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Retour sur l’affaire Flore Barros : le TASER d’Hassan Hojeij

Les durs sévices corporels subis par la jeune Congolaise Flore Barros n’ont pas fini de faire parler d’eux. Un juriste canadien, Jean-Guy Courtois (« Congo Brazzaville : Étude d’un Cas Pratique de Droit et d’un Problème Juridique », In blog Eric Mampouya http://www.mampouya.com/) s’est penché sur cette sordide et grave affaire en soulignant que, le Congo, en tant qu’Etat, censé protéger ses citoyens, semble s’être bien tiré de cette affaire. Il s’est trop bien tiré de cette affaire alors qu’il a failli à sa mission (protéger la population) quand un de ses ressortissant, Flore Barros, est devenue hadicapé à vie, pour avoir reçu une décharge du pistolet Taser. Justice (la vraie justice) doit donc être rendue.

Ce regard d’un homme de loi étranger est une aubaine pour ceux qui veulent en découdre de l’intérieur (et ils sont légion) avec le très détestable régime congolais sans y parvenir (à cause de sa férocité en matière de répression)

Faites entrer l’accusé…

Pour Jean-Guy Courtois, l’Etat devrait être convoqué à la barre dans cette affaire. Il doit entrer dans le prétoire pour « non assistance à population en danger ». Malheureusement, c’est là, une démarche que les hommes de la loi (parce qu’intimement liés et inféodés au pouvoir de Mpila, mais surtout parce que intellectuellement limités) n’ont pas faite. Les « juges iniques  » se sont borné, dans cette affaire, de concentrer leur tir sur le ressortissant libanais Hassan Hojeij et sur sa victime (d’ailleurs plus sur elle que sur l’accusé), ménageant les Ministres de l’Intérieur et des Finances (dont relève la régie des finances ), coupables d’avoir, pour le premier, laissé circuler une arme dangereuse et, pour le second, de gérer une douane « passoire ».

Jean-Guy Courtois rappelle cette règle juridique de bon sens : « Les services de sécurité nationale et des douanes sont habilités d’intercepter toutes armes illégales introduites sur le territoire congolais ou de les saisir depuis les frontières terrestre, maritime et aérienne. Or il s’avère que ces services habilités par les lois et l’État congolais font montre d’une faille indescriptible notamment à cause de la corruption qui gangrène ces services d’État. »

Droit d’ingérence

Que donc cette affaire intéresse l’opinion internationale c’est ce qui n’est pas pour nous déplaire car, bien souvent, les auteurs de l’arbitraire croient que leurs dérives juridiques, politiques et économiques passent inaperçues. Erreur monumentale, car c’est oublier qu’à l’heure du Web (même si le Congo, avec Thierry Moungalla, traîne les pas en la matière) il n’y a plus rien qui se fasse en ce bas monde qui ne se sache désormais, urbi et orbi. Le droit d’ingérence étant alors ici recevable, le Congo, par conséquent, serait très mal inspiré en évoquant l’argument de la souveraineté territoriale pour échapper à ses responsabilités ou, comme dans l’affaire des Disparus du Beach, d’alléguer la fameuse « autorité de la chose jugée » comme si un jugement équitable a jamais été rendu une seule fois au Congo !

Redoutable Taser

Ce qui a surtout déclenché l’ire de l’homme de Droit canadien c’est la présence du pistolet TASER dans cette affaire comme première pièce à conviction. « Le pistolet à impulsion électrique, associé à la marque « Taser  », est une arme de 4e catégorie. Qualifié de non létal par ceux qui le commercialisent, il envoie sur sa cible deux dards délivrant une décharge électrique de plusieurs dizaines de milliers de volt. Il suscite néanmoins une certaine controverse du fait qu’il semble pouvoir causer la mort de personnes fragiles.  » (Wikipédia)

Si Hassan Hojeij semblait au courant des effets dévastateurs de son « joujou », visiblement ça ne doit pas être le cas du juge Congolais qui a présidé les débats. Il s’agit là d’une lacune qui en dit encore long sur la médiocrité de nos magistrats et notamment sur la façon des juges de mener l’instruction. Il aurait pourtant suffi de se pencher sur la première notice bibliographique pour être informé sur la dangerosité du Taser.

