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Nigeria

L’élection de Miss Monde provoque un bain de sang

La prochaine élection, le 8 décembre de « Miss Monde » à Abuja est vécue comme une provocation par les musulmans des Etats du nord de la fédération nigériane. Selon des organisations humanitaires, il y aurait déjà plus d’une centaine de morts.

Un article paru dans le journal This Day à Kaduna le 16 novembre a provoqué le mécontentement des musulmans. Ils ont jugé l’article blasphématoire. En effet, le journal s’interrogeant sur les arguments du front du refus du concours de Miss Monde au Nigeria, organisé par les imams, avait écrit que le prophète Mahomet lui-même aurait probablement choisi son épouse parmi les reines de la beauté présentes au Nigeria. Malgré les excuses du journal, des groupes de fondamentalistes musulmans, plusieurs centaines, s’en sont pris aux bureaux de This Day, l’ont saccagé et incendié le 20 novembre. A Kaduna et dans plusieurs autres grandes villes du nord du Nigeria plusieurs églises ont été incendiées. Ces réactions font craindre aujourd’hui le pire. Des affrontements interreligieux et interethniques en 2000, dans les mêmes régions avaient fait plusieurs milliers de morts. Plusieurs organisations humanitaires ont déjà dénombré plus d’une centaine de morts en trois jours d’émeutes dans les Etats musulmans du nord du Nigeria.

Dans les rues de Kaduna, les manifestants ont érigé des barrages, mettent le feu aux pneus et pillent des magasins. Ils ont aussi mis à sac deux hôtels de la ville de Kaduna qui reste le centre le plus secoué par les émeutes. Des groupes de chrétiens se sont aussi organisés et ont mené des opérations de représailles en brûlant des mosquées. Les autorités policières, religieuses, administratives et politiques ont constitué un groupe de réflexion pour tenter de ramener le calme. Les autorités fédérales d’Abuja ont également dépêché sur place à Kaduna, des émissaires qui devront mener des négociations avec toutes les partes en conflit. La police littéralement débordée a reçu le renfort de l’armée qui fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les assaillants. Un couvre-feu a également été instauré de 18 heures à 6 heures locales.

Rencontre annulée avec Obasanjo
En marge des médiations, plusieurs groupes d’oulémas, persuadés que la crise est due au maintien du concours pour l’élection de Miss Monde à Abuja, ont demandé au président Olushegun Obasanjo d’annuler la cérémonie. « Personne ne peut prédire ce qui arrivera si le concours est maintenu » ont-ils ajouté. De nombreux autres fondamentalistes musulmans ont promis de perturbé la cérémonie l’assimilant à un « défilé de nus obscène ». La tenue de la cérémonie, pendant le mois de jeûne, le ramadan, est considérée comme une provocation. La rencontre entre le président de la République et les 90 candidates a d’ailleurs été annulée dans un souci d’apaiser les tensions, dit-on dans les milieux proches du pouvoir. Les représentants des dix Etats appliquant la charia dans le nord du Nigeria ont exigé des autorités fédérales la non retransmission de la cérémonie d’élection sur la chaîne nationale de télévision NTA.

Depuis le début des émeutes le dispositif de sécurité autour de l’hôtel de luxe où résident les 90 reines de beauté a été renforcé. Les autorités nigérianes encadrent aussi sévèrement toutes les visites touristiques prévues pour les jeunes femmes. Les sites et lieux sont soigneusement choisis pour que leur sécurité soit garantie. Ce concours sous haute surveillance n’est pas seulement menacée de boycott par les fondamentalistes musulmans. Les miss, représentant la France, le Canada, la Belgique, la Côte d’Ivoire, le Kenya et la Norvège avaient prévu de boycotter cette cérémonie, mais elles ont finalement reçu des garanties sur la révision du procès d’Amina Lawal Kurami, jeune Nigériane condamnée à mort par lapidation pour adultère. Le gouvernement fédéral s’était engagé à empêcher l’application de cette sentence. Mais « malgré les assurances du président Obasanjo, le gouvernement n’a toujours pas pris de mesures efficaces pour garantir que la nouvelle législation pénale soit conforme à la constitution du Nigeria » estime Amnesty International.

Depuis le retour de la démocratie en 1999, douze Etats du nord du Nigeria ont adopté la loi islamique. Leurs tribunaux ont déjà prononcé cinq condamnations à mort, mais aucune n’a été appliquée.

DIDIER SAMSON
22/11/2002

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