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Le nœud gordien :

Le gouvernement congolais doit concilier pouvoir d’achat et augmentation des carburants à la pompe.

« On me dit que le système de liberté sur la vente des productions, assis sur le rapport prix de revient et de vente, qui s’étend même sur les bibelots ; et que, pourvu que je n’en use, ni du culte, ni de survie, ni de la politique, ni des personnes qui tiennent à quelque chose, je puis tout prétendre sous la censure du gouvernement. »

L’augmentation brutale du prix de l’essence et du gazole passant respectivement de 435 FCFA à 495 FCFA et de 295 FCFA à 345 FCFA, a débouché sur une grève des chauffeurs de taxis et de bus, sommés par le gouvernement congolais à ne pas aligner les prix de la course à la nouvelle donne économique : le nez de Cléopâtre qui aurait changé la face du monde selon Pascal. Car le pays est dirigé dans un contexte de trêve sociale.

Quand l’esprit général d’une nation est atteint, quand le principe du gouvernement se perd, le peuple nécessairement dégénère. La grève des chauffeurs de taxis et des bus exprime le seuil de tolérance.

De source sure, à la date du 1er juillet 2006, aucun décret, ni campagne explicative à l’instar de celle orchestrée autour des « fonds vautours » n’a précédé la revalorisation des prix des hydrocarbures au Congo. Certes, le ministre de l’industrie et du développement, monsieur Emile Mabondzo, projetait une augmentation des prix des produits dérivés du pétrole, sans fixer de date d’application, a contrario du ministre des hydrocarbures, monsieur Taty Loutard, qui pour sa part demandait à ses services déconcentrés de surseoir à toute augmentation. Un désordre de plus à l’intérieur même du gouvernement congolais, mis en évidence par l’absence d’explications à Pointe-Noire des directions départementales concernées : « On ne peut rien vous dire ! ».

A soixante dix huit dollars, le baril du brut, les difficultés économiques du gouvernement de Brazzaville se multiplient, déjà en déliquescence par manque de génie et de choix stratégiques de développement.

La Congolaise de Raffinerie (CORAF), devra désormais se passer des subventions de l’Etat et aligner ses prix sur les cours du marché pétrolier. C’est là que le bât blesse. Si les exigences économiques obligent le gouvernement congolais à actualiser les prix de l’essence et du gazole à la pompe, rien n’empêche les autorités brazzavilloises d’expliquer par une mécanique simple l’ordre actuel et les contraintes du marché pétrolier, sauf à préserver le flou de la galaxie de l’or noir et de ses retombées dans le social.

En effet, après une timide augmentation des salaires, due à une croissance en valeur de 2,9% (1989), et de 2,8% (1990), le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC), stagne officiellement à quarante mille francs CFA depuis 1990, et le salaire moyen à cent onze mille neuf cent soixante treize francs CFA depuis 1992. Ce baromètre des revenus est très vite émoussé par une inflation galopante des prix à la consommation. En 1994, la dévaluation drastique de 50% du franc CFA, surprend les économies les moins structurées dont le Congo fait partie intégrante. Le gouvernement de Pascal Lissouba fait une coupe de 15% sur les salaires que le pouvoir en place tente de rétablir. Additivement, plusieurs taxes sur l’électricité, devenue un luxe au Congo par une cécité de politique énergétique dont l’offre laisse à désirer, élaguent le pouvoir d’achat.

Le raidissement de Mpila dans le social, est le ver dans la pomme. Aujourd’hui, la croissance est passée de 4% à 4,5%, le surplus pétrolier persiste, mais le pouvoir de Brazzaville pèche par une mauvaise redistribution des revenus pétroliers, incapable d’améliorer qualitativement le niveau de vie des congolais. L’on explique le délaissement du social, au profit du programme de la lutte contre la pauvreté et la réduction de la dette. Ce refrain les congolais s’en sont accoutumés depuis le slogan lancé par Joachim Yombi Opango en 1977 : « Vivre durement aujourd’hui, pour mieux vivre demain. » Il est repris de fort belle manière, par le premier ministre Isidore Mvouba : « Patientez. »

Alors que l’augmentation des prix de l’essence et du gazole est perçue par les couches fragilisées comme une manœuvre tendant à dégrader davantage leur pouvoir d’achat, la corruption, l’impunité, le passe-droit, prennent droit de cité dans le gouvernement et l’Assemblée Nationale.