Les détails techniques fournis sur cette arme font froid dans le dos. « 

« Cette arme est conçue pour bloquer le système nerveux central, officiellement sans effets à long terme, afin d’immobiliser brièvement la personne touchée… On parle aussi de paralysie momentanée. Le cycle de 5 secondes automatique (durée totale de la décharge) est un cycle technique mais aussi physiologique puisqu’il permet de faire passer un individu en manque (de drogue) de l’état de démence à un état totalement déstressé… »

Ce n’est pas tout :
« Une autre des conséquences de la paralysie musculaire apparaît lorsqu’une personne est touchée à l’abdomen à un mètre de distance : il peut provoquer la défécation immédiate.  »

Classé comme arme dangereuse, l’homme de justice canadien s’est étonné que le Taser ait pu être importé au Congo et, qui plus est, par un civil, de surcroît, ressortissant étranger. Là-dessus, le juriste ne s’est pas empêché de souligner la collusion et la connivence qui existent entre les citoyens étrangers et l’Etat Congolais qui, comme chacun sait, passe pour l’un des plus corrompus d’Afrique. Grassement bénéficiaires de pots de vin, ceux qui représentent l’Etat au Congo ferment les yeux sur tous les abus de pouvoir commis par la communauté étrangère (tous membres confondus) alors qu’ils sévissent avec une brutalité inouïe quand il s’agit de réprimer un citoyen congolais. Deux poids, deux mesures qui se vérifient également sur des facilités d’accès à des prêts bancaires et sur les modalités de créations d’entreprises. A compétences inégales (en faveur du Congolais) un Chinois, par exemple, sera préféré à un Congolais. En clair, au Congo-Brazzaville (sous Denis Sassou-Nguesso) il est préférable d’être étranger que natif du pays. Jean-Marie Le Pen (excusez la boutade) serait atteint de démence s’il était Congolais, lui qui a fait de la préférence nationale son nauséeux fonds de commerce.

Culpabilité de l’Etat

Aussi quand Jean-Guy Courtois se demande : « Peut-on établir la responsabilité civile et criminelle de l’État Congolais dans l’affaire Flore BARROS contre Hassan HOJEIJ ? »

Il va sans dire que si le Droit « était dit  » au Congo, la réponse est positive. Or le procès a montré qu’aucune autorité politique du gouvernement de Sassou n’a été inquiétée dans cette ignominieuse affaire.

Il se trouve que les autorités judiciaires congolaises ont fait preuve de complaisance qui masque indubitablement un crétinisme intellectuel : « A cause de cette complaisance, les autorités judiciaires congolaises se trouvent dans l’incapacité de dire le droit et de rendre la vraie justice contre l’État congolais. » (Jean-Guy Courtois)

Du reste Me Fulbert Nzalankanda, avocat de la partie civile, en dépit de son brillant droit de réponse paru sur le blog d’Eric Mampouya, n’a vu que du feu dans cette révoltante affaire d’arme dangereuse détenue par un civil et dont l’usage a été fait sur un autre civil, a fortiori une femme (l’un des êtres les plus vulnérables de la société). Il a simplement plaidé les aspects thérapeutiquement traumatisants connotés par les effets des hautes décharges électriques du Taser sur la victime. Tout comme d’ailleurs les autres avocats de la défense qui l’ont précédé dans ce dossier. Quid des organisations des Droits de l’Homme (OCDH, RPDH, FIDH) ? Du reste, on est étonné que l’URFC (disons-le pour rire) ne se soit pas constituée partie civile dans un procès où les droits de la femme (que ce vieux syndicat féministe est censé défendre) sont cruellement bafoués. Il reste que, caisse de résonnance du PCT, l’URFC a au moins l’excuse du « devoir de réserve  ». Ce n’est pas le cas des ONG « droit-de-l’hommistes. »

Compétence Internationale

Dans un pays (le Congo) où une féroce dictature étrangle les citoyens d’une main d’airain, ça fait chaud au cœur de savoir que les gémissements de ceux qui souffrent sont entendus hors des frontières de cet impitoyable Etat. On y tue en toute impunité. Souvenons-nous des 360 « Disparus du Beach », qu’on se souvienne aussi des autres victimes de guerre dans les quartiers Sud de Brazzaville et dans le Pool : aucun auteur de ces crimes n’a été traîné devant la justice. Or bien de « responsables politiques  » ont un excellent profil de candidat à la Cour Pénal International. Les Milosévic locaux sont légion dans la nébuleuse politique mise en place par Denis Sassou-Nguesso.

Autrement dit, quand Jean-Guy Courtois constate la « négligence du ministère public de n’avoir pas cité l’État congolais à comparaître  » et quand ce juriste canadien ajoute :

« Il revient donc à Mademoiselle Flore BARROS ou aux associations de droit de l’homme ou d’intérêts publics de formuler une plainte contre l’État congolais auprès d’un tribunal étranger ou international comme aucun tribunal congolais ne se soucie d’élucider cette question  » Comment ne pas adhérer à cette conclusion ?

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