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Enterrer la hache de guerre à travers les obsèques de Mme Kolélas ?

guerre et paix

Le deuil qui frappe Bernard Kolélas peut-être saisi comme force de frappe pour imposer la paix au Congo et faire le "deuil définitif" sur la guerre dans ce pays. Des indices de cette tendance sont décelables à partir des travaux de couloir que semblent simultanément mener les deux camps à Paris et à Brazzaville, ainsi qu’en témoigne la circulation des émissaires des différents bords.

Voici que l’épouse de Bernard Kolélas, pour paraphraser Chateaubriand, " dort sa septième nuit dans la mort". Aucune lueur d’espoir n’apparaît sur la fin du deuil qui frappe la famille du Mcddi et ses sympathisants. Un flou artistique entoure ce deuil. Les veillées mortuaires prévues pour durer jusqu’à la levée du corps (levée dont on ignore la date) ne font finalement que perdurer le doute. Elles ont été suspendues dès dimanche 3 octobre. Du coup tout le monde est suspendu aux lèvres d’un bureau parisien du MCddi très peu loquace et jugé (au passage) évanescent par quelques esprits légitimement en colère.

Au moment où l’on s’y attendait le moins, un premier communiqué dudit bureau, visible sur le site Mfoa Yikoba, indiquait que la veillée mortuaire allait reprendre ce jeudi 6 octobre puis, un second communiqué annulant le premier, reportait le rassemblement funèbre au vendredi 7. N’eut été la gravité de la situation on se serait cru dans une tragi-comédie.

Toujours sur le même site, on a vu un texte fustigeant certains membres de l’entourage de Kolélas qui veulent s’appuyer sur ce triste événement pour refaire peau neuve après huit ans de léthargie. C’est que l’activisme soudain de quelques zélés (pour ne pas dire zélateurs) est d’autant plus jugé agaçant qu’il donne du bureau Mcddi l’image d’un groupe de coutisans et de flatteurs. Certains, semble-t-il, ne leur pardonneront jamais, la douche froide reçue samedi dernier lors du rituel des condoléances à "Tâta Kolélas".

Qu’on soit obligé dans ce parti de passer par des communiqués lapidaires pour délivrer des messages, c’est la preuve que le Mcddi/Paris souffre d’un véritable déficit de communication. Aussi, c’est à juste titre que son absence dans la presse audio et dans la presse écrite parisienne est déplorée, ainsi que l’absence de démentis officiels pour contrer tout ce qui se dit au sujet du transfert du couple Kolélas de Bamako à Paris. Qui ne dit mot consent ?

Qui s’est chargé de la prise en charge ?

En effet, on constate que balancée dans la presse dès le début de l’affaire, la thèse selon laquelle la présidence du Congo aurait pris en charge l’évacuation sanitaire de la famille Kolélas en France, est reprise cette semaine dans Jeune Afrique l’Intelligent sans changer le moindre iota sauf pour ajouter que la clémence du président congolais, Denis Sassou-Nguesso, irait jusqu’à confectionner un décret suspendant la condamnation par contumace de Bernard Kolélas afin de permettre à ce dernier de rentrer au pays sans craindre de se retrouver devant la justice.
Manifestement le journaliste de Jeune Afrique a manqué d’intelligence car s’il avait sondé le milieu Mcddi parisien, il aurait eu vent de cette idée répandue chez les militants que justement Kolélas ne rêve que d’une chose une fois qu’il aura mis son épouse dans sa dernière demeure : être jugé par la justice de Sassou. « Il faut que Kolélas passe à la barre pour les confondre » s’est exclamé avec colère un fervent électeur du leader du Mcddi, comme pour dire qu’en cas de procès de l’Etat congolais contre l’ancien maire de Brazzaville, il y a de fortes chances de voir se matérialiser le fameux gag de l’arroseur arrosé.
Mais jusqu’à ce niveau de l’analyse, personne n’était en mesure de dire si Kolélas allait faire le voyage au Congo. D’où sans doute la virulence et la véhémence dans les propos. Il nous a été rapporté que Michel Mampouya a échappé de peu à un lynchage alors qu’il proposait (à la veillée du Plateau des 15 ans)des sous à des militants de l’aile koléliste brazzavilloise. "Allez en France pour raccompagner la dépouille à Brazzaville, Kolélas ne doit pas faire parti de la délégation" aurait-il proposé à la veillée avant de manquer se faire lapider.