La population ne sait plus à quel saint se vouer. Les godillots qui meublent l’hémicycle, en sont réduit à applaudir le « Maître », en respect du pacte constitutionnel de non destitution, vidés de leur substance et de l’éthique des mandants du peuple. La crise actuelle prend ses racines même dans la nature de ces institutions dont le régime est ni monarchique, ni présidentiel, ni coutumier, ni hybride. L’ignorance est-elle permise ?

Pendant ce temps le pays est épuisé par le poids des impôts, décimé par la famine. Rare sont les régions qui échappent au marasme général. La stratégie incantatoire de la municipalisation accélérée des régions n’est plus qu’un gadget pour plus d’un congolais. La preuve : une délégation de la région pétrolifère du Kouilou a osé demander au président de la République Denis Sassou Nguesso, 1% de revenus pétroliers annuels, pour toutes les régions du pays à seule fin de diligenter la décentralisation et la municipalisation « rotoring » des régions.

Le pays doit s’attendre à une inflation généralisée des produits de première nécessité

Comment sortir de l’impasse sans aligner les prix de transport, synonyme d’augmentation générale des prix des produits de consommation, alors que le prix du brut caracole à soixante dix huit dollars le baril, et que les institutions de Brettons Wood impliquent la raffinerie à la contrainte économique ? Le gouvernement congolais décide de tondre l’assiette fiscale et para fiscale à laquelle sont assujettis les chauffeurs de taxis et de bus par la suspension :
  Des armoiries des mairies ;
  Des permis de conduire CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) ;
  Des taxes de la BCDA (Bureau Congolais des Droits d’Auteurs) ;
  De la Veritas ;
  De la patente des chauffeurs de taxis pendant deux semestres ;
  D’harmoniser le prix du certificat médical (2500 fcfa à Brazzaville, alors que le même document coûte 10000 fcfa à Pointe-Noire /semestre) ;
  Et la suspension de contrôle des dossiers des véhicules d’exploitation pendant tout le temps de la négociation.

Manifestement on règle un désordre par un autre, car de nombreux véhicules stationnés pour manque de dossier, circulent librement. Le trafic routier saturé en raison de l’insuffisance de réseaux de circulation enregistre les embouteillages et une dégradation rapide.
Par ailleurs, décapitaliser ses propres ressources cache mal la perte d’influence d’un gouvernement dont le code de conduite changerait avec l’évolution des mentalités : Les congolais ne se veulent plus ces roses qui croient le monde immuable, car de mémoire des roses, on n’a jamais vu mourir un jardinier. L’audace cède au quiétisme d’antan, la preuve : dans les quartiers Nord de Brazzaville, réputé fief du chef de l’Etat, deux stations d’essence ont été brûlées, en guise de protestation contre l’augmentation brutal des prix des hydrocarbures, présage à une atteinte au pouvoir d’achat. De fil en aiguille, l’esprit critique érige des prises de positions novatrices qui desservent le pouvoir de Mpila, à quelques mois des échéances électorales.

On sait Denis Sassou Nguesso, pour lequel on a épuisé les slogans de sauveur et d’homme de paix, entouré par une cour bien préoccupée, au grand dam du peuple, par ses querelles intestines, luttes d’influence, gabegie ? « Sassou peut tout faire, pourvu qu’il nous laisse vivre en paix », s’il le faut, ce sera en dégradant davantage le pouvoir d’achat des congolais dans les conditions où les malheurs du plus grand nombre font le bien de quelques particuliers. L’homme osera t-il briser le deal ?

Sassou tenterait-il de reprendre les choses en main ? Le samedi 22 juillet n’a-t-on pas vu son épouse, son meilleur porte parole au Kouilou, faire ses emplettes au grand marché de Pointe-Noire, question d’évaluer le poids du panier de la ménagère dans le budget du congolais moyen ? Aux cadres des administrations, et dignitaires, elle dit : « Je suis venu vous écouter, bien que je ne sois pas la personne habilité. Mais du fait que je sois proche du Chef, je peux apporter ma contribution... » Aux religieux, elle a exhorté la paix et l’amour. Mpila serait-il aux abois au point de gratifier la base congolaise d’une attention si particulière ? Puisque la noblesse lâche les intérêts de la nation, le monarque se tourne vers le clergé et le tiers Etat. Lorsqu’on ne peut pas passer par la porte, on passe par la fenêtre.

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