email

L’adieu des congolais de France et de ses pairs à mgr Ernest Kombo

Ce lundi 10 novembre 2008, était très attendu par la communauté congolaise de Paris. C’était le jour de la levée de corps de Mgr Ernest Kombo et du dernier adieu, avant le rapatriement pour Brazzaville. Seuls, par couple, ou encore par petits groupes, de nombreux Congolais et amis du Congo, sont venus au funerarium puis à l’église du Val de Grâce pour la messe en présence de la dépouille de Mgr Kombo.

Dans l’assemblée, on notait la présence de son Excellence Mr Henri Lopes, ambassadeur du Congo à Paris et ses collaborateurs, du ministre Hombessa, du directeur de l’hôpital du Val de Grâce et son épouse, du directeur adjoint de ce même établissement, et de plusieurs autres personnalités politiques.
La messe, animée par la chorale congolaise et la scholas populaire de Paris, a été présidée par Mgr Hervé Itoua, évêque émérite du diocèse de Ouesso. Il y avait comme concélébrants Mgr Xavier Baronnet, archevêque émérite de Victoria (Seychelles), Mgr Michel Kouaya, frère aîné de Mgr Ernest Kombo et de nombreux prêtres congolais de France, d’Italie et de Belgique.

Cette célébration très recueillie a été clôturée par le rite de l’absoute donné par Mgr Xavier Baronnet, archevêque émérite de Victoria. Nous vous livrons ici le texte de l’homélie de cette messe donneé par l’abbé Olivier Massamba-Loubelo, commentant le texte d’évangile relatif à la rencontre entre Jésus et les deux disciples d’Emmaüs. (Lc 24, 13-35)

Homélie pour la messe de levée de corps de Mgr Ernest Kombo, par l’Abbé Olivier Massamba-Loubelo

Depuis le 22 octobre2008, date du décès de Mgr Ernest Kombo, la plupart d’entre nous avons participé à des veillées et des messes à sa mémoire ; tout en évoquant le souvenir de cette grande figure de l’Eglise et du Congo, nous avons prié et écouté la Parole de Dieu pour que s’éclaire tant soit peu ce qui peut nous paraître révoltant, absurde, ou comble de désespoir dans la mort d’un homme qui pouvait encore donner tant de choses au peuple de Dieu et à la nation congolaise.

Si de tels sentiments ont pu nous traverser l’esprit ou nous habitent encore en ce moment, n’en ayons pas honte car même nos ancêtres dans la foi, les disciples de Jésus, ont été habités par les mêmes sentiments que nous lorsqu’ils ont vu leur maître arrêté, jugé, condamné à mort et crucifié comme un dangereux malfaiteur qui menait le peuple à la perdition : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël... ». Ces mots dits par les deux disciples qui rentrent de Jérusalem trois jours après la mort de Jésus traduisent le désarroi de l’ensemble des amis du Christ qui attendaient de lui la restauration d’Israël une fois que les colonisateurs romains auraient été boutés hors de la Palestine. Ils pensent que sur la croix l’espérance est morte. C’est donc la tête basse et sans doute aussi la peur au ventre que ces deux disciples regagnent leur village quand un étranger les rejoint qui va oser remettre en cause leur défaitisme et les conduire par les Ecritures à l’intelligence du mystère de la Croix. Ils ne se doutent pas un seul instant que c’est le Seigneur Jésus qui marche avec eux comme Dieu a toujours marché avec le peuple d’Israël depuis qu’il est entré en alliance avec lui.

Mais il faudra du temps et surtout la force de l’Esprit Saint pour que les paroles de Jésus prennent corps chez les disciples et qu’elles leur procurent la vie, car ce sont eux qui sont morts et non Jésus ; un jour Jésus soufflera sur eux pour qu’ils reçoivent le Saint-Esprit, qu’ils deviennent des hommes nouveaux et aillent annoncer au monde que le Crucifié est ressuscité et qu’il a transformé cette chose hideuse et révoltante qu’est la mort en passage vers la Vie en plénitude.

Il faudra aussi qu’ils communient à la Vie du Ressuscité en mangeant son corps ; n’est-ce pas au moment où Jésus rompt le pain et le leur partage que leurs yeux s’ouvrent et qu’ils le reconnaissent ? Et aussitôt, ils se lèvent se remettent en marche, cette fois-ci remplis de joie, et repartent vers Jérusalem pour parler de Jésus non plus comme un homme du passé mais comme leur présent et leur avenir, Le Vivant pour toujours. Peu importe qu’il ait disparu à yeux de chair, ils sentent sa présence à leur côtés : oui, on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible aux yeux, comme le dit Antoine de Saint-Exupéry. L’évangile nous fait donc découvrir deux chemins tout à fait différents et apparemment opposés : l’un qui mène de Jérusalem à Emmaüs, hanté par la mort et le désespoir : « Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! » ; l’autre qui mène d’Emmaüs à Jérusalem, rempli de joie et de vie : « C’est vrai ! Le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre ». Ces deux chemins opposés en apparence sont en réalité un seul chemin : celui de la foi qui passe par des moments de doute, par le sentiment d’être abandonné de Dieu et des hommes et qui, au moment où Dieu ouvre nos yeux, devient un chemin d’affermissement, de vie et de confiance en Dieu.