Propos de militants

« Le pays n’appartient pas à Sassou ! » s’est indigné un autre militant avant d’ajouter excédé : « maintenant c’est lui qui décide qui va être enterré ou non au Congo ! »Un autre de surenchérir : « Si Kolélas ne va pas au pays, ça va entraîner une guerre ». Nombre de militants ne comprennent pas l’attitude de Sassou visiblement manipulé par les faucons qui l’entourent : « Mfoumou gâta ka monaka nkouyou ko » nous a dit, philosophe, un sympathisant de Kolélas. Pourquoi Sassou ne se met-il pas au dessus de la mêlée ? se demandent les militants Mcddi, histoire de dire que les craintes de l’homme de Mpila de voir Brazzaville à feu et à sang ne sont pas forcément fondées.

Prendre de la hauteur : c’est ce que les militants du Mcddi attendent de Sassou tandis que ceux de Sassou attendent, en retour, un minimum de reconnaissance de la part des militants de Kolélas. Il leur est reproché de ne pas avoir le moindre mot de gentillesse à l’attention du président congolais pour le geste qu’il a fait à l’endroit de leur leader en permettant son évacuation en Europe et, probablement, en prenant en charge la sécurité sociale de la présidente du Mcddi, depuis son agonie jusqu’à sa mort. « Ingrats, ils sont ingrats » disent, amers, les sympathisants de l’homme fort de Brazzaville.
Il y a, manifestement, un dialogue de sourds entre les deux camps car ce que ceux-ci prennent pour de la générosité est considéré comme une récupération politique par ceux-là.

Rencontre au sommet

En revanche ce qui devrait réconcilier les deux camps, c’est cette info donnée (au conditionnel certes) par Mwinda selon laquelle les deux hommes, Sassou et Kolélas, se seraient croisés à Paris après le périple de l’Homme des masses en Chine. Si cette rumeur est vraie, on peut alors dire que ladite rencontre a scrupuleusement respecté l’incognito le plus absolu. Preuve supplémentaire que le sceau de la confidentialité et du secret a gravement scellé la bouche de l’entourage parisien de Kolélas. On comprend alors en lisant certaines réactions sur le site Mfoa Yikoba que des militants désabusés accusent cet entourage de duplicité. On comprend également le mutisme de la famille Mcddi de Paris depuis que le drame qui frappe la famille Kolélas a commencé.

Tout se passe comme si, au sommet de la hiérarchie, les leaders s’entendaient sur le dos des militants de base. Il se passe, en effet, des choses insolites dans cette affaire de plus en plus ténébreuses. Pendant que les militants des deux camps s’envoient des noms d’oiseaux, les chefs fileraient-ils le parfait amour ? Mais à quoi correspond une telle stratégie ? « Corruption ! » disent les uns. « Souci de réconciliation nationale » rétorquent les autres.

Le meilleur et le pire

La vérité est que dans l’affaire qui est en train se dérouler sous les yeux des Congolais sont contenues les germes du « meilleur et du pire » de notre histoire.
Cela ne tient qu’aux principaux protagonistes de lui donner une tournure ou une autre.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans la mort de l’épouse du chef du Mcddi, le Congo a toutes les chances de revivre la paix durable grâce à laquelle ce pays va enfin se reconstruire. A l’instar de Nelson Mandela, les huit ans d’exil de Kolélas devraient lui servir de matériau dans lequel puiser les éléments du pardon, de l’amour et de la réconciliation. L’Afrique du Sud où les tensions politiques étaient infernalement explosives a réussi sa transition vers le grand pardon général. Ce que les Africains du Sud ont réussi à faire, les Congolais peuvent aussi le reproduire.

Eloquent silence

Le silence de Bernard Kolélas depuis le début du douloureux épisode parisien s’inscrit peut-être dans cette logique de paix, de pardon et de réconciliation. "J’ai essayé de joindre le "Vieux" au téléphone. En vain. Il était en pleine méditation" dit, fort ému, un militant. Kolélas s’abandonne désormais dans la prière.

La veillée du vendredi sera certainement la grande veillée avant la levée du corps pour le retour au pays où Kolélas a le choix de donner soit le pire soit le meilleur de lui-même. Car de source sûre il est acquis que Kolélas accompagnera la dépouille de son épouse à Brazzaville. "Ta Kolélas kota ka kota
ku ma vula"
nous a-t-on assuré.

Mais peut-on dire que la rencontre fortuite au sommet entre Sassou et lui a servi aux deux hommes de se donner l’assurance de libérer ce qu’ils ont de meilleur en eux ?

Espérons-le.

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