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Patrick Eric Mampouya : une leçon de courage

Eric Patrick Mampouya, virulent blogueur va se rendre au Congo. Et il tient à le faire savoir à qui de (non) droit.
"Même pas peur : je serai au Congo au mois d’août. Cessons d’avoir peur pour construire un Etat de Droit" dit-il d’entrée de jeu.

Pour une fois, souligne l’écrivaine, Eveline Mankou qui a également reçu le puissant texte d’Eric Mampouya annonçant son voyage au bercail, les strophes de notre hymne national méritent qu’on les remette en mémoire :

"Congolais debout, fièrement partout,

proclamons l’union de notre nation…"

Eloge du courage

Le courage est une vertu. Dans ce champ si violent qu’est la politique, combien d’entre nous l’ont ? Ceux qui lisent le site dont le slogan est « Cessons d’avoir peur  » connaissent Patrick Eric Mampouya, un Bayard de la plume, un Ivanhoé de la politique dont les actes sont vécus par les fossoyeurs de la République comme un grain de sable dans la chaussure. Eric Patrick Mampouya se dit « militant politique très engagé pour la Restauration de l’État, des Droits et de la République au Congo Brazzaville.  »

Patrick Eric Mampouya est, excellente parade protectrice, « Membre d’Amnesty international, (qui) milite activement au sein de l’association CODICORD (Coordination de la Diaspora Congolaise Pour la Restauration de Démocratie) dont le siège est à Epinay sur Seine en France. »

Les partisans du Chemin d’avenir doivent se gratter la tête en se demandant quelle mouche a piqué ce farouche opposant qui avoue résider en France où il se livre à un «  activisme effréné en organisant des manifestations, des réunions, des meeting en salle ainsi qu’une cyber guérillas à travers le réseau mondial et mon Web-Site http://www.mampouya.com/ contre le régime de Denis Sassou Nguesso et son système mafieux mais aussi contre toutes les personnes qui le soutiennent. »

Justement c’est ici qu’il ne faut pas entrer dans le jeu de ceux qui asservissent les Congolais, répandant l’idée qu’ils sont tellement cruels qu’il va de l’intérêt de ceux qui critiquent de ne pas tomber dans leurs griffes.

En vertu de cette idéologie de l’intimidation, on ne compte plus le nombre de Congolais de la diaspora qui préfèrent"sagement" laisser le tyran régner tranquillement puis mourir de sa propre mort avant de songer un jour retourner au pays. Cette "sagesse", on s’en doute, est une aubaine pour ceux qui, justement, veulent dissuader les "empêcheurs de tourner en rond" d’aller sur le "terrain", là-bas à Mavoula.

Or, contre toute attente, Patrick Eric Mampouya n’entend plus jouer les "sages" (entendez "prudent opposant refusant de s’exposer aux risques")

C’est ce que certains appellent "opposition de la rupture", celle qui consiste de changer de fusil d’épaule, de ne pas se contenter de discours mais opérer des passages à l’acte. Théorie pratique ou pratique de la théorie. La rupture c’est également ne pas faire ce que l’adversaire attend qu’on fasse. Les intimidateurs congolais veulent que les gens battent en retraite quand ils sortent leurs canines de la répression. Donc je nous recommande de ne surtout jamais flipper face à l’adversaire quand bien même ce dernier vous vise avec sa kalachnikov. Le chien du PCT aboie, la caravane de la résistance passe son chemin.

Patrick Eric Mampouya connaît bien la fourberie humaine. Il anticipe sur ce dont est capable un régime politique quand on représente une menace pour ses intérêts. Pour préserver sa tranquillité, quand le tyran se sent agressé il te tend un piège, souvent grossier. Tant pis si ce piège est cousu de fil blanc. Donc soyons vigilant. Aussi, pour conjurer le mauvais sort, Eric Mampoya prend les devants :

« Avant qu’on me prête des intentions fallacieuses sur ma présence au Congo ou qu’on me bricole un motif quelconque pour entraver ma liberté de mouvement et de parole, je tiens à préciser qu’à ce jour je ne fais l’objet d’aucune plainte ni poursuite judiciaire ou politique au Congo Brazzaville et en France. Tous mes documents de voyage sont à jour (certificat d’hébergement, visas, carnet de vaccination, passeport etc.…). »

Voilà, c’est clair.

Mais c’est clair aussi qu’être en règle n’est pas une garantie protectrice dans le ténébreux champ de la politique où, tous les coups étant permis, les protagonistes adorent faire l’exact contraire de ce qu’ils disent. On prête au Pouvoir de Brazzaville des intentions désormais conviviales. Hum... Mais qu’on se souvienne seulement des « Disparus du Beach  » en 1999, massacrés par Sassou alors qu’ils furent invités de rentrer au bercail par la grâce du même Sassou. Le respect de la parole donnée n’est pas la principale qualité des dictateurs. On ne dira jamais assez d’être "vigilants".

Dans tous les cas Eric Patrick Mampouya n’est pas du genre suicidaire, agneau se rendant, tête baissée, à l’abattoir.

« Je suis ni inconscient ni fou ; j’aime et je tiens à la vie, je n’ai donc pas l’étoffe d’un héros et encore moins celui d’un "martyr". Mon voyage au Congo n’est qu’une étape de mon activisme.  »

Si, si, Eric ! C’est de l’héroïsme ce que tu vas entreprendre dans les jours à venir.

Il est vrai qu’on se demande : que va-t-il chercher dans cette galère ?

