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L’Europe s’agrège ? l’Afrique se desagrège

Que faut-il attendre aujourd’hui de la constitution de l’Europe à 25

L’Europe vient de passer de 15 à 25. Voilà un géant économique, démographique, politique, qui prend forme et qui se pose en challenger face aux USA pour l’actuel leadership mondial et qui risque de compromettre encore plus les chances de développement du continent africain.

Source : www.amadoo.com

En effet, personne ne conteste le fait que, pour une population de 455 millions d’âmes représentant 7,3 % de la population mondiale derrière la Chine et l’Inde, ce nouvel ensemble de 25 pays aura son mot à dire. Le produit intérieur brut de la nouvelle Europe s’élève à 9 600 milliards d’Euros, soit 28 % de la richesse mondiale alors que le PIB américain dépasse les 11.000 milliards d’Euros. En Amérique comme en Asie, on a vu venir les choses. On a préparé les parades en tentant d’empêcher le regroupement européen ou en lui opposant d’autres regroupements. C’est le cas avec l’ALENA pour le continent américain et avec l’ASEAN pour le continent asiatique. Qu’en est-il de l’Afrique (même si elle ne représente que 2 % du commerce mondial) et qui a été aux avant-postes en matière d’union avec l’ OUA ? Si l’unité du continent a été très tôt ressentie comme une nécessité vitale à cause des souffrances endurées en commun qui avaient fait émerger une conscience africaine, entre les intentions et leur réalisation, il y a eu loin de la coupe aux lèvres, les performances sont loin d’avoir été encourageantes.

Que faut-il attendre aujourd’hui de la constitution de l’Europe à 25 voire plus en 2007 ? Même s’il n’est pas mobilisateur d’afficher un afro-pessimisme, il faut reconnaître que les choses seront encore plus difficiles pour le continent. Nous allons subir les contre-coups de cette agrégation renforcée du continent européen. Il ne sera pas aisé aux pays qui avaient des attaches historiques avec l’Afrique (France, Grande-Bretagne..), de poursuivre la même politique d’aide car chaque pays européen devra soumettre ses politiques aux critères de convergence, au Pacte de stabilité, bref aux priorités européennes pour ne pas dire à la préférence européenne.

A l’intérieur de l’Europe, il y a des pays -notamment dans la frange Est et baltique- en retard de développement et vis-à-vis desquels le Fonds de solidarité et autres fonds structurels devront dans la philosophie de la mise à niveau des Etats, injecter beaucoup d’argent, beaucoup plus que naguère ; ce sera autant de perdu pour l’Afrique.

Il y a aussi que la tendance à la délocalisation, qui profitait à certains pays africains parce qu’ils présentaient des avantages comparatifs comme par exemple une main d’oeuvre moins chère, risque d’être freinée sinon stoppée parce qu’il existe avec les pays entrants, une offre de main-d’oeuvre non seulement bon marché mais mieux formée.

Il ne faut pas être grand spécialiste en relations internationales, en commerce international.. pour entrevoir que l’horizon n’annonce pas l’éclaircie pour les Africains. La chose était d’autant plus inscrite dans l’ordre des choses que dans la plupart des pays européens, la tendance en matière d’aide internationale était à la restriction drastique. Maintenant, les Etats se défausseront sur la politique européenne d’aide globale au développement, qui sera moins sensible aux accents des liens historiques, linguistiques ou aux effets de mauvaise conscience des dominations passées.

Mais cela ne devrait pas nous étonner, nous autres Africains. Depuis la nuit des temps, les pays occidentaux n’ont conçu leur développement que par la sujétion, l’exploitation du continent africain. C’est toute l’histoire de l’esclavage, de la colonisation, dont les coûts économiques humains n’ont pas encore été totalement évalués non plus que leur incidence sur le retard de l’Afrique ; c’est le cas aussi avec la néo-colonisation, la détérioration des termes de l’échange, les subventions à l’agriculture... Sur le registre, on pourrait aller très loin jusqu’au cynisme car à y regarder de très près, ce n’est pas que les pays riches ne pouvaient pas ou ne peuvent pas aider l’Afrique à résoudre ses problèmes, c’est tout simplement parce qu’ils n’y ont pas intérêt.

