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Tsunami politique

Le MCDDI décroche : Kolélas capitule

La politique africaine est le prolongement de la chefferie d’antan. Elle confère aux détenteurs du pouvoir le droit à la fortune, à la disposition des biens et des gens qui composent leur peuple, au pouvoir absolu sur toutes les institutions, à la vénération due par leurs sujets et à la tentation de faire de leur passage aux plus hautes instances du pouvoir un bien héréditaire. La tentation est forte chez les autres chefs de prendre l’ascendant, de devenir calife à la place du calife. Longtemps protégés par le système du parti unique, les présidents sont aujourd’hui menacés par le pluripartisme imposé par les Nations Unies.
Certains moins adroits que d’autres sont les éternels seconds, les Poulidor de la politique. Ainsi, en plus de quatre décennies Bernard Kolélas est devenu le mythe de la politique Congolaise. Lui, l’opposant emblématique de tous les présidents successifs de la république du Congo fait aujourd’hui allégeance à Sassou Nguesso devant des milliers de congolais.

L’homme traîne derrière lui une histoire politique à rebondissement et rocambolesque. Adepte du jusqu’auboutisme il se veut rigide, pourtant il ne cesse de se montrer versatile.

En 1962 militant influent de l’Union Démocratique pour la Défense des Intérêts Africains (UDDIA) de l’abbé Fulbert Youlou , il tombe en disgrâce lors d’un congrès du parti, en raison de ses excès de zèle. Bernard Kolélas très entier se brouille alors avec le président Fulbert Youlou.

En 1965, sous le régime de Massamba Debat, il tente une action armée (version officielle : aux fins de faire capoter les jeux panafricains de Brazzaville). Mis aux arrêts et condamné à mort, le président Marien Ngouabi l’amnistie en 1968.

Il s’essaie à une tentative de déstabilisation du régime marxiste de Marien Ngouabi qui se solde par son retour sous les verrous sous le chef d’inculpation de haute trahison, association de malfaiteurs, et appartenance à la ligne droitière et liquidationiste. La sentence est sans appel : condamnation à mort. Et de deux. In extremis, le président Marien Ngouabi l’amnistie une fois encore.

Inoxydable, depuis son fief de Bacongo, il poursuit sa critique des excès du marxisme léniniste et de l’athéisme ce qui lui vaut plusieurs séjours en prison durant les années mono.

L’avènement de la démocratie le remet en orbite. Très actif durant la conférence nationale souveraine, son statut d’homme politique se confirme. L’éboueur Kolélas recommence son travail de sape jusqu’au moment où une erreur d’appréciation au sujet de l’avenir du pouvoir de Pascal Lissouba l’allie à ce dernier pourtant au bord du gouffre. Cette cohabitation éphémère donne à Denis Sassou Nguesso l’occasion de régler ses comptes avec l’homme qui l’a écarté de la course aux présidentielles en 1992. Bernard Kolélas est contraint à l’exil lors de la chute de Lissouba en 1997.
Tâta accusé de collaboration avec l’ex président de la république Pascal Lissouba et considéré comme génocidaire par le pouvoir en place est à nouveau condamné à mort (jamais deux sans trois) par contumasse pour cause de « meurtres, assassinats, détentions arbitraires, coups et blessures volontaires, tortures dans ses geôles privés ». Kolélas qualifie ce procès de mascarade.

Celui que ses sympatisans inconditionnels surnomment le ¨Kumbi¨ allusion au rat palmiste de forêt équatoriale, rusé et malicieux, qui sait se jouer des hommes par ses tours de passe-passe, est déclaré persona non grata dans son pays pendant neuf ans.

S’ensuivent de rocambolesques tentatives pour regagner Brazzaville comme celle 04 décembre 2003 durant laquelle le Kumbi tente un passage discret à l’aéroport international de N’djili via Kinshasa (RDC), déguisé et muni de faux papiers. Les services de sécurité frontalière de Joseph Kabila le démasquent. Mpila demande son extradition en vertu d’un accord en sommeil depuis des années. L’Elysée convainc cependant Brazzaville que Kolélas serait un prisonnier trop encombrant. Le vieux est gentiment reconduit à Bamako (Mali) par le vol suivant.

Sassou croise Kolélas à Madagascar lors d’un congrès maçonnique qui a lieu sur le thème : « Maçon femmes et hommes de paix » du 05 au 07 Février 2004. La fraternité maçonnique impose certainement ses règles et on doit certainement y voir la raison de la sollicitude qui est celle du président congolais quand madame Kolélas est victime d’un accident vasculaire cérébral à Bamako. Un avion spécial est affrété sur ordre de Mpila pour évacuer l’épouse de l’opposant vers Paris où elle décède.

Le toboggan politique

Les hommes politiques s’entredéchirent en paroles et par armées et milices interposées faisant des milliers de morts dans chacun des camps, là comme toujours c’est le peuple qui passe à la caisse. Mais que l’un d’entre eux perde un proche et voici soudain tous les griefs oubliés, toutes les fautes tant décriées pardonnées. On a vu ainsi en Côte-d’Ivoire le président Laurent Gbagbo embrasser son ennemi politique Alassane Ouatara suite au décès de sa mère.

Au Congo il en est de même ! Le niet catégorique de Denis Sassou Nguesso au retour de l’opposant Bernard Kolélas vole en éclat lors du décès de l’épouse du banni. Il est autorisé à rentrer au Pays pour pouvoir inhumer la défunte.

Si l’humanité de Sassou est louable dans ce cas précis, comment expliquer qu’un événement somme toute privé prenne soudain une dimension politique telle qu’elle mène à l’amnistie pure et simple de celui qui passait jusqu’alors pour le plus grand ennemi du régime ?

Rentré à Brazzaville, Kolélas, la « grande gueule » surprend par son silence, qu’on attribue d’abord à son deuil. Celui-ci passé, le chantre de l’opposition se tait encore jusqu’à ce qu’il se décide à organiser un meeting.

Plus de 20 000 personnes mobilisées pour le premier meeting post-exil de ce ténor de la politique congolaise. L’auditoire de partisans, militants, et sympathisants est venu avec l’espoir d’entendre un plaidoyer pour une alternance démocratique, il entend décontenancé son leader annoncer : « Il faut soutenir les autorités du Congo parce qu’elles sont engagées dans la voie de la paix de l’entente et de la réconciliation nationale... ».

Le lendemain tous les militants rêvant la veille encore de renverser le pouvoir de Mpila entrent désormais dans la mouvance présidentielle démontrant une fois de plus, si cela avait pu faire un doute, que la politique au Congo ne dépend en rien d’idées mais seulement de stricte obédience à la ligne donnée par le chef qu’on s’est choisi quoi qu’il puisse dire ou faire.

Au risque de nous tromper l’alliance contre nature de ces deux poids lourds de la politique congolaise pose les jalons d’une dynamique de paix et rien de plus. Le gain politique est des deux côtés. Deux visions diamétralement opposées peuvent expliquer ce statut quo :
  Pour Denis Sassou Nguesso l’appui de Bernard Kolélas, lors des échéances électorales futures, lui permettra de récolter des voix précieuses dans le Pool, quand on sait qu’au Congo le dialecte pilote le vote, le régiolecte est un facteur déterminent.
  Pour Kolélas la rébellion du pool a dépassé les limites acceptables. Lever le bannissement du Pool dans le développement régional serait se refaire une virginité politique et redorerait son blason de leader incontesté du Pool.

A suivre...

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