet Makosso, invité à l’émission de ce lundi 23 mars pour débattre (c’est ça aussi le dialogue) s’est honteusement débiné après être arrivé avant l’heure dans les studios parisiens de Télé-Sud. Ecole buissonnière. Tcholilo ! Ta Makosso, ne savez-vous pas qu’avant l’heure ce n’est pas l’heure ! Mais il va sans dire que le Dr, après vous avoir charcuté n’aurait fait de vous qu’une bouchée à Télé-Sud, un espace qui n’a rien à voir avec TéléCongo où le débat contradictoire est une utopie.

Les rangs du "NON" grossissent

Cela dit des voix piaffent d’impatience au sein même du PCT exigeant mordicus un arrêt des jeux. Le NON devient transversal aux deux camps. Le« Bâtisseur infatigable » fatigue aussi ses intellos. Ca les gratouille également de voir Mobutu d’Oyo se reproduire indéfiniment au pouvoir. C’est le cas de Zacharie Bowao qui s’est fendu d’une remarquable plaidoirie contre le changement de Constitution. D’ailleurs, le toubib phocéen n’a pas caché sa sympathie envers l’ex-ministre de la Défense du Congo égratigné par les obus de Mpila en 2012. Un seul regret, l’ancien ministre, encore membre du PCT, n’est pas allé «  vers la rupture avec un système qui a fait faillite »

La rupture

On ne peut pas dire autant de l’ancien Premier Ministre, Alphonse Souchlaty Poaty (non membre du PCT) qui vient de prôner la rupture dans une longue interview parue dans le magazine Afrique Education, tout comme, Me Aloïse Moudiléno, ancien Garde des Sceaux et ancien Premier Ministre de Marien Ngouabi, ayant rompu les amarres dès les premières heures de la révolution pécétiste et qui vient d’user une effrayante métaphore pathologique où il compare la Constitution de Sassou à l’épidémie Ebola.

En résumé, pour le Dr. Marcel Guitoukoulou, en 2016, le Président Sassou n’est plus Président. Il faut faire en sorte que le sort du peuple s’acharne sur lui. Quand ce Président sortant persiste à s’accrocher au pouvoir, son intransigeance est une « clef de son bagne à venir  ».

Même si le compagnon de route, Roger Loufoua, est d’avis que le travail de l’ombre est plus efficace que les démonstrations sur la place du village, il ne reste pas moins que le pire qui puisse arriver à un homme public c’est de se priver de visibilité. Heureux que l’anesthésiste congolais nous ait réveillés en rompant le silence (depuis la réunion de Pantin, samedi 12 mars 2011 dans le cadre du Congrès du Peuple) avec ses formules chirurgicales dont il a le secret. Pour percer l’abcès il faut l’instrument approprié. Ce 23 mars, le propos du Docteur a opéré sur la situation galeuse du Congo comme un bistouri.

Thierry Oko

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