«  Le but essentiel de mon voyage est la rencontre avec toutes les personnes qui veulent "Un autre Congo" ainsi que les forces de changement qui souhaitent s’organiser pour mettre en œuvre des stratégies efficaces de sortie crise pacifique afin d’instaurer dans notre pays une paix véritable qui ne repose pas sur la Peur.  »

Noble objectif. C’est le même qui ramena Victor Hugo à Paris après son exil en Belgique suite à un coup d’Etat contre Napoléon III. A ses risques et périls. De toute manière notre professeur, le politologue Jean-William Lapierre nous enseigna que : "l’intellectuel est l’homme pas qui le risque arrive."

Eric le Viking

L’ennemi tend le piège ; le héros déjoue le piège. Eric Mampouya a d’autant plus pris ses dispositions qu’il ne sait pas ce qui l’attend à Brazza. Deux précautions valant mieux qu’une, il a d’abord rendu public son intention de se rendre au Congo ; ensuite il a activé ses relations avec la presse locale : « Toutes les personnes qui voudraient me rencontrer sont priés de contacter le Journal Talassa ou son Rédacteur en Chef Ghys Fortuné Dombé. »

Bien vu Eric le Viking du blog ! Une fois un coup fourré éventé, ce coup entre dans le champ des actes inefficaces.

Un cours de science politique à titre de rappel : « Être Opposant est un Droit Constitutionnel au Congo Brazzaville. Dans une démocratie un opposant n’est pas un ennemi mais un adversaire politique ou un allié qui peut servir à faire progresser les idées et les projets (quand les institutions fonctionnent correctement).  »

C’est hélas loin d’être le cas dans nos contrées tropicales où poursuivre l’opposant jusqu’à ce que mort s’ensuive est une obsession.

Métaphore militaire à l’appui, Patrick Eric Mampouya définit sa conception des traités juridiques : « C’est donc muni du gilet Pare Balle que sont mes Droits fondamentaux adoptés, proclamés et ratifiés par le Congo Brazzaville que je me rends avec confiance et détermination dans mon pays pour essayer de travailler avec toutes les personnes de bonne volonté qui souhaitent que le Congo Brazzaville redevienne un pays comme les autres.  »

Même s’ils ont la peur au ventre, des personnes de bonne volonté, en effet, existent au Congo, héros travaillant dans l’ombre, zone que le philosophe Alain qualifie comme étant celle de tous les pouvoirs, offensifs, subversifs, avertis, travestis, introvertis. Ce qui veut dire qu’il faut se méfier aussi de l’ombre car la police secrète, les indics, les mouchards, les balances pullulent à Brazzaville, surtout, dit-on, dans la "Commune de Bacongo", fief naturel de la résistance. Des communards conards, ça existe dans toutes les insurrections.

N’ayons pas peur

Propos papaux (n’ayez pas peur) valables pour les Congolais soumis, il est vrai, au régime le plus policier jamais connu depuis la milice coloniale (les mboulou mboulou à la chéchia rouge). Pour Eric Patrick Mampouya « Tous les Congolais doivent cessez d’avoir peur pour exiger le respect des droits fondamentaux et des institutions de la République qui sont les seuls gages d’une paix véritable et du développement de notre pays. Depuis les indépendances le Congo Brazzaville est plongée dans un cycle infernal de crise politique, sécuritaire et humanitaire.  »

D’accord, la peur publique est l’alliée de la dictature.

C’est toujours la même histoire quand on veut comprendre la dictature. Ceux qui sont aux affaires, souvent de manière illicite (et sûrement à cause de ça) refusent le jeu de l’alternance politique « Cette grave crise trouve son origine essentiellement dans le refus obstiné des dirigeants du pays d’accepter et de respecter les Principes Démocratiques d’accession au pouvoir et de sa gestion ; la Démocratie ne se limite pas à l’organisation des élections…. »
Surtout quand ces élections donne des scores fleuve du genre 99,99%...

Prise d’otage

Des gangsters dirigent ce pays : « Le Congo Brazzaville et sa population sont pris en otage par des dirigeants qui ne défendent pas les intérêts de la collectivité mais leurs intérêts particuliers et égoïstes.
Sans vision adaptée aux réalités objectives des Congolaises et des Congolais, ni projet économique et social de dimension nationale, beaucoup de politiciens, cadres administratifs et militaires du pays recherchent le pouvoir par tous les moyens y compris par la violence et la corruption. Une fois installés au pouvoir, ils se livrent à la prédation au détriment de l’intérêt général, et de la population dont le sort n’a fait que s’empirer d’année en année. Après un demi-siècle d’indépendance les dirigeants Congolais en sont encore à chercher des coupables et des boucs émissaires pour justifier leurs échecs.
 »

Pourtant Sassou ne peut pas dire depuis son coup d’état du 5 juin 1997 qu’on l’a "empêché de travailler !"

Indignons-nous !

La profession de foi d’Eric Mampouya s’achève sur un discours sur la soumission et le droit de s’indigner contre ceux qui soumettent les autres. C’est aujourd’hui où jamais qu’il faut régler le problème. Le pire qui puisse arriver c’est de laisser en héritage les conflits d’aujourd’hui aux générations à venir.

Ceux qui ont l’habitude dire que le ciel ne leur tombera pas sur la tête quelles que soient leurs crimes économiques ont intérêt de méditer ce mot sublime mot de la fin : « La République est notre voûte céleste, si elle s’effondre, nous serons tous écrasés… »

Bon voyage cher Eric, reviens vite nous donner tes analyses comme Césaire son "Cahier d’un retour au pays natal " ou André Gide son "Voyage au Congo".

Louvouézo

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