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François Hollande face au dilemme Mokoko/Sassou

Rappel des faits

Qu’on ne s’y trompe pas. Les tensions politiques au Congo sont le reflet des luttes entre les compagnies concessionnaires françaises qui se partagent le Congo, comme jadis, sous la colonisation. Le Président français, François Hollande, en serait l’arbitre. Hier, au Congo, on a contrôlé son bois, son ivoire et ses produits vivriers, aujourd’hui c’est son énergie qui est visée. Parmi les protagonistes, il y a TOTAL le pétrolier et AREVA le spécialiste du nucléaire.

Des enjeux réels

Mine de rien, la France qui a la mainmise dans beaucoup de pays africains a choisi de protéger leurs dictateurs de la colère irradiée par le peuple pour sauvegarder ses intérêts. C’est un renvoi d’ascenseur entre l’ancien pays colonisateur et son pré-carré africain, une offre de bons offices dont se mêlent, à distance, les Etats-Unis de Barack Obama ; ce qui laisse libre-cour aux dérives du néo-colonisateur. Dommage !

Depuis l’élection de François Hollande à la magistrature suprême, le dictateur congolais a renoncé aux royalties que rapporte le filon du brut congolais, cela, au profit de certains hommes politiques français. Il est de notoriété publique que notre orfèvre du mal (entendez Sassou) a même fourni les « métaux  » (métaphore maçonnique du fric) ayant permis l’organisation de la Cop. 21, dans le but d’avoir le soutien de l’Elysée. Total : les Congolais continuent de s’appauvrir et leur pays est chaque jour pillé.

AREVA

D’où l’embarras du Président français et son cautionnement lors de la modification de la Constitution. Il reste que soucieuse de renouveler sa source énergétique, la France oscille entre le pétrole, le nucléaire et les énergies renouvelables dites propres. Le lobby nucléaire, très puissant, lorgne bien entendu sur le Niger et sur le Congo...débarrassé de l’ami Sassou très gourmand en matière de rente pétrolière. Voilà pourquoi le général JM3 (Jean-Marie Michel Mokoko) verra sa campagne politique financée par AREVA, une campagne, on l’a vu, dont la seule caution exigée par le cupide Sassou revenait à 25 millions de fca.

Il va sans dire que si AREVA, société spécialisée dans l’exploitation de l’uranium, a misé sur le général Mokoko c’est pour de futurs contrats d’exploitation de ce minerai fortement présent en RDC et qui aurait des ramifications au Congo-Brazzaville, précisément dans la région de Zanaga mais aussi à Makoua dont est originaire le rival de Sassou, celui-ci également Mbochi.

Comme le pétrole est aussi une spécificité du sous-sol de la Cuvette, ça ne serait que tout bénef si AREVA, grâce au ticket Mokoko, faisait d’une pierre deux coups en se diversifiant dans les hydrocarbures.

La thèse géologique selon laquelle le sous-sol Mbochi est aussi richement pétrolifère que le sous-sol Vili (soit dit en passant) mit un moment le feu dans l’esprit des ressortissants de la Cuvette au point de donner naissance à des idées séparatistes aux originaires du coin. Ce n’était pas, du reste, pour déplaire à Modeste Boukadia qui rêve d’un Etat du Sud.

Loik le Floch-Prigent

La fièvre de l’or noir suscita des passions en tout genre aux ingénieurs d’Elf. Loik le Floch-Prigent (ancien PDG de Total) fut pressenti pour créer une société de prospection en hydrocarbures on shore, en pays Mbochi. Serait-ce pour cette raison que Elf prit faits et causes pour le nordiste Sassou dans la guerre qui opposa ce dernier au sudiste Pascal Lissouba ?

En tout cas, Sassou revint aux affaires grâce au coup d’état financé par le pétrolier français. Englué lui-même dans les affaires, Loïk le Floch Prigent tomba en disgrâce, fit la prison au Togo sans que Sassou ne lève le moindre petit doigt pour lui.