Si nous partageons avec les deux disciples de l’évangile le douloureux chemin de Jérusalem à Emmaüs, chemin de désespoir et de mort, pourquoi ne partagerions-nous pas également avec eux le chemin de confiance et de vie d’Emmaüs à Jérusalem pour croire aujourd’hui que la mort de Mgr Ernest Kombo n’est pas le coup d’un mauvais génie mais que dans sa volonté souveraine, Dieu l’a appelé à la rencontre ultime et plénière de l’amour et de la vérité, de la justice et de la paix qu’il a cherchés toute sa vie avec la vision du prophète qui voit loin et annonce ce que d’autres ne voient pas et qui, de ce fait, se fait traiter de fou ou de menteur par la cité.

Passion de l’amour et de la vérité, de la justice et de la paix, telle était la pâte dont était fait Mgr Kombo ; une passion qu’il a vécue au double sens du terme : enthousiasme et engagement pour ce qui faisait grandir les personnes et la communauté et en même temps, comme le revers de la médaille, souffrance morale devant les blocages de ceux dont il recherchait le bien. Lui-même en parlait avec une grande liberté et prenait le soin de préciser qu’il avait reçu plus de coups de la part de ses frères et sœurs en Eglise que des hommes politiques.

Devant le corps de ce pasteur que Dieu avait donné à son Eglise qui est au Congo, une Bonne Nouvelle se fait entendre et prend chair ; cette Bonne Nouvelle s’appelle Eucharistie, traduisons action de grâce, remerciement, reconnaissance à Dieu qui nous aime en nous donnant son Fils Jésus. Et c’est aussi le lieu pour dire merci à Dieu de ce que fut Mgr Kombo au milieu de nous, de sa contribution à l’édification d’une Eglise vraiment catholique et non repliée sur des ressorts ethniques, d’une Eglise où les liens de l’eau, c’est-à-dire, la fraternité baptismale, sont plus forts que les liens du sang, c’est-à-dire, du clan ou de l’ethnie. C’était l’autre combat de sa vie, en même temps que celui pour la justice et la paix. Ce combat, il l’a mené dans les diocèses de Nkayi, de Pointe Noire et d’Owando.

Merci à Dieu pour toutes les vocations sacerdotales et religieuses qui ont germé et grandi grâce à la ténacité et la prière de Mgr Kombo, partout où il est passé, particulièrement dans le diocèse d’Owando.

Merci à Dieu pour la conduite de la Nation congolaise que Mgr Kombo a assuré à un moment critique de notre histoire commune.

Merci à Dieu pour toutes les guérisons intérieures qu’il a opérées par la personne de Mgr Kombo, particulièrement dans son engagement au renouveau charismatique.

Devant le corps de ce pasteur que Dieu avait donné à son Eglise, une Bonne Nouvelle se fait entendre : cette Bonne Nouvelle, c’est que nous acceptions de nous laisser dépouiller de notre propre sentiment pour que l’amour de Dieu nous habille de paix, cette paix que Jésus ressuscité transmet à ses disciples chaque fois qu’il les rencontre. Paix à nous tous ici rassemblés, paix au peuple de Dieu qui est au Congo, paix spécialement à la famille de sang de notre pasteur dont plusieurs membres sont parmi nous ; vous avez donné Ernest Kombo à l’Eglise, vous l’avez toujours accompagné de votre affection de votre prière : que Dieu vous le rende au centuple.

Cher grand frère, Ernest, je me permets de m’adresser à toi au nom de ceux qui partagent la tristesse de ton départ mais aussi la même espérance en la vie éternelle qui commence déjà ici-bas par l’amour fraternel : nous avons du mal à imaginer qu’au Paradis le baroudeur de la justice et de la paix que tu as été sur cette terre restera inactif, toi qui te plaisais à dire : « ma mission n’est pas encore terminée. » Importune tout le monde là-haut, comme tu sais le faire, pour qu’au Congo, l’Eglise et l’ensemble de la société croient et travaillent à l’unité et à paix sans lesquelles le progrès ne sera qu’une illusion.

Nous le croyons, Dieu qui a ressuscité son Fils Jésus fait passer de la mort à la vie ceux qui ont été baptisés en Jésus-Christ. Notre prière pour notre frère Ernest est l’expression de notre foi en Dieu qui comble bien au-delà de leurs mérites ceux qui mettent en lui leur confiance : « Tu es Seigneur ma lumière et ma force », telle était la devise épiscopale de Mgr Kombo.

Seigneur, fais briller ta lumière sans déclin sur notre frère Ernest. Amen

Abbé Olivier MASSAMBA-LOUBELO
Texte recueilli par Gabriel SOUNGA BOUKONO
Président de l’Association Cardinal Emile Biayenda France (ACEB France).
Contact : acebfrance BhJ yahoo.fr¨


Déclaration de la Conférence Episcopale du Congo-Brazzaville n°1 sur les obsèques de Mgr Ernest Kombo

Il a plu au Seigneur de rappeler à Lui, son serviteur, notre frère Mgr Ernest Kombo, Evêque d’Owando. C’est toute l’Eglise du Congo qui est en deuil et qui perd ainsi un pasteur zélé et de grande valeur humaine et spirituelle. C’est aussi notre pays, le Congo, qui pleure un de ses dignes fils qui, à un moment-clé de son histoire, en a conduit les destinées. Nous savons comment Mgr Ernest Kombo s’est totalement donné à sa mission de pasteur et combien il s’est investi avec le tempérament de feu qu’on lui reconnaît, pour le développement du diocèse d’Owando et ce, pendant 20 ans (1988-2008, dont deux ans comme administrateur apostolique et 18 ans comme évêque diocésain).

Les fruits sont là, bien visibles, de ce labeur apostolique. C’est pourquoi nous tenons à rappeler la belle tradition de l’Eglise à laquelle nous adhérons, tous, et qui veut que l’évêque défunt soit enterré dans sa cathédrale. En effet, le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Mgr Ernest est de faire en sorte que sa dépouille soit accueillie par cette « terre d’Owando », au milieu de cette portion du peuple de Dieu qu’il a « épousée » au nom de son Seigneur et de son Maître, le Christ.

Nous exprimons, ici, le sentiment de l’ensemble du peuple de Dieu qui est au Congo. Tout en comprenant et en respectant le vœu de la famille, nous pensons que cette belle tradition de l’Eglise bien significative, doit prévaloir. C’est aussi l’expression de notre foi dans le lien spirituel profond que, par l’ordination et la prise de possession canonique, l’évêque entretient avec son Eglise. C’est, certes, un sacrifice pour la famille, pour tous ceux qui le veulent proche, mais nous pensons qu’un tel sacrifice est l’aboutissement admirable de ce don d’Ernest que cette même famille a fait à l’Eglise.

Que le Seigneur nous soutienne, tous, dans cette épreuve qui devrait être, pour chacun de nous, purificatrice et féconde.

Les Evêques du Congo BP 200 Tél. 553.27.66 Brazzaville (République du Congo)

Déclaration de la Conférence Episcopale du Congo-Brazzaville n°2 sur les obsèques de Mgr Ernest Kombo

Dans notre déclaration du 7 novembre 2008, (La Semaine Africaine n°2841), nous avons rappelé la grande tradition de l’Eglise confirmée par le Code de droit canonique :

« Les funérailles de l’Evêque diocésain seront célébrées dans sa propre église cathédrale, à moins que lui-même n’ait choisi une autre église ». (Canon 1178).

« …Les Evêques diocésains, même émérites, doivent être enterrés dans leur propre église » (Canon 1242).

Cette exigence ecclésiale veut exprimer le lien spirituel profond entre l’Evêque et l’Eglise locale. Et nous estimons que ç’eut été le meilleur témoignage que nous pouvions rendre à notre frère, Mgr Ernest Kombo, lui qui s’est totalement investi pour le développement de son diocèse d’Owando, et pour l’unité au sein de l’Eglise et de la nation.

Devant le refus manifesté par la famille d’accueillir cette exigence de la tradition et du droit de l’Eglise-famille de Dieu, pour éviter tensions déplorables et débordements qui terniraient la mémoire de l’illustre disparu, nous demandons à Mgr l’Archevêque de Brazzaville, de l’inhumer dans le cimetière des ouvriers apostoliques, aux côtés de l’Archevêque émérite de Brazzaville, Mgr Barthélemy Batantu.

Nous exhortons tous les fidèles et notre peuple à vivre ces moments douloureux dans la foi, le recueillement et la paix.

Les Evêques du Congo BP 200 Tél. 553.27.66 Brazzaville (République du Congo)

Textes recueillis par :
Gabriel SOUNGA BOUKONO,
Président de l’Association Cardinal Emile Biayenda France (ACEB France).

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.