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Mozambique

Le fils du président impliqué dans le meurtre d’un journaliste

Coup d’éclat dès le deuxième jour du procès des six assassins présumés du journaliste Carlos Cardoso : Nyimpine Chissano, fils du président mozambicain, a été directement mis en cause par un des accusés interrogé par le juge. Carlos Cardoso enquêtait sur un des plus grands scandales financiers du pays, lorsqu’il a été abattu en plein jour à Maputo en novembre 2000.

La tension est montée d’un cran ce mardi, dans la cour de la prison de haute sécurité, où se tient le procès du meurtre du journaliste mozambicain Carlos Cardoso. Manuel Fernandes, un des six prévenus, a reconnu avoir participé à l’assassinat du journaliste et a directement mis en cause Nyimpine Chissano, le fils du président mozambicain. Fernandes a déclaré que son comparse Anibalzinho, le principal suspect, en fuite depuis septembre dernier, lui avait affirmé que le commanditaire du meurtre était le fils de Joaquim Chissano. Homme d’affaires prospère à la réputation sulfureuse, Nyimpine Chissano avait déjà été mis en cause par un témoin sans avoir pour le moment été entendu par la justice.

Au deuxième jour du procès, cette déclaration va dans le sens des affirmations faites par la presse mozambicaine depuis l’assassinat du journaliste, sur une probable implication de personnalités proches du pouvoir dans cette affaire. Déjà, en septembre dernier, il était clair pour de nombreux Mozambicains que la fuite du principal suspect, Anibalzinho, de la prison la mieux gardée du pays, ne pouvait avoir été possible qu’avec des complicités de haut niveau. Certains avaient intérêt à ce que le présumé exécutant du meurtre ne profite du procès pour faire des révélations sur les véritables commanditaires. De leur côté, les trois autres inculpés, deux hommes d’affaires mozambicains d’origine pakistanaise, les frères Satar, et un ancien responsable de la Banque Commerciale de Mozambique (BCM), soupçonnés d’avoir commandité le meurtre, clament aujourd’hui qu’ils n’étaient que des intermédiaires.

Corruption et crime organisé

Ancien directeur de l’Agence Mozambicaine d’Information, fondateur et directeur du journal Metical, reconnu pour son indépendance, Cardoso dénonçait régulièrement divers trafics sous couvert de commerce et la corruption grandissante dans tous les rouages de l’Etat. Lorsqu’il a été abattu le 22 novembre 2000, il enquêtait sur un détournement de fonds de plus de 14 millions de dollars lors de l’opération de privatisation en 1996 de la Banque Commerciale de Mozambique (BCM) devenue Banco Austral. Cardoso n’a pas été la seule victime liée à cette affaire. Albano Silva, avocat qui travaillait aux côtés de Cardoso sur cette fraude bancaire, a échappé de justesse à une tentative d’assassinat au cours de l’année 2000 tandis qu’en avril 2001 le nouvel administrateur de la banque Austral, Siba-Siba Macuacua, était défenestré.

La mort brutale de Cardoso, mozambicain d’origine portugaise, engagé aux côtés du Frelimo (Front de Libération du Mozambique) au moment de la lutte de libération contre les Portugais, avait provoqué la stupéfaction dans la société civile mozambicaine. Les divers rebondissements de l’affaire avaient fait découvrir aux Mozambicains le degré de corruption de nombre d’institutions et l’emprise grandissante du crime organisé. Les menaces à l’encontre de certains protagonistes de l’affaire, notamment contre le juge et l’ancien directeur de la police, avaient avivé les tensions. A plusieurs reprises, le ministre de l’Intérieur, Adérito Manhenje, accusé de laxisme, avait été appelé à la démission.

Le Mozambique est souvent cité en exemple pour son processus de paix réussi et pour ses performances économiques (14% de taux de croissance en 2001). Depuis la fin de la guerre, en 1992, la liberté de la presse était une réalité dans le pays. Le meurtre de Carlos Cardoso a jeté une ombre au tableau d’un pays très favorisé par les bailleurs de fonds internationaux.

Aujourd’hui, reste à savoir si la justice, soutenue par la société civile, est décidée à lutter contre l’impunité. Pour les Mozambicains, l’enjeu de ce procès est clair : la vérité non seulement sur l’assassinat de Carlos Cardoso, mais aussi sur la valeur de leurs institutions démocratiques.

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