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Le FBI a pris "Le Renard" au piège

Alors qu’il arrivait à New York, le trafiquant d’armes belge Jacques Monsieur, 56 ans, qui vit en France, a été arrêté par le FBI, au cours d’une opération visant à le faire tomber dans un piège. Selon le ministère de la Justice (DoJ) américain, qui a révélé cette affaire le 2 septembre, Jacques Monsieur a été inculpé par un grand jury pour conspiration afin d’exporter illégalement des pièces détachées d’avions de combat américains vers l’Iran, frappé d’embargo par les États-Unis, et a été présenté à un juge fédéral de Mobile (Alabama), où il a été incarcéré. Il avait tenté d’acquérir des réacteurs et des pièces de rechange pour des avions de chasse F-5 Freedom Fighter achetés par l’Iran avant la révolution islamique de 1979. Problème : le contact susceptible de lui procurer ces pièces de F-5, que Jacques Monsieur avait rencontré à Paris voici quelques mois, était en réalité un agent du FBI agissant pour le piéger !

Les charges qui pèsent désormais contre Monsieur pourraient lui valoir soixante-cinq ans de prison, à savoir cinq ans pour la conspiration, dix ans pour la contrebande, dix autres pour violation de la loi sur les exportations d’armements AECA (Arms Export Control Act), vingt ans pour le blanchiment d’argent, et vingt ans encore pour violation de la loi IEEPA (International Emergency Economic Powers Act). Présenté comme son complice, l’Iranien Dara Fotouhi, 54 ans, a échappé à l’arrestation et se trouve en fuite. Selon l’acte d’accusation évoqué par le communiqué du DoJ, Monsieur a cherché à se procurer les pièces illégales par le biais d’une société basée au Kyrgyzstan, qui les aurait fait livrer aux Émirats arabes unis, via la Colombie, avant qu’elles ne soient transférées en Iran.

"Est-il un réel espion, un simple trafiquant d’armes frimeur et vantard ou un marchand ?"

Il est classique, pour obtenir une licence d’exportation, que les trafiquants d’armes présentent des certificats de destination finale de complaisance. Contre rétribution, un fonctionnaire d’un pays quelconque signe ce document, tandis que le matériel litigieux gagne une autre destination. Dans ce cas, l’Iran. Dans les années 1980, Jacques Monsieur utilisait souvent le Congo pour cet exercice... À cette époque, alors au service des mollahs iraniens, il a été mêlé au scandale de l’Irangate. Ensuite, il a trempé dans tous les trafics d’armes, et a toujours prétendu travailler autant pour les services secrets que pour son propre compte, comme il l’ confirmé lors d’un entretien à Radio France Internationale , en 2004. Une chose est sûre, ils n’ont pas beaucoup pris soin de lui, si l’on en juge par la fréquence de ses séjours à l’ombre depuis le début de cette décennie : deux ans en Iran, puis en Turquie, en Belgique et en France, sans même parler de ses actuels ennuis aux États-Unis.

Le journaliste Laurent Léger, qui a interviewé Monsieur pour son ouvrage Trafics d’armes (Flammarion, 2006), dont il est le principal personnage, n’a pas été vraiment convaincu par son interlocuteur et s’interroge : "Est-il un réel espion, un simple trafiquant d’armes frimeur et vantard ou un marchand qui va glaner des informations sur le terrain et les remettre à un ou plusieurs services de renseignement en échange de faveurs et de protections ?" Pour avoir vendu depuis la France des armes iraniennes à la Croatie et à la Bosnie sans autorisation du ministère de la Défense, mais aussi d’autres engins guerriers à destination du Togo, du Qatar, du Congo-Brazzaville, du Congo-Kinshasa et du Kazakhstan, Jacques Monsieur - qui prétendait avoir été "couvert" par la DST, la CIA et le Mossad israélien - a écopé, en mai 2008, devant le tribunal de Bourges, de quatre ans de prison avec sursis. Mais il fut relaxé pour ses dangereux commerces avec l’Ouganda, l’Inde, la Namibie et le Venezuela.

Dans la galaxie des marchands d’armes internationaux, Jacques Monsieur, dit "Le Maréchal" ou "Le Renard", a suscité de longue date un intérêt que l’intéressé n’a jamais encouragé, ce qui ne l’a pas empêché d’être l’objet d’une enquête du journaliste Alain Lallemand, publiée aux États-Unis par l’ ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists) dès 2002.

Par Jean Guisnel
Source : Lepoint.fr

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