Les prises de positions actuelles de l’ancien PDG d’Elf (on l’a vu aux côtés des opposants congolais) sont soit une manière de se venger de Sassou l’ingrat, soit une manière de faire amende honorable pour tout le mal qu’il a fait au Congo en remettant Sassou en selle.

Substitution de Sassou par Mokoko

Que signifie le soutien financier de Mokoko par AREVA, société française qui exploite déjà l’uranium nigérien sinon une stratégie pour substituer un interlocuteur au kleptomane Sassou à la tête du Congo ?

AREVA, constructeur de centrales nucléaires, mise sur Mokoko pour avoir accès à l’uranium congolais. Ce qui suppose que même si Sassou s’est autoproclamé vainqueur dès le 1er tour (à 60 %) le bonhomme n’est pas encore prêt à succéder à sa propre personne. Pour le vainqueur par KO, le pire est à venir. Si la bataille du Congo résume un conflit d’intérêt entre TOTAL et AREVA avec en arrière-plan deux philosophies de la coopération dont l’essence diverge, on ne pense pas que ces spécialistes du nucléaire (comme au Niger avec Issoufou) aient pu miser sur une pièce pour essuyer un échec. Dans ce monde brut des affaires, on ne mène pas des combats pour les perdre. Alors Mokoko, futur Président du Congo ? Wait and see.

Quand on a vu l’usage que le dictateur congolais a fait des revenus pétroliers et surtout la façon dont il a l’habitude de salir les locataires de L’Elysée par des odieux chantages, on comprend le douloureux dilemme devant lequel se trouve le socialiste François Hollande lui-même soumis à la pression du lobby industriel français.

D’où sa formule lapidaire sur le droit de Sassou de consulter le peuple pour changer (bien sûr en trichant) sa Constitution de 2002.

Nous risquons de nous retrouver dans la situation de Gbagbo/Watara où le Maître favorisera l’affrontement entre Mokoko et Sassou pour ensuite choisir son vainqueur après avoir affaibli l’État et ce, aux sacrifices de milliers de vies humaines. Il faut éviter ce scénario.

De la meilleure solution

Il faut éviter cette fêlure profonde qui entrainera encore le Congo dans le chaos en atomisant au passage la sous-région déjà taillée en pièces dans sa partie Est des Grands Lacs. Le bon sens nous recommande le respect de la sociologie politique du Congo. Après trente ans de règne, Sassou a fait l’objet d’un rejet total de ses compatriotes. En vérité au lieu des 60% des voix brandies nuitamment, le bonhomme n’aurait recueilli qu’un maigre 4 %. Les dégâts sont pires qu’en 1992 lorsqu’il obtint 15%. Mokoko, électron libre, a des atomes crochus avec près de 90 % des électeurs congolais. Tout pour plaire à ses soutiens financiers. Ceux-ci espèrent investir dans un pays apaisé où les tensions dues aux injustices sociales sont évacuées. Le dialogue est une mine d’or. C’est dans le dialogue que les Congolais trouveront le filon de la paix en envisageant un gouvernement de transition d’une période allant de trois à cinq ans.

Gouvernement de transition

Ce gouvernement sera dirigé par le général Jean-Marie Michel Mokoko et aura pour mission de réorganiser l’État. Durant sa campagne Mokoko a été précis comme un tailleur de pierre : «  il faut instruire des états-généraux pour la Nation avec toutes les compétences possibles, surtout (re) construire une véritable société civile. »

Le dialogue et la fermeté sont des critères nécessaires à retenir pour expliquer au monde que les temps ont vraiment changé et que le peuple congolais n’accepterait plus les manœuvres de la Françafrique. En définitif, la solution est aux mains de François Hollande, il ne lui reste plus beaucoup de temps. Soit, il prouve sa grandeur comme Homme d’état en intronisant Mokoko soit il opte pour la poursuite obstinée du dénigrement des Droits humains des Africains.

Ali Van KUN’ZT

Pointe-Noire, le 27 mars 2016

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