Disons-le tout net, sans parler d’une politique d’indemnisation pour faits d’esclavage ou de colonisation.., on aurait pu imaginer des fonds style " Plan Marshall " mis en place sur la base de la solidarité internationale pour amener le continent, dans la perspective de préserver la paix mondiale, à combler ses handicaps. On ne l’a pas fait. On a préféré prendre le parti de barricader les portes de l’Europe, de créer une fortification juridique bénéficiant de dispositions sécuritaires dissuasives pour rendre étanches les frontières. Mais si ce n’était que cela ! Il faut pressurer l’Afrique jusqu’à l’os. On a toujours besoin, même atteint le stade de sur-consommation, du continent africain pour ses matières premières ; on en a besoin comme acheteur mais aussi comme consommateur de ses produits finis et aussi comme dépotoir. " Ils peuvent crever, ces Africains " : c’est le fond de la pensée des exploiteurs malgré les paroles doucereuses, malgré la mièvrerie des gesticulations diplomatiques.

C’est pour cela qu’aucun effort véritable n’est mis en oeuvre pour s’attaquer au sida, à la résorption des conflits, à l’effacement de la dette inique.., c’est pour cela que plus le temps passe et plus les bonnes intentions avancées vis-à-vis du NEPAD se diluent. Tenez, on parle de bonne gouvernance, de démocratie mais on se gardera bien d’aider les peuples africains à vivre sous ces valeurs universelles. Cela pourrait contrecarrer les intérêts occidentaux que d’avoir des gouvernements des peuples par les peuples et pour les peuples. La dernière guerre en Irak s’est faite sur le label des droits de l’homme et de la démocratie mais la suite des événements a montré notamment avec le " rush " sur Kaddafi et son pétrole, que la démocratisation du continent était loin d’être une priorité. Ce qu’il faut au contraire, ce sont des dirigeants qui, comme naguère les rois nègres, aident en percevant leurs dîmes, les grandes puissances à continuer à exploiter le continent.

Encore une fois, oui " Ils peuvent crever ", c’est la loi de la jungle mais c’est aussi la loi de la sélection naturelle. S’il faut même les y aider, on ne s’embarrassera pas. C’est pour cela que, par la vente des armes, par les autres commerces maffieux, par les crises politiques provoquées, les guerres civiles, les rébellions.. , on fait d’une pierre plusieurs coups : on réalise des affaires, on crée et préserve des emplois au Nord utile, on réduit l’immigration.. On empêche le continent de se mobiliser pour parvenir à cette indépendance qu’il souhaite, pour assurer une meilleure protection de ses grandes richesses comme en RDC, en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Centrafrique Pour perpétuer leur domination, les grandes puissances n’ont pas hésité à faire main basse sur les Nations Unies où la loi du nombre, les lois de la démocratie sont perpétuellement bafouées par la consécration dans les statuts de la domination des plus riches à travers le Conseil de Sécurité, le droit de veto. Le plus triste de tout cela, c’est que ni les élites, ni les masses africaines ne parviennent à faire éclater à la conscience du continent ce quasi génocide continu du peuple africain.

On ne peut pas passer son temps à soupirer cependant après les Chaka Zoulou, les Garvey, les Dubois, les N’Krumah, les Sankara. Nous devons, sous peine de confirmer que nous avons vocation à la purification raciale, à être les damnés de la terre, donc à disparaître, nous donner de nouveaux prophètes afin d’impulser une vigueur historique au néo-africanisme que l’on sent même en gestation, grâce à Dieu, à travers le comportement de certains leaders qui osent défier les exploiteurs du continent.


Proposé par : niaou

ebonga ebonga te...

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