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Les Congolais attendent un hôpital, on leur offre un cimetière

Le projet du nouveau cimetière municipal franchit un pas important.
On apprend sur le site pro-gouvernemental Congo-Site que le maire de Brazzaville, Hugues Ngouélondlé, a fait une bonne affaire en signant le 20 juillet 2011 un « protocole d’accord avec six familles propriétaires terriens du site Matari, situé dans le 7ème arrondissement (Mfilou Ngamaba).  » Pourquoi cette transaction foncière ? Les cimetières d’Itatotolo et du Centre-ville étant saturés, d’après ce site officiel du pouvoir, grâce à cette signature la maire va obtenir « 200 hectares de terre devant abriter le nouveau cimetière municipal. »

Chroniques des morts annoncées

Que Gabriel Garcia Marquès nous pardonne le pastiche de son puiisant ouvrage (Chroniques d’une mort annoncée). C’est que les statistiques de Ngouolondélé sont diablement éloquentes : « Le nouveau cimetière municipal s’étendra sur une superficie de 2.000.000m² et comprendra 5000 parcelles de 400m² chacune. Cette surface permettra de construire environ 680.000 caveaux pour les grandes personnes et 2.050.000 caveaux pour enfants pour une durée d’exploitation de 90 ans. Le prix d’achat de chaque parcelle a été fixé à 325.000 francs CFA, soit un coût total de 5000 parcelles à 1.625.000.000 francs CFA. »

La mort dans l’âme, le directeur des pompes funèbres, Ferdinand Milandou Malonga, regrette qu’il n’y ait à Brazzaville que « deux cimetières...celui de Makana et du centre ville. La partie nord pour le moment n’a pas un cimetière public. Nous attendons que les acomptes soient réglés pour aménager les routes et commencer avec les premières inhumations »
A croire qu’ils meurent d’impatience en attendant de se livrer à une activité fort juteuse : les pompes funèbres. Ca tombe bien pour eux.

Les noms des propriétaires fonciers qui vont louer pendant 90 ans la terre où seront ensevelis les Brazzavillois : Yindza, représenté par Alphonse Malélé (1600 parcelles) , Itatolo représenté par Roger Ibalico (1500 parcelles) Banda Massengo représentée par Kinzonzi Dominique (1500 parcelles) ; Kivimba représentée par Massengo Gaspard (175 parcelles) ; Izinga représentée par Malonga Antoine (150 parcelles) et Nsoundi représentée par Matsiona Julien ( 75 parcelles).

Enfin Ferdinand Milandou Malonga conclue avec un optimisme sans nom : « Avec la fermeture du cimetière municipal d’Itatolo, l’ouverture de celui de Matari devrait soulager les populations de Brazzaville. »
On ne sait pas si c’est du cynisme ou de la naïveté. D’ordinaire on soulage d’un mal. Ici, dans l’esprit de ce conseiller municipal, les obsèques peuvent soulager. Comme oxymore (figure de style), c’est lugubrement bien trouvé.

Vautours

L’industrie de la mort est très rentable au Congo. Les vautours du Chemin d’avenir ont flairé la proie qui va leur permettre de se repaître durant un siècle d’une denrée que les Congolais produisent massivement : la dépouille humaine. A raison de 30 corps retirés chaque jour de la morgue de Brazzaville, la barre effroyable de 900 macchabées est atteintes au bout d’un mois. Manifestement lorsque le taux de mortalité augmente, les pompes funèbres se frottent les mains. Moins par cruauté pure que par relation de cause à effet. C’est parce que les croque-morts vivent de ça que la mort les réjouit ; elle les réjouit de la même façon que les carreaux des fenêtres cassés par les enfants est un spectacle qui fait plaisir aux vitriers.

Le salaire de la mort

Dans un pays où les hommes meurent comme les mouches la mort est perçue comme un créneau porteur qui ne peut que faire saliver le maire Hugues Ngouolondélé. Comme chacun sait, le premier citoyen de la ville de Brazzaville a le monopole de la gestion des pompes funèbres. Il encaisse une taxe de 200.000 cfa sur tous les corps qui séjournent à la morgue de Brazzaville quand le décès survient à l’étranger. Abus de pouvoir combiné à un chantage à la détresse, cet impôt sur le deuil prouve pour les acteurs du Chemin d’avenir le salaire de la mort n’est pas un péché...mortel.

Pourquoi voulez-vous qu’ils améliorent les conditions de vie des vivants quand ces derniers leur rapportent plus, morts que vifs ?

Les cimetières privés qui prospèrent à Brazzaville ont donné un coup fatal au monopole de l’économie mortuaire détenu par le gendre de Sassou, Hugues Ngouolondélé. Fermés pour cause de surpeuplement, les cimetières d’Itatolo et de Mounkoundi-Ngouaka avaient exposé celui du centre-ville à un danger mortel appelé « saturation ». Car un cimetière, ça meurt aussi. Exemple : celui de la Tsiémé dont le site est devenu zone constructible. "Les vivants s’entassent sur les morts" aurait dit le colonel Chabert de Balzac.

Les actes de décès d’Itatolo et Mont-Barnier étant signés, il fallait vite réagir pour ces marchands du funèbre, ces charognes, ces nécrophages jamais répus. Ouvrir une nouvelle cité des morts fait partie des urgences. "Agriculture, priorité des priorités" psalmodiait Marien Ngouabi. Sassou rétorque : "nécro-culture, priorité suprême"

En tout cas dans la chaîne de l’existence, nos amis du Chemin d’Avenir estiment qu’une nécropole, c’est plus urgent que le CHU de Brazzaville qui manque d’ascenseur ou plus vital que le réseau de distribution d’eau de la ville jamais remis à neuf depuis cinquante ans.

Inauguration

Et si Dieu leur faisait goûter, physiquement, les premiers, ce nouveau cimetière....

Louvouézo

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