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La côte du Kouilou bombardée ?

Suite à notre précédent article nous nous devions d’aller voir l’état de la côte après les opérations de démolition qui s’y sont déroulées la semaine dernière. Nous avons pu constater, dès la Rivière Rouge passée, que le paysage y prend des allures de politique de la terre brulée. Il semble que le but était de rendre les maisons inhabitables et certainement pas de débarrasser le paysage des constructions sauvages puisque tout est désormais champ de ruines.

Comment justifie-t-on écologiquement que des arbres aient été abattus par le troupeau de sangliers chargé des basses œuvres. Les photos jointes vous permettront de juger. A Tchissanga, un chantier impressionnant, abandonné depuis au moins deux ans a été épargné. Serait-ce un oubli ou parce que son propriétaire est un député de la majorité ?
Les démolisseurs ont cependant respecté les villages et c’est dans l’un de ceux-ci, Matombi qu’est situé le « Relais du Kouilou » qui a été épargné à ce titre, il est en outre situé avant la Rivière Rouge. Notre mauvais esprit nous faisait aussi supposer que le village de détente appartenant à une grosse entreprise aurait été épargné. Il n’en est rien, il a lui aussi subi la foudre des démolisseurs.
Des établissements touristiques qui se succédaient sur la côte et où les ponténégrins appréciaient tant de se rendre le dimanche, seuls deux peuvent encore travailler : « Les pieds dans l’eau » où les constructions en dur ont été cassées mais où un container a été épargné, et celui qui se trouve à Tchissanga, où aucune construction en dur n’existe depuis que celles qui y étaient ont été emportées par les flots.
Pourquoi cet empressement qui risque de faire croitre l’impopularité du gouvernement alors que les présidentielles approchent ? S’agit-il de montrer sa force pour se faire craindre de la population de Pointe-Noire et du Kouilou après les évènements du 7 juillet ?

Le chantier du député

Entre Matombi et Tchissanga, Joachim était le gardien d’une maison de week-end. Il vivait dans une maison en matériaux non durables en bordure de la parcelle à quelques mètres de la route (voir photo). La niveleuse venue démolir la maison de son patron n’a pas épargné son modeste abri. C’est avec une émotion palpable qu’il a répondu à nos questions.

Joachim

Ya Sanza : Monsieur, C’est votre maison qu’on a cassée ici ?
Joachim : Oui, c’est ma maison qu’on a cassée, c’est moi le gardien.

YS : La maison est très près de la route et éloignée de la mer, c’est là que vous habitiez avec votre famille ?
J : Oui c’est la maison que j’habitais avec ma famille, elle n’est pas près de la mer elle est au bord de la route. Je ne sais pas pourquoi on l’a cassée.

YS : Ils sont arrivés comme ça sans rien dire ? Ils vous ont dit de partir ? Ils ont cassé tout de suite ? Comment ça s’est passé ?
J : Ils n’ont rien signalé, ils ont fait ça comme ça, brusque. Avec toutes les machines ils ont dit : « on est venu casser… ». La fois passée on avait des réunions à faire, on a fait des réunions mais on a pas dit : « le jour tant vous devez libérer », on a dit : « on va finir août, et c’est là qu’on va casser les maisons. Attendez le 15 ou le 30, on va réfléchir, en attendant vous pouvez rester dans les maisons. ». Jusqu’alors,

Joachim sur la dalle de ce qui fut sa maison

nous les gardiens, nous sommes étonnés. On ne peut pas rester comme ça. On dirait même que nous sommes des étrangers. On ne peut pas nous faire ça, on a des enfants, on travaille, on se débrouille. Notre travail c’est là parce qu’à Pointe-Noire, en ville on ne travaille pas, il faut bien rester au village.

YS : Je vous comprends bien monsieur. Votre maison n’était pas en dur, c’était une maison en planches ?
J : Non, c’était une maison en planches.

YS : Normalement ils ne devaient pas casser les maisons en planches, ils avaient dit qu’ils ne casseraient que les maisons en dur…
J : Ah mais, je ne sais pas ils ont eu la colère de ça parce que je ne sais pas… Comme ils étaient accompagnés par des militaires, il y a des maisons où ils ont retrouvé des choses dans les maisons des gardiens. Mais chez moi, comme ils ont rien trouvé, ils ont dit : « c’est le gardien qui a fait sortir les choses, on aurait dû retrouver des choses. ». C’est peut-être ça, ils ont eu la colère ils ont

La famille de Joachim devant ce qui lui sert désormais d’abri

tout cassé. Je leur ai dit : « J’ai compris, laissez moi un jour ou deux, je vais démonter la maison, puisque vous cassez la grande maison je n’ai plus de raison de rester ici. Transporter les choses, ce n’est pas facile, surtout que je suis seul… ». Pendant ce temps la niveleuse a fait tomber ma maison en faisant une marche arrière. Il y avait un monsieur un peu brun, un congolais, il n’a rien voulu savoir il a dit : « Enlève-moi cette maison. J’ai dit
— Frère, tu n’as pas un souci de moi. Vraiment laisse je vais casser moi-même, tu ne vas pas me laisser dormir dehors. Moi je suis gardien, je peux dormir dehors mais regarde les enfants… »
Vraiment on dirait que nous ne sommes pas des congolais, que nous sommes des étrangers…

Joachim n’a plus que ça a garder...

Depuis deux jours, Joachim se reconstruit un abri de l’autre côté de la route. Il n’y a plus grand-chose à garder mais son patron est en voyage. Joachim restera à son poste tant qu’il n’aura pas d’ordres. Sa famille passera encore une nuit ou deux dans un abri de fortune en attendant que la nouvelle maison soit habitable.

Au retour, nous sommes allés voir du coté de la CORAF. De nombreux panneaux déclarent que les terrains appartiennent au Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN), Pourtant de nombreux chantiers de luxueuses maisons à étages battent leur plein sans qu’ils ne semblent être inquiétés. Deux poids deux mesures ?

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