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La traversée de l’horreur des refoulés

La RDC est confrontée à l’afflux massif de travailleurs illégaux expulsés par l’Angola dans des conditions épouvantables.

De notre envoyée spéciale à Kinshasa

Alliés politiques, les dirigeants de la République démocratique du Congo et de l’Angola, sont aujourd’hui confrontés au problème de l’expulsion de masse par Luanda de travailleurs illégaux congolais qui s’est transformée en véritable catastrophe humanitaire touchant des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, chassés essentiellement des zones diamantifères angolaises. La communauté internationale s’est peu à peu réveillée à l’horreur qui a entouré les refoulements et qui a été dénoncée depuis le début de l’année et jusqu’à ce jour par la section belge de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF Belgique) initialement seule présente dans les zones frontalières.

Ainsi fin avril, un représentant du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) à Kinshasa, a affirmé au cours d’un point de presse de la MONUC, la Mission de l’organisation des Nations unies en RDC, que des milliers de congolais en situation irrégulière dans les mines de diamants d’Angola sont expulsés de manière massive donnant lieu à une violation des droits de l’homme « extrêmement grave ».

La MONUC et OCHA ont effectué une mission conjointe à Tshikapa, territoire du sud-est du pays, pour s’enquérir de la situation des personnes expulsées d’Angola. « Les familles ont été séparées avant de traverser la rivière à la frontière entre la RDC et l’Angola. Les femmes ont été fouillées au corps. Elles ont été systématiquement battues et violées. La plupart d’entre elles ont été invitées à choisir entre leur vie sauve et celle de leurs propres enfants. Certaines mères ont été forcées de jeter leurs enfants dans la rivière. Les enfants ont été purgés de façon à pouvoir récupérer le diamant qu’ils auraient ingurgité, les hommes emprisonnés et malmenés », a précisé le représentant d’OCHA, Isaac Gilbert Gitelman. Il a estimé que 65.000 personnes ont déjà été expulsées et que leur nombre pouvait atteindre 100.000 dans les jours qui viennent, qualifiant ces expulsions de « véritables violations des droits de l’homme » .

Valentin Mukinda, médecin congolais et coordinateur du pool d’urgence de MSF Belgique en RDC, qui a effectué plusieurs visites sur place et vient de rentrer de Tembo, parle lui aussi de « conditions inhumaines » dans tous les postes frontières. « La foule des expulsés, encadrée par des militaires angolais devait par exemple traverser la rivière Tungila, au poste frontalier de Kahungula (province de Bandundu, dans le sud-est de la RDC) en s’accrochant à un câble reliant les deux rives. Pressée par les militaires angolais, certains se jetaient à l’eau ou tombaient et étaient emportés par le courant », nous raconte-t-il, photos à l’appui.

Par la suite, des responsables congolais sur place ont réquisitionné trois petits dinghies (canots pneumatiques) pour faciliter la traversée. « Au début, ajoute-t-il, personne n’a voulu s’occuper de ces gens dont beaucoup étaient des garimpeiros (creuseurs de diamants en portugais) car ils n’étaient pas des réfugiés selon les normes du HCR mais des réfugiés économiques ». Lui aussi fait état des récits des refoulés qui parlent de marches forcées, de viols, de fouilles humiliantes « pour chercher des diamants cachés ou des liasses de dollars enveloppés de papier alu ». Ils lui ont aussi parlé du mélange de vin rouge, de bière, de lait concentré sucré additionné de quelques gouttes de désinfectant qui, au bout de vingt minutes, fait évacuer le contenu du système digestif dans un champ réservé aux défécations.

Trêve dans les expulsions forcées

Les refoulés sont surtout des hommes jeunes, congolais dans leur majorité, bien que certains soient originaires d’Afrique de l’ouest, mais aussi des adultes, hommes et femmes ainsi que des enfants dont certains âgés de moins de cinq ans. Ils viennent essentiellement des provinces angolaises de Lunda Norte et Sul et de Malange mais les humanitaires redoutent que les rafles de Congolais illégaux ne s’étendent à l’Angola tout entier.

Cahin-caha, les secours commencent à venir. L’ONU a ainsi envoyé un avion d’assistance humanitaire à Kinshasa pour leur venir en aide, comprenant notamment des couvertures, des jerricanes, des tentes et quelques canots pneumatiques. La MONUC a été chargée de transporter ce matériel vers Tembo et Kahungula, la distribution étant, quant à elle, assurée par les ONG MSF Belgique, Catholic Relief Services et Caritas.

Le gouvernement angolais avait commencé à expulser en décembre 2003 et en janvier 2004 les civils congolais ayant vécu et travaillé illégalement dans les mines de diamants du pays, et s’était concerté auparavant avec les autorités de Kinshasa. Mais ce qui est en accusation et qui a ému les responsables congolais, c’est la méthode utilisée par l’Angola, sorti en 2002 d’une guerre civile meurtrière. Les garimpeiros ont longtemps été soupçonnés de travailler pour l’UNITA qui, à une époque, occupait la plupart des zones diamantifères du nord et du centre de l’Angola jusqu’aux frontières avec la RDC.

Une réunion tripartite entre l’Angola, la RDC et le Congo Brazzaville devrait évoquer dans le courant du mois de mai à Luanda le problème de la sécurité des frontières et des mouvements de population. Pour le moment, les Angolais semblent observer une trêve dans les expulsions forcées, « mais pour combien de temps ? », se demandent les humanitaires, car le flot des refoulés continue à arriver dans les zones frontalières en encadré par les Angolais.

Source : www.rfi.fr

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