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Jean-Claude Gakosso ne démissionnera pas

Admirez cette prose : « Bref, ils étaient tous heureux et ils jubilaient de bonheur. Hélas, le fâcheux sort a décidé de transformer leur jubilation en un cauchemar pour leurs parents aujourd’hui inconsolables » (Congo-site). C’est Jean Claude Gakosso qui, au cimetière du Centre-Ville, dit ça en guise d’oraison funèbre. Un éloge en l’honneur des sept morts du Stade Eboué. Comme ça sonne faux ! Avec des trémolos dans la voix, on aurait dit André Malraux devant les cendres de Jean Moulin au Panthéon. Sauf que le ministre de la Culture de De Gaulle (Malraux) jouait dans une gamme supérieure. Ses oraisons font partie de l’anthologie de la poésie française.

Le Fespam, en lui-même, est une fausse note dans un pays où le diapason est généralement donné par les cris d’enfants mourant de faim. Dites-nous : à quoi rime cette fête en pleine défaite économique ? Le cauchemar c’est moins ce que le peuple a subi ce samedi 10 juillet 2011 que ce qu’il vit depuis l’avènement du monopartisme en 1997, c’est-à-dire depuis que les recettes pétrolières n’ont pour destination que les poches du clan Nguesso, notamment la gibecière d’un certain Cristel Nguesso (Mwinda 20 juillet 2011).

Il paraît que Jean-Claude Gakosso aime les belles phrases comme Malraux les belles lettres. Il reste que, pour une fois, le camarade Gakosso aurait pu se taire au lieu d’entamer son discours avec un accent à couper au couteau. Le sort, fut-il fâcheux, n’y est pour rien dans la tragédie du Fespam au Stade Eboué. C’est l’amateurisme du Chemin d’Avenir qui est à l’origine de la catastrophe d’Eboué.

Le devoir de démission

Ce Gakosso est chanceux. C’est le moins qu’on puisse dire. Il est né sous une belle étoile. Car sous d’autres cieux, sa carrière aurait immédiatement pris fin le 11 juillet. Il est temps peut-être qu’on lui rappelle le nombre de ses pairs qui ont remis leur démission pour moins que ça. Charles Hernu impliqué dans le scandale du Rambow Warrior rendit le tablier en tant que ministre de la Défense. En 1984, Alain Savary, ministre de l’Education, rendit sa démission à Mitterrand parce que son projet de réforme scolaire ne passait pas. En 2011, Michèle Aliot Marie fut congédiée pour avoir été complaisante avec le régime dictatorial de Ben Ali. Hervé Gaymard fut obligé de rendre sa démission : viré parce qu’il occupait scandaleusement un duplex de 600 m2 loué à 14.000 €/mois par l’Etat. Récemment le directeur du Scotland Yard, Paul Stephenson, a pris la porte parce qu’il espionnait journalistes et personnalités du spectacle et était corrompu. La liste est longue de ceux qui pour avoir failli à leur mission décident de se retirer de la vie publique pour ne pas se rendre la vie difficile.

Ce n’est pas donné à n’importe quel agent politique d’être né sous un régime dont le lexique juridique ne connaît pas les mots comme « honneur, démission », des mots qui fâchent. Charles Hernu, Alain Savary, Michel Aliot Marie auraient envié Jean-Claude Gakosso s’ils l’avaient connu. Plus un ministre de Sassou est incompétent, plus il est promu. Gageons que Gakosso gagnera des galons après sa médiocre organisation de la 8ème édition du Fespam.

Le tabou de la médiocrité

Ni dans leur conscience, ni dans les profondeurs du subconscient de ceux qui dirigent le Congo on cherchera en vain des mots de la même famille que « démission, honneur  », par exemple « audition, interrogatoire, mise en examen, procès, incarcération  ». La syntaxe en vigueur se résume au corpus suivant : «  impunité, promotion, gabegie, statu quo, continuité, causez toujours, allez voir ailleurs si j’y suis, allez vous faire cuire un œuf, le chien aboie la caravane passe, le ciel ne tombera pas, ébonga ébonga té toujours meilleur, mbéba, afouta a tala té »

Jean-Claude Gakosso qui, pourtant connaît ses lettres (il a fait tomber la consonne nasale de son patronyme), a dû s’étonner que les critiques demandent sa tête. Dans un pays où chacun n’en fait qu’à sa tête, Gakosso a, du reste, raison de ne pas voir sa tête rouler dans le panier. « Pourquoi moi et pas les autres ?  » s’est dit Gakosso (en fait Ngakosso). En effet il n’y a jamais eu de « précédent » ; dans la culture de Mpila démissionner est un acte politique que personne n’a jamais accompli. C’est comme demander à un être humain de grimper dans le vide. C’est impossible. Et puis, dans le modus operandi du PCT, l’idée de laisser vacante une place est inconcevable car c’est perdre une occasion en or de boukouter (s’enrichir illicitement).

L’hypothétique remise du tablier

Que deviendra Jean-Claude Gakosso une fois limogé du gouvernement ? Existe-t-il un avenir au Congo en dehors de la politique, notamment pour un agent du Chemin d’avenir ? On vous le demande.
Le bonhomme fut enseignant à la Fac. Mais comme chacun sait, l’Université Marien Ngouabi est mal en point comme le montre l’absence de distinction des chercheurs congolais à la dernière session du CAMES qui s’est déroulée à Brazzaville (le Cames est l’organisme africain habilité à valider les grades des universitaires du continent). Alors, demander à Gakosso de reprendre ses cours de journalisme à la fac... Vous n’y pensez pas !

Curriculum Vitae

Dans un français approximatif, Wikipédia nous informe que J-C. Gakosso était « Maître de Conférences, spécialiste du journalisme à l’ Université Marien Ngouabi de Brazzaville. En 1995 il a critiqué une loi votée par la presse l’ Assemblée nationale , accusant le gouvernement de « travailler à restreindre la liberté de presse". »

En clair il dénigre la dictature tout en soutenant un pouvoir qui s’essuie actuellement les godasses sur la liberté de la presse. Mais alors cet universitaire est doublé d’opportuniste !

Il est, dit-on également, écrivain. Il a commis un ouvrage : « La nouvelle presse congolaise -Du goulag à l’agora » Le Congo de Sassou, avec sa presse muselée, il eut été préférable de dire : de l’agora au goulag. C’est plus conforme à la réalité congolaise actuelle.

Il a ensuite préfacé un ouvrage collectif « Héritage de la musique africaine dans les Amériques et les Caraïbes »

Est-il capable de faire une introspection pour pondre un livre sur sa longue expérience au gouvernement ? (Il est à la Culture depuis Aimée Gnalli Mambou). Vous voulez rire. Ce n’est pas en préfaçant un ouvrage ou en réalisant un démagogique essai sur la presse congolaise qu’il pourra prétendre au Renaudot. Soyons sérieux ! N’est pas Alain Mabanckou qui veut…

Non, « comme un poisson dans l’eau »Jean-Claude Gakosso se sent bien au gouvernement. « J’y suis, j’y reste » semble-t-il dire dans sa macabre allocution au cimetière du centre-ville.

Plaque commémorative

Ne lui demandez donc pas de jouer les héros stendhaliens en démissionnant. Lugubre comme savent l’être les héros staliniens, il compte ériger une plaque en mémoire des victimes du Fespam… à défaut de créer une commission d’enquête sur la tragédie du Stade Eboué. Pas fou le bonhomme. A quoi bon prendre le périlleux risque de scier la branche sur laquelle il est assis.

Lire des épitaphes est un domaine dans lequel le pouvoir de Sassou est en train d’acquérir ses lettres de noblesses. On peut tout reprocher à Sassou sauf l’amour qu’il met dans l’art de donner des obsèques de luxe aux Congolais qui lui doivent la mort. On l’a vu s’investir avec un rare humanisme dans la tragédie du CFCO. On l’a encore vu cette semaine après le drame d’Eboué. Sassou aime les Congolais, morts ou vifs, de préférence morts. Dieu merci, la providence lui a donné un Bossuet nommé Jean-Claude Gakosso. Il récite les requiem avec brio même s’il n’arrive pas à la cheville d’André Malraux, son célèbre homologue dont les bandes sonores continuent de donner la chair de poule aux auditeurs de France Culture.

Louvouézo

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