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En mémoire de Mgr Kombo

En mémoire de Mgr Ernest Kombo : « Son peuple l’attend à Owando en veillant dans la prière et en offrant le Sacrifice qui donne la Vie. » (Abbé Victor Abagna, mercredi 25 octobre 2008 en l’Eglise Saint - Sulpice à Paris)

Ce mercredi 25 octobre 2008, en l’Eglise Saint - Sulpice à Paris, une foule nombreuse a rendu hommage à Mgr Kombo décédé le mercredi 22 octobre dernier à l’hôpital du Val de Grâce à Paris. Mr l’Abbé Victor Abagna, doyen des prêtres du diocèse d’Owando, entouré de nosseigneurs Louis Portella-Mbuyu, évêque de Kinkala et Président de la Conférence épiscopale du Congo, Anatole Milandou, archevêque de Brazzaville, a présidé cette eucharistie, en présence de nombreux prêtres du diocèse d’Owando, des autres diocèses du Congo, de pères de la Compagnie de Jésus (congrégation religieuse à laquelle appartenait Mgr Kombo). Dans l’assemblée, des Congolais en grand nombre, mais aussi des amis français du Congo, se sont associés à cet hommage. L’un des moments forts de cette célébration a été l’homélie prononcée par l’Abbé Victor Abagna. Nous vous livrons l’intégralité de son message, de son inspiration, de sa profonde méditation.

Homélie

Il y a aujourd’hui une semaine que Mgr Ernest Kombo, évêque du diocèse d’Owando nous quittait. Il est désormais dans l’autre versant de la vie, de cette Vie que Dieu donne à ses amis. Il n’a fait là que le chemin que tout homme doit faire. « L’homme naît, grandit et meurt » a dit Mgr Kombo à une personne qui est allé lui rendre visite en ses derniers temps. Il reconnaissait ainsi, comment ne l’aurait-il pas fait, ce que nous découvrons dans la sagesse biblique : « Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour pleurer et un temps pour rire – un temps pour chercher et un temps pour perdre – un temps pour se taire et un temps pour parler – un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (Cf. Ecclésiaste 3, 1-2).

Notre Père-évêque nous quitte alors qu’il pouvait encore servir et apporter beaucoup à l’Eglise de Jésus-Christ qui est au Congo. Dans la culture où nous nous trouvons, 67 ans, c’est jeune. Et la Bible ne dit pas le contraire : « Le total de nos années, 70 et si nous sommes forts, 80. » (Ps. 86). Les progrès de la médecine et des sciences font que les hommes vivent aujourd’hui plus longtemps. Pourtant, la maladie est là. Et il faut le reconnaître, on n’a pas encore trouvé de remède à toutes les maladies. Mon expérience à l’hôpital en tant qu’aumônier me fait dire que le cancer tue comme le paludisme. Il emporte jeunes et vieux, mères et pères, hommes mariés ou seuls. Ainsi il emporte notre Père-évêque après une lutte de plus d’un an.

Que restera t-il du Père-évêque pour le diocèse d’Owando ? Disons d’abord que l’histoire des épousailles de Mgr Kombo et du diocèse d’Owando a été une belle histoire, une histoire marquée de beaucoup d’humanité. Elle commence par un accueil chaleureux et très fraternel des diocésains d’Owando. Tant et si bien qu’à Makoua après la visite du Séminaire, Mgr confiait à l’abbé Paul : « C’est la première fois, depuis que je suis évêque, que j’ai dormi en paix. » Il venait pourtant de connaître les diocèses de Nkayi et de Pointe Noire. L’accueil des diocésains d’Owando a donc été ce que Mgr Kombo n’avait pas encore connu.

Que restera –t-il du Père-évêque ? Une belle histoire quant à la formation des cadres pour le diocèse. Beaucoup de séminaristes, beaucoup de prêtres furent envoyés en Europe ou ailleurs en Afrique pour leur formation. Le diocèse en est fier et lui en sera bien reconnaissant avec l’un et l’autre d’autres diocèses. Sa tombe à Owando ne sera pas une tombe oubliée. Mgr a voulu d’abord la formation pour le bien de l’Eglise de Jésus-Christ qui est au Congo.

Que restera –t-il ? Une belle histoire humaine où les chamailleries, les menaces de divorce, les séparations, les pardons et les réconciliations sont familiers. Tout dernièrement encore, au beau milieu de son calvaire, Mgr confiait : « J’aime beaucoup mes prêtres et ils m’aiment ».
Une belle histoire d’un diocèse qui a accepté de vivre quelques mois sans son pasteur afin de le prêter à tout le pays en un temps menacé par l’éclatement. Histoire de fierté d’un diocèse qui a permis à son pasteur d’être à la source de la démocratie qui doucement, mais sûrement se construit, se renforce ; fierté d’avoir donné un pasteur à tout le pays qui a pu entendre cette parole de vie : « Tu ne voleras pas ; tu ne mentiras pas ; tu ne tueras pas. » Mais laissons à ceux qui doivent le faire, le soin de développer ce paragraphe.

De cette histoire, mes frères et moi serons bien marqués, pour longtemps. De cette histoire, je n’ai pas tout dit. D’autres le feront. Je nous invite simplement à ne garder que le beau, le bon…

D’aucuns chercheraient à fouiller, à trifouiller comme dans une poubelle, pourquoi ? Ils veulent absolument trouver ce qui mérite d’être dans la poubelle afin de pouvoir condamner. Action humaine, païenne, machiavélique. En effet, Jésus le seul grand et saint prêtre a dit : « Je ne suis pas venu pour condamner le monde, mais pour que par moi, le monde soit sauvé ». Et encore ce commandement : « Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés ». Le disciple de Jésus-Christ, l’envoyé de Jésus-Christ ne peut pas agir autrement sans risquer d’être « hors-jeu » comme l’aurait dit Mgr Kombo.

Alors, nous refusons de trifouiller pour ne garder et ne retenir que le bien, le beau. Nous sommes convaincus que ceux qui sont sans péché ne sont pas de ce monde. Et se convaincre d’être saints, sans péché, c’est convaincre Jésus-Christ de mensonge et dire qu’on n’a pas besoin de Lui. Quant à nous, nous voulons croire que Jésus-Christ, par son sang versé, nous lave et nous réconcilie avec le Père et entre nous. Et notre espérance reste ferme lorsque nous réécoutons la Parole de Dieu que l’apôtre des nations nous fait entendre aujourd’hui : « Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? Il n’a pas refusé son propre fils. Il l’a livré pour nous tous ; comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout. Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ : la détresse, la persécution, l’angoisse… ? J’en ai la certitude : ni la mort, ni la vie, ni les esprits, ni les puissances, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur » (Romains 8, 31-39)

Si ces mots sont la Parole de Dieu, s’ils nous disent l’assurance de l’amour de Dieu pour nous, s’ils nous expriment la fidélité du Dieu de Jésus-Christ envers nos pauvres personnes, alors, nous pouvons espérer pour ce serviteur de Dieu, alors malgré la dureté des temps, nous pouvons nous réjouir du retour d’un serviteur de Dieu auprès de son Maître, de son Dieu. L’homme de foi, l’ami de Jésus-Christ ne peut que se réjouir pour celui qui prend le pont pour la vraie vie. Celle-là que nous assure Jésus-Christ : « Tous ceux que le Père me donne, viendront à moi et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors… car je ne suis pas venu pour faire ma volonté mais pour faire la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or la volonté de Celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite tous au dernier jour ». Voilà la raison de notre espérance pour ce pasteur qui nous précède. Pour lui, avec Sœur Emmanuelle nous disons : « Pour quelqu’un qui aime Jésus, la mort est le plus beau moment ». Pourquoi ne pas espérer qu’il en soit ainsi pour celui pour qui nous prions ici ? Croire à la rencontre tant attendue entre le serviteur et son Maître ? Désirer voir du Maître tendre et miséricordieux l’accueil de son fidèle serviteur ? Pourquoi ne pas vouloir entendre le Maître dire au serviteur : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », « viens, bon et fidèle serviteur, puisque tu as été fidèle en peu de choses… »

Que restera –t-il encore de l’homme d’Eglise qui a servi son pays en l’aidant à entrer dans l’ère de la démocratie. Je laisse ici la parole à d’autres qui le feront mieux que moi. Je note pourtant le désir de la paix. Et c’est ce que Mgr a demandé il y a quelques temps à la première dame de la Nation : « Prenez avec vous une dizaine de mamans et allez à Lourdes prier Marie pour la paix afin que les élections qui pointent à l’horizon se passent dans la paix. » Voilà ce que le pasteur désire ; ce désir ne devrait-il pas être aussi le nôtre ? Celui de tout le peuple congolais ? Je sais aussi qu’il y a eu ici et là des paroles de vie et force au testament de celui que nous aimons ?réconciliation. Si celui qui entre dans la vraie vie parle de réconciliation, n’est-ce pas à nous ses disciples de donner vie et force au testament de celui que nous aimons ?

La belle histoire des épousailles de ce pasteur et de notre diocèse ne se termine pas puisque le corps de ce pasteur reposera dans la cathédrale à Owando, car il a choisi d’aller jusqu’au bout de son ministère malgré la maladie. Son peuple l’attend à Owando en veillant dans la prière et en offrant le Sacrifice qui donne la Vie. Nous pensons que les Congolais nous comprennent et qu’ils permettront à ce pasteur qui est allé pour la plus belle rencontre, d’intercéder pour le diocèse qui reste sans pasteur afin que vite, Dieu lui donne un pasteur selon son cœur. Nous voulons croire que la foi, l’espérance et l’amour des nombreux baptisés du Congo, au nom de Jésus, nous donneront d’être vainqueurs des velléités de divisions, de domination et de relents de tribalisme. Que la vraie foi, l’espérance et l’amour vrai fassent de nous enfin des témoins de la vérité. Alors ne sortiront de notre bouche que des paroles venant de cœurs habités par l’Esprit Saint. Je conclurai alors par ces mots à l’adresse de qui que ce soit qui dit qu’il aime ce pasteur qui s’en va : « Aucune parole pernicieuse ne doit sortir de vos lèvres, mais, s’il en est besoin, dites une parole bonne, capable d’édifier et d’apporter une grâce à ceux qui l’entendent. N’attristez pas le Saint Esprit, dont Dieu vous a marqués comme d’un sceau pour le jour de la délivrance. Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonnés dans le Christ. » (Ephésiens 4, 29-32)

Abbé Victor Abagna, doyen des prêtres du diocèse d’Owando en Europe

Homélie recueillie par Gabriel Sounga Boukono,
président de l’Association Cardinal Emile Biayenda
France (ACEB France)
Contact : acebfrance LVG yahoo.fr

Annonce :

Le 02 novembre 2008 à 15h30 une messe sera célébrée en l’Eglise Saint-Ignace à Paris (33, rue de Sèvres - Métro Sèvres Babylone) et organisée par la Compagnie des Jésuites